• Kinderzimmer, Valentine GOBY

    Kinderzimmer, Valentine GOBY “Je vais te faire embaucher au Betrieb. La couture, c’est mieux pour toi. Le rythme est soutenu mais tu es assise. D’accord ?
    – Je ne sais pas.
    – Si tu dis oui c’est notre enfant. Le tien et le mien. Et je te laisserai pas.
    Mila se retourne :
    – Pourquoi tu fais ça ? Qu’est-ce que tu veux ?
    – La même chose que toi. Une raison de vivre.”
    En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille femmes. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Dans cet effroyable présent une jeune femme survit, elle donne la vie, la perpétue malgré tout.
    Un roman virtuose écrit dans un présent permanent, quand l’Histoire n’a pas encore eu lieu, et qui rend compte du poids de l’ignorance dans nos trajectoires individuelles.

    Mon avis :

    Telle une symphonie, l’écriture de Valentine Goby rythme de sa syntaxe les événements contés. Dès les premières lignes, aux phrases courtes, nominales, hachées, j’ai eu en tête la Marche funèbre de Wagner et elle ne m’a plus quittée. L'angoisse est là. Plus loin, les phrases s’allongent, piano : Valentine Goby décrit. Puis les juxtaposées claquent, mezzo forte : les cris fusent… Tout au long du récit, syntaxe et sémantique se répondent en parfaite harmonie, l’émotion montant crescendo. Une belle écriture, maîtrisée et forte pour décrire l’indicible.

    Des femmes ordinaires vont devenir extraordinaires par la ténacité, la force, l’abnégation qui seront les leurs dans ce camp de Ravensbruck. Par de petits gestes, des attentions aux plus faibles, des ressorts inouïs de joie ou de tendresse, des femmes vont lutter et survivre pour raconter, témoigner. Mila est l’une d’entre elle. Ni plus forte, ni plus intelligente… peut-être plus déterminée ou plus chanceuse. Comment savoir ?

    Un récit de plus sur les camps, l’horreur, l’inhumanité. Un récit de plus qui bouleverse, émeut, glace les sangs. Oui… sans doute. Mais l’émotion est contenue, pudique. Pas de descriptions atroces des sévices, pas d’exagérations ; seulement une narration juste des faits et des sentiments, du quotidien. Un besoin vital de tenir, jour après jour, heure après heure…
    Tenir grâce à cette Kinderzimmer. Cette chambre où restent les nouveaux nés. Ceux dont l’on ignorait jusqu’à l’existence tant les mères sont maigres, sans forme, et qui sont là, points de lumière dans les ténèbres, espoir de vie parmi les morts. «Cette pouponnière affirmait que survivre, ce serait abolir la frontière entre le dedans et le dehors du camp. » Envisager le camp comme un lieu de vie ordinaire. Vivre son innocence dans un milieu hostile, s'éveiller à la vie dans un univers de mort.

    Je m’attendais à être étreinte par l’émotion dès les premières pages. Mais Valentine Goby distille ses effets. Elle ne nous épargne rien mais ne noircit pas le trait. -Est-ce vraiment nécessaire devant tant d’atrocités ?- L’émotion est là, tapie, montant crescendo au fil du récit. Et l’on referme le livre bouleversé. Par le courage, la force, l’abnégation de toutes les Mila qui ont traversé cette période.
    Un récit grave et lumineux, porté par une écriture magnifique.

     

     

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  • Commentaires

    1
    Samedi 24 Août 2013 à 06:18
    gruz

    Tu as réussi à faire passer l'émotion ressentie à la lecture de ce roman, merci pour cette belle chronique

    2
    Samedi 24 Août 2013 à 09:39

    Il est vrai que parfois moins on en dit, mieux l'émotion passe. J'ai visité le camp du Struthof il y a peu, j'en ai été bouleversée. Je ne me doutais pas de l'existence de ces "kinderzimmer" par contre. On n'imagine pas un lieu de vie sur ces camps de morts. Et pourtant... Merci pour ce beau témoignage.

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    3
    Jacqueline H
    Samedi 24 Août 2013 à 10:06

    J'ignorais l'existence de cette kinderzimmer .... Cela existait-il dans d'autres camps ?

    Un roman qui me tente ... :-)

    4
    argali Profil de argali
    Samedi 24 Août 2013 à 12:40

    Je n'avais pas entendu parler de kinderzimmer avant cette lecture. Peut-être existait-elle là parce que c'était un camp de femmes uniquement. J'gnore s'il en existait d'autres.
    La visite du Struthof m'a aussi bouleversée. Le plus émouvant... le silence de plomb qui règne dans cet endroit même quand les visiteurs sont nombreux. Visiter Breendonck en Belgique fut aussi poignant (camp de transit).
    Merci pour vos gentils messages.

    5
    Lundi 26 Août 2013 à 22:53
    Anne (desmotsetdesno

    Malgré tous les beaux avis lus jusqu'à présent, je continue à me tenir éloignée de ce livre. J'aime beaucoup Valentine Goby, j'apprécie son écriture, mais le sujet me fait trop frissonner !

    6
    Mardi 27 Août 2013 à 10:19
    krol2

    Ce livre est noté, souligné, surligné... je vais l'acheter c'est sûr !

    7
    Yv
    Mardi 27 Août 2013 à 13:16

    e n'en ai lu qu'un seul de l'auteure, Banquises, pas mal, mais un peu long.

    8
    Mardi 27 Août 2013 à 19:09

    Ici, il n'y a que 224 pages. Je n'ai pas senti de longueur. Mais c'est mon premier roman de l'auteure.

    9
    Jeudi 29 Août 2013 à 08:05
    Jostein

    UN coup de coeur pour moi. Je découvrais aussi l'auteur avec ce livre.

    10
    Vendredi 30 Août 2013 à 16:20

    Je vais peut-être l'acheter : d'abord parce que j'adore cette écrivaine et ensuite pour le thème.

    11
    Vendredi 30 Août 2013 à 20:00

    Si tu veux, il voyage Philisine.

    12
    Vendredi 30 Août 2013 à 20:15

    je l'ai acheté !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    13
    Mercredi 28 Mai 2014 à 20:18

    Je voudrais lire des avis négatifs à propos de ce livre. Il doit y en avoir, non? N'y aurait-il que moi qui ai détesté le style de l'auteure?

    J'ai abandonné à la page 38. Impossible pour moi d'aller plus loin; ce livre m'est tombé des mains : pas de ponctuation ou mal placée, phrases tirées en longueur, mots qui semblent tombés du ciel ou peut-être tirés au sort, ...

    Je vais me faire lyncher mais tant pis. Ce livre sera sûrement le plus gros flop de l'année pour moi.

    Je suis sûr que l'histoire est intéressante voire bouleversante mais comment peut-on adhérer à ce style? Pas moi, en tout cas! Me voilà bien déçu! 

    Bon petit congé. 

    14
    Jeudi 29 Mai 2014 à 00:37

    Il y a longtemps que je l'ai lu mais le style ne m'a pas heurtée. Il est inégal, c'est vrai mais je l'ai trouvé en accord avec l'histoire, les événements... Mais tout le monde ne peut pas aimer les mêmes choses.

    15
    Samedi 25 Juillet 2015 à 16:51

    Un livre qui traîne dans ma PAL depuis près de 2 ans et que je viens juste de terminer. Un magnifique récit, une écriture percutante. Je vois le commentaire de PhilD : je trouve que le style est effectivement un plus dans ce récit. Une écriture heurtée, parfois un peu brusque, saccadée. Le chemin de la pensée qui devient difficile face à cet environnement surréaliste. Beaucoup d'émotion et de retenue pudique également. Beaucoup de respect et un magnifique hommage aux femmes dont l'histoire a nourri ce récit. La découverte d'une auteure également, qu'il me tarde de retrouver.

    16
    Samedi 25 Juillet 2015 à 21:25

    Je suis d'accord avec toi. Beaucoup de retenue et de respect dans ce récit et un bel hommage aux femmes.

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