• Interview de Michel DUFRANNE, chroniqueur de mauvais genres et scénariste de BD

    Interview de Michel DUFRANNE, chroniqueur de mauvais genres et scénariste de BDMichel Dufranne, on vous connaît comme chroniqueur de “Mauvais Genres” dans l’émission “Livrés à domicile” (et dans “Le Grand Mag’”). Mais vous avez aussi d’autres cordes à votre arc. Lesquelles ?

    Père de famille aimant et attentif… Et scénariste de bande dessinée.

    En quoi vos passions sont-elles complémentaires ? 

    Ce ne sont pas des passions, mais des emplois. Même s’il est intéressant de conserver la flamme de la passion dans mes deux activités professionnelles, ce sont d’abord et avant tout des boulots. On se lève le matin, on se force parfois, on se triture les méninges pour trouver l’angle d’attaque de la chronique ou de la page à scénariser… Généralement 7 jours sur 7, 365 jours par an. Même en vacances, il est difficile de déconnecter totalement son cerveau soit de la lecture, soit de la génération d’idées.

    Sont-elles complémentaires ? Aucune idée… Elles sont certainement deux facettes de mes obsessions (le rapport de l’Homme à son histoire et à la Société dans laquelle il vit).

    Lors d’un reportage, vous avez déclaré que “Dix petits nègres” d’Agatha Christie avait été le roman révélateur de votre passion pour le polar. Quels sont les autres romans coups de cœur qui ont suivi celui-là ? 

    Après Agatha Christie, ce fut le tour de TOUT Conan Doyle. Ensuite j’ai quitté, un temps, le policier pour bifurquer vers la fantasy (Moorcock et son cycle “Elric” ou Fritz Leiber pour son “Cycle des Épées”), le fantastique (TOUT H.P.Lovecraft, surtout “Le Cauchemar d’Innsmouth” et Graham “LE Portrait du Mal” Masterton) et la S-F (William Gibson pour “Neuromancien”, Walter Jon Williams “Câblé”, Georges Alec Effinger “Gravité à la manque” et Mike Resnick “Enfer/Paradis/Purgatoire”). Ensuite, retour à la case polar avec “Nécropolis” (Lieberman) et “Un tueur sur la route” (Ellroy).

    Avec le temps et la quantité de livres lus, votre esprit critique, vos goûts ont-ils évolué, changé ? En quoi ? Qu’attendez-vous d’un polar ou thriller aujourd’hui pour le trouver bon, qu’il vous plaise ? 

    Oui, mais l’âge aide aussi et l’évolution de la Société probablement encore plus… Mais, de nouveau, je tiens à préciser que lire est mon travail. Je lis donc avec un double filtre : comment vais-je en parler ? A quel type de lecteurs vais-je en parler ? L’idée étant de pouvoir naviguer entre des lectures découvertes, des lectures pointues et originales et des lectures accessibles à celles et ceux qui pensent ne pas aimer les littératures de “Mauvais Genres”. Bref, je dois essayer de garder un sens objectif – du moins le plus objectif possible – dans une activité hautement subjective ; je ne lis donc pas toujours selon mes goûts…

    Au plus profond de moi, je déteste le thriller, qui est une écriture “mécanique” car son objectif est de nous tenir en haleine ; j’aime en lire pour me reposer les neurones, mais je trouve peu d’idées fortes qui me font “jubiler”. Pour le reste, j’aime des personnages bien campés qui s’effacent et se font oublier au profit d’un regard “critique” sur le contexte social et les relations humaines. C’est l’apport du genre, qu’il soit fantasy ou polar ; sous prétexte de divertissement ces littératures remplacent le roman social déserté par les “vrais” écrivains.

    Si vous deviez conseiller à un ado de 16-17 ans, un auteur ou un roman policier à lire absolument pour découvrir ce genre, que lui conseilleriez-vous ? 

    Aucune idée ! C’est mission impossible comme question. La lecture est une expérience – et une pratique – individuelle. Un lecteur de 16 ans qui lit peu (voire ne lit pas… comme 75% de la population !) ne sera pas sensible aux mêmes textes qu’un lecteur qui dévore un livre par semaine depuis ses 10 ans. De même, je ne peux que projeter mes goûts d’ado dans mes choix, goûts qui doivent certainement être bien ringards et surtout mus par des problématiques de mecs boutonneux (dur de se mettre à la place d’une ado’). Lors de mes interventions scolaires, je viens généralement avec quelques livres que je trouve marquants et qui ouvrent vers d’autres lectures ou des discussions sur le sujet. Je vais donc me répéter… :

    J. Ellroy, Un tueur sur la route

    H.P.Lovecraft, Le Cauchemar d’Innsmouth

    A. Burgess, L’Orange mécanique

    D. Keyes, Des fleurs pour Algernon

    R.C.Wilson, Les Chronolithes

    G.Orwell, 1984

    Et, oui, pas beaucoup de polars dans ces choix. À des neveux “moyens lecteurs”, j’ai offert des romans issus de la collection Thriller de chez Rageot, à d’autres, plus heroic fantasy dans l’âme, j’ai offert du David Gemmel, et ils ont lu les livres et – me disent-ils – les ont appréciés. Donc…

      

    Tout autre chose. Par curiosité, je voudrais vous demander, au vu du nombre de “service presse” que vous recevez, si vous pouvez présenter librement vos coups de cœur dans LàD ou s’il y a parfois des obligations marketing.

    Je reçois beaucoup de SP et j’achète beaucoup de livres… J’ai beaucoup de mal à entrer dans une librairie et en ressortir les mains vides. Pour le reste, je travaille en Belgique, et cela fait toute la différence avec Paris (je ne dis pas la France !) ; je suis donc totalement libre de mes choix et je ne dois jamais me préoccuper des enjeux politico-éditoriaux, des amitiés, des opérations de promotion en cours, etc. Par contre, je me soumets à une dictature – qui me gonfle, mais c’est le jeu – celle de la “nouveauté” (ou du moins de la proximité de parution du titre). J’adorerais ne parler que de livres de poche – car les vrais lecteurs payent leurs livres et ont un budget limité – ou de “vieux” livres – bien que les livres n’aient aucune date de péremption (hormis les livres opportunistes sur un thème politique ou sportif, par exemple) –, mais cela risque de conduire à de nombreuses frustrations quand, chez son librairie, le lecteur ne trouve pas le livre tant recherché…

      

    Merci beaucoup, Michel Dufranne, d’avoir pris le temps de répondre à mes questions de manière si détaillée. C’est très aimable à vous.

     

     

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Raymond Def
    Vendredi 26 Avril 2013 à 13:54

    Une interview intéressante. J'aprécie notamment la franchise de la dernière réponse.

    2
    Marcuse
    Vendredi 26 Avril 2013 à 13:59

    Si vous passez par ici, Mr Dufranne, quel est votre auteur fantastique préféré ? Que pensez-vous de Jean Ray ? Merci.

    3
    Samedi 27 Avril 2013 à 13:44

    Interview très intéressante, merci pour le partage. Bon week-end.

    4
    Samedi 27 Avril 2013 à 18:04
    Anne (desmotsetdesno

    Merci pour cette interview, Argali ! Je m'adresse aussi directement à Michel Dufranne, s'il vient ici : j'aime beaucoup les Mauvais genres de Livrés à domicile, et surtout le ton que vous adoptez, votre goût pour la critique sociale et votre humour ! 

    5
    elialec Profil de elialec
    Dimanche 28 Avril 2013 à 10:20

    Monsieur Dufranne, Dans une interview de l'époque de "Mille feuilles" je me souviens d'avoir lu que vous disiez avoir de l'indulgence pour les auteurs qui manquaient de style. Quel(s) auteur(s), selon vous, serai(en)t bon(s), intéressant(s) mais manquerai(en)t de style ? Merci pour votre réponse.
    Et merci pour vos chroniques en télé et radio. J'adore !

    6
    Michel Dufranne
    Dimanche 28 Avril 2013 à 11:01

    Hello à toutes et tous,

    Primo - Merci pour les commentaires 

    Marcuse - Autant que possible, je n'ai pas d'auteur fétiche ; j'essaye de faire abstraction dudit auteur pour essayer de ne voir que le livre. Je n'aime pas tout Jean Ray, mais MALPERTUIS est non seulement un garnd classique mais aussi une perle rare ! J'aime certains Masterton, même si de nombreuses fins sont "bâclées, ou HPL, comme cité aussi précédemment. Neil Gaiman a quelques perles à son actif (mais est-ce encore du fantastique, ne serait-c pas déjà de la fantasy). J'avoue que j'ai plus de mal avec les auteurs contemporrains ; là où je suis très bon public au cinéma, je ne le suis pas en littérature 

    ELIALEC – Jo Nesbo ou George Pelecanos… Réelle efficacité, sans tomber dans les recettes dd l'écriture "Atelier d'acriture US", grande profondeur de récit et de personnages. Pourtant stylistiquement pas de quoi fouetter les neurones  Georges R. Martin en VO = sujet + verbe + complément et pourtant Le Trône de fer est une fresque passionnante et riche.

    7
    Dimanche 28 Avril 2013 à 13:54

    merci à vous deux pour ce partage très intéressant.

    8
    Lundi 13 Mai 2013 à 11:41

    Très chouette cette interview! Pour moi aussi, la rubrique "mauvais genres" est celle que j'attends le plus dans l'émission LAD...

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