• L'atelier des souvenirs, Anne IDOUX-THIVETLorsqu’elle hérite de la maison de sa grand-mère dans la Meuse, Alice décide de quitter sa vie de thésarde parisienne qui ne mène nulle part et de s’installer à la campagne. Elle se lance alors dans l’animation d’ateliers d’écriture dans deux maisons de retraite. Suzanne, Germaine, Jeanne, Élisabeth, Georges, Lucien… les anciens dont elle croise la route sont tous plus attachants les uns que les autres.

    Au fil des séances d’écriture, les retraités dévoilent des bribes de leur passé et s’attachent à la jeune femme, dont ils devinent la solitude. Bien décidés à lui redonner le sourire, la joyeuse bande de seniors se donne pour mission de l’aider à trouver l’amour !

    Mon avis :

    J’aime beaucoup les romans multigénérationnels qui parlent de transmission, comparent les époques, mêlent les savoirs des uns et des autres… Je me suis donc laissé tenter par ce roman proposé par les éditions Lafon et je ne le regrette pas.

    L’idée de départ est sympa et originale. Pour gagner sa vie, Alice propose des ateliers d’écriture dans des maisons de repos. Elle est persuadée que cela les aidera à se servir de leur mémoire, de leurs connaissances passées et les sortira de leur isolement. Elle ignore que ces rencontres lui apporteront beaucoup également. Cette fin est moins originale et certains rebondissements sont un peu trop évidents pour faire de ce récit un grand roman, mais cela n’a pas gâché ma lecture.

    J’ai aimé la tendresse de l’écriture d’Anne Idoux-Thivet, la manière dont elle décrit ses personnages par petites touches allusives, au fil de leurs écrits. Entre Alice et ses « élèves » une complicité nait peu à peu grâce à la bienveillance de la première et les souvenirs que partagent les seconds. Que de tendresse, de confiance, de nostalgie ou de solitude dans ces textes. Toute une vie couchée sur le papier par brefs tableaux impressionnistes. Alice la réservée, l’hésitante, va doucement s’épanouir à leur contact et prendre de l’assurance, devenant une jeune femme plus forte.

    Dès le départ, l’auteur parvient à créer une ambiance chaleureuse dans laquelle on se glisse avec plaisir. Elle alterne les récits des membres de ses ateliers d’écriture et la narration d’Alice qui nous donne son point de vue sur chacun. Le moins qu’on puisse dire c’est que certains ont du caractère. Et cela ajoute au plaisir de la lecture : ils sont tous différents, ont une écriture personnelle et un style particulier. On sourit souvent à la lecture des textes des membres de l’atelier mais ils traitent aussi de sujets touchants et quotidiens comme la vieillesse, la perte d’indépendance, la solitude…

    Malgré quelques imperfections, j’ai pris plaisir à lire ce roman feel good généreux et sympathique. Merci aux éditions Michel Lafon pour cet envoi.

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  • Le fleuve des brumes, Valerio VARESIUn soir d’hiver, dans une vallée brumeuse du nord de l’Italie, alors que la pluie tombe sans discontinuer et que le Pô entre en crue, la péniche du vieux Tonna largue les amarres et quitte le port, semblant dériver avant de s’échouer à l’aube. Quand les carabiniers y entrent, le bateau est vide et Tonna est introuvable. Le même jour, le commissaire Soneri est envoyé sur la scène d’un suicide apparent. Mais le commissaire doute ; l’homme a peut-être été défenestré de force. Il s’agit du frère de Tonna.

    Mon avis :

    Valerio Varesi signe ici son douzième roman mais le premier à être traduit en français. Dès le départ, il nous happe et nous entraine sur les bords du Pô en crue. En quelques phrases au style ciselé, il crée une atmosphère, un décor, un paysage dans lequel on se glisse à la suite du commissaire Soneri. Débonnaire épicurien, il ne laisse cependant rien passer. Liant connaissance avec les habitants de la plaine autour d’un verre de vin ou d’un plat régional, il observe avec acuité les hommes et les lieux, s’imprégnant de l’ambiance et vérifiant la moindre intuition avec opiniâtreté. C’est un personnage attachant, un peu atypique, qui me plait presque autant que le commissaire Adamsberg.

    L’auteur prend le temps de camper ses personnages, de leur donner de l’épaisseur en installant des situations, en remontant les souvenirs, en titillant les mémoires endormies. Ce sont des hommes rudes, façonnés par le Pô et par l’Histoire, chacun ayant charrié son lot de drames et de passions. Sous sa plume, Soneri investigue finement, analysant chacun, notamment Barigazzi et les frères Tonna. Leurs relations l’intriguent, l’un étant communiste acharné et les autres fascistes durant la Seconde Guerre mondiale, ils ne s’appréciaient pas particulièrement. Mais le temps a passé et les hommes du Pô ont cessé de réveiller les fantômes du passé. Du moins, le croyait-on.
    Le Pô est lui aussi un personnage de l’histoire. Forgeant les paysages et les hommes, les soumettant à sa volonté, il est omniprésent tout au long du récit. En cela, ce roman m’a rappelé plus d’une fois celui de Dario Franceschini, « Dans les veines, ce fleuve d’argent »

    « Le fleuve des brumes » est un roman intimiste, tout en atmosphère et réflexion, où les scènes de vie ont la lenteur du fleuve… quand il n’est pas en crue… Il est plaisant de s’y plonger et de remonter avec les personnages le cours de l’Histoire et du temps et de laisser les airs d’opéra de l’auberge du Sourd nous imprégner au fil des pages jusqu’à la chute, émouvante et forte.

    Une belle réussite et un roman captivant qui trouvera sans conteste ses lecteurs francophones.

    Merci aux éditions Aguilo Noir pour cet envoi de roman voyageur.


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  • La Guerre des Lulus, La déchirure, HAUTIERE & HARDOCLa guerre s’éternise. Le blocus naval mis en place par l’Angleterre pour empêcher le ravitaillement des puissances centrales provoque une pénurie alimentaire dans toutes les zones contrôlées par l’armée allemande. Dans cette Europe meurtrie, le périple des Lulus se poursuit. Malgré leur optimisme naturel, ils commencent à désespérer de revoir un jour l’abbé et les copains de l’orphelinat

    Mon avis : 

    En trois tomes, les gamins de cette petite bande en ont déjà vu beaucoup. L’abandon, la faim, la peur, la mort de Hans… Ils commencent par se demander s’ils retrouveront un jour leurs amis. D’autant qu’ils se sont trompés de train et au lieu d’arriver en Suisse, ils débarquent en plein cœur de l’Allemagne. Les voilà repartis vers l’ouest car, encore une fois, ce n’est pas le bon train qu’ils prennent et ils arrivent en Belgique. Ce sera l’occasion d’une nouvelle rencontre, haute en couleurs, avec Sylvestre Criquelion, photographe.

    L’aventure se poursuit pour les cinq amis. Le temps passe et les enfants d’hier sont devenus des adolescents avec des envies et des idées qui divergent mais aussi l’impression d’avoir grandi trop vite. D’ailleurs leurs réactions oscillent souvent entre naïveté ou insouciance enfantine et réaction plus mûre. Cela crée quelques remous dans leur petit groupe. Les tensions sont perceptibles, heureusement que la sagesse de Luce calme les esprits.
    Les péripéties sont toujours au rendez-vous mais cet album met surtout en place des personnages et des situations qui préparent le tome suivant, le dernier. Il nous laisse donc en plein suspens quant à ce qui va advenir des enfants.

    C’est toujours un plaisir de retrouver ces jeunes héros. Les auteurs ont réussi à les faire grandir, mûrir, aussi bien physiquement que moralement sans rien enlever de leur candeur, de leur gentillesse et de ce qui nous avait touché dès le premier tome. Derrière la narration enfantine, ils nous proposent des péripéties, de l’émotion et des faits lourds de sens et de conséquences. Ils parviennent à nous faire vibrer avec les jeunes héros. Quant aux dessins, c’est avec le même bonheur qu’on les retrouve, charme désuet, précision dans les détails et couleurs toujours parfaitement adaptées aux situations. J’ai envie de dire « vivement la suite » mais ce sera hélas aussi la fin.

     

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  • Lui, Patrick ISABELLEAprès avoir commis une fusillade et purgé sa peine dans un centre jeunesse, un adolescent retourne chez ses parents avec l’espoir de retrouver une vie normale. Sa libération ne laisse personne indifférent. Le public exprime sa colère sur les réseaux sociaux, tandis que les témoins de la tragédie et les proches du jeune contrevenant tentent avec douleur de comprendre ce qui s’est passé.

    Mon avis : 

    Voici arrivé le terme de la trilogie de Patrick Isabelle. Après « Eux » et « Nous », il nous propose « Lui ». Lui, c’est ce jeune garçon que l’on suit depuis le collège et dont on ne sait toujours pas le nom. Parce que « Lui », ce jeune harcelé et humilié par les caïds de l’école, sans raison apparente, cela peut être n’importe qui.

    « Lui » a purgé sa peine. Après trois ans passés en centre fermé, il espère reprendre une vie laissée entre parenthèses. Mais cela sera-t-il possible ? Le laissera-t-on faire ? Et ces années d’enfermement, brillamment racontée dans « Nous » s’effaceront elles peu à peu de sa mémoire ? Les répercussions du drame qui s’est joué il y a trois ans sont bien plus grandes qu’il ne l’imagine.
    On découvrira ce que sont devenus ses harceleurs, son meilleur ami, ses parents, son enseignante principale… En donnant la parole tour à tour à chacun, Patrick Isabelle interroge adroitement les consciences. Entre crainte, regrets, rédemption et vengeance, tout peut arriver.

    Toujours par de courts chapitres, poétiques et poignants, l’auteur nous raconte le dénouement d’un drame (hélas) ordinaire. Cette fois, le personnage principal ne s’exprime plus en « je », ce sont les autres qui parlent de lui. Ceux qui ont vécu ce drame n’ont pas oublié, la douleur est inextinguible et certaines colères explosives. On sent dès le début que le pire peut se reproduire. A moins qu’on ne puisse sortir du cercle vicieux de la violence.
    Je ne vous dirai pas ce qu’il en est car cette trilogie mérite vraiment qu’on s’y plonge et qu’on la donne à lire aux adolescents. Ces romans jeunesse ne les prennent pas pour des « niaiseux » comme dit l’auteur. Celui-ci leur parle comme à des adultes, comme il aurait aimé qu’on lui parle au même âge. Et il fait mouche !

    Je donne le premier tome à mes élèves et chaque année, cela les bouleverse et les fait réagir. J’attends avec impatience que ces ouvrages soient enfin disponibles en Europe pour les proposer tous.

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  • Nous sommes deux sœurs jumelles, nées sous le signe des Gémeaux, mi fa sol la mi ré…
    Les jumelles les plus célèbre du cinéma français incarnées par les sœurs Deneuve et Dorléac, fête cette année leur demi-siècle, l’occasion de revenir sur le film le plus joyeux de Jacques Demy, une comédie musicale, un film choral qui fascine de génération en génération, Les Demoiselles de Rochefort.

    Mon avis : 

    Tourné en 1967, « Les Demoiselles de Rochefort » vient de fêter son cinquantième anniversaire. Cette comédie musicale gentillette avait tout pour plaire dès le départ même si le genre, plutôt américain, était nouveau au cinéma français. En effet, les deux actrices principales, jeunes, jolies et réellement sœurs, savaient bouger et chanter suffisamment bien pour être crédibles, Georges Chakiris qui joue le rôle d’un forain était alors une étoile de la danse, remarqué dans « West Side Story » quelques années plus tôt et les autres rôles étaient tenus par des acteurs de qualité tels Danielle Darieux, Gene Kelly, Michel Piccoli ou Jacques Perrin. De plus les mélodies sont entraînantes et une fois entendues, elles restent longtemps dans l’oreille. Qui n’a pas fredonné un jour la chanson des jumelles ?
    C’est un film qui fait du bien, positif, frais, entrainant. Je l’ai vu une bonne dizaine de fois et j’avais la cassette audio quand j’étais adolescente. C’est la raison pour laquelle j’ai postulé auprès de Masse critique pour recevoir le livre qu’Elsa et Natacha Wolinski, deux sœurs aussi, viennent de publier sur le sujet, aux éditions de La Martinière.

    Le livre qu’elles ont réalisé est un album superbe regorgeant de photos du film et du tournage. Les tons acidulés des tenues de Solange et Delphine et des chemises masculines éclatent bien sûr sur les clichés. C’est un festival de jaune, de fuchsia, de mauve… portés par des jeunes gens magnifiques et terriblement photogéniques. Beaucoup sont l’œuvre d’Agnès Varda, alors épouse de Jacques Demy, grande photographe de la Nouvelle Vague. Les portraits sont superbes mais j’aime aussi beaucoup les scènes prises sur le vif où l’on surprend les techniciens au travail, la foule des figurants ou les acteurs entrain de relire leur scène. On retrouve aussi dans cet ouvrage les paroles des chansons de Michel Legrand, des témoignages, un roman photo des Demoiselles ainsi qu’un reportage inédit des sœurs Wolinski à Rochefort.
    Le film, quant à lui, est abordé par thèmes (Egérie, Double, Sucrerie, Femmes, Hommes, Beauté, Costumes…) que ce sont partagés les auteures. Elles analysent ainsi chaque aspect, chaque détail du film et nous le racontent avec une telle ferveur, une telle passion qu’on n’a qu’une envie, une fois refermé : se plonger dans le DVD du film.

    J’ai passé un excellent moment à découvrir cet album et je sais déjà que j’y replongerai. Je ne peux que vous le conseillez si vous avez aimé le film ou si vous souhaitez le découvrir.

    Les Demoiselles de Rochefort, Elsa et Natacha WOLINSKI

    Les Demoiselles de Rochefort, Elsa et Natacha WOLINSKILes Demoiselles de Rochefort, Elsa et Natacha WOLINSKI

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  • Le monde dans la main, Mikaël OLLIVIERPierre a tout pour être heureux. Plutôt pas mal, même si trop timide avec les filles, il a seize ans, une sœur pleine d’humour, un père et une mère unie, une vie de rêve baignée par des études musicales à Versailles…
    Enfin ça, c’était avant que sa mère ne disparaisse mystérieusement sans laisser d’adresse !
    Alors tout bascule, tut chavire et Pierre découvre que, sous une apparence très sage, sa famille cache d’inavouables secrets.
    Il lui faudra devenir un autre, moins raisonnable, plus amoureux, pour s’apercevoir qu’enfin, le monde est dans sa main.

    Mon avis : 

    Pierre, 16 ans, a une vie ordinaire : des parents, une sœur, des grands-parents. Il vit à Versailles et étudie le piano. Pour son anniversaire, il va chercher une nouvelle chambre chez Ikea (cet épisode dans le magasin est un morceau d’anthologie). Sa mère énervée de voir que rien ne rentre dans le coffre s’éloigne… et disparait. Toute la vie de Pierre va s’en trouver bouleversée bien plus qu’il ne l’imagine.

    Ce départ inattendu et surprenant de la part d’une épouse et d’une mère attentionnée, aimante, presque parfaite, inquiète. Après l’incompréhension, la colère, la peine, vient la réflexion sur les causes. Sous l’impulsion de Pierre les langues se délient, des secrets de famille sont dévoilés et les masques tombent. Pierre comprend aussi que le hasard joue souvent un rôle curieux dans la vie.
    Mikaël Ollivier décrit avec précision les petits défauts de chacun, les anecdotes familiales, ce qui constituent les bons et moins bons moments… Il nous livre un portrait de famille plausible et finement observé. L’ado mal dans sa peau, mal à l’aise avec les filles, ayant besoin de repères pour avancer va prendre de la maturité. Face à son père déprimé, il prend les choses en main et se montre à la hauteur.

    Ce roman d’apprentissage intimiste devrait plaire aux adolescents à partir de 14 ans. Le talent de Mikaël Ollivier y est, une fois de plus, présent. Les émotions sont mises en scène avec doigté, qu’il s’agisse de rupture, de peur, d’abandon, de tendresse ou d’amour. Mais c’est le personnage de Pierre qui m’a le plus plu. D’une grande sensibilité, il fait preuve au fil du temps d’une force de caractère insoupçonnée et d’une belle vivacité d’esprit. Les adolescents devront se reconnaitre en lui.

    Petit bémol pour la fin ; à mon avis, le dernier chapitre est de trop. On aurait pu finir sur le réveillon de Noël.

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