• Les auteurs espagnols fascinés par le mal

     La fascination du mal

     Les auteurs esapgnols fascinés par le mal

    Auteurs présents : Roberto Constantini « Tu es le mal », Ignacio Del Valle « Silence dans la neige », Clara Sanchez « Ce que cache ton nom », Victor Del Arbol « La tristesse du Samouraï ».

     

    Excepté dans le roman de Roberto Constantini, le IIIe Reich est présent, ne serait-ce qu’en filigrane, dans l’œuvre de chacun de vous. Pourquoi avoir choisi de placer votre roman dans cette période ? 

    IDV : Ma trilogie débute en effet en 1939. Au fil du temps, le parcours du héros que j’avais en tête se complexifiait. Où le situer ? Je me suis penché sur la Seconde Guerre mondiale et je suis resté fasciné par le nazisme, le fascisme, le catholicisme militant de cette époque. C’est ainsi que je suis tombé sur l’histoire d’Allemands ayant combattu sur le Front russe et dont on parle peu. L’outil dramatique était aussi intéressant que l’époque. La toile de fond est déjà là, il suffit d’écrire ensuite sur la condition humaine.

    VDA : 40-43, origine du mal. Le thème de la Division Azul m’a intéressé autant que les liens de l’Espagne avec le nazisme. (La Division Azul était un corps de volontaires espagnols mis à disposition de la Wehrmacht par Franco, NDLR) Les combattants étaient phalangistes, arrivistes, curieux, soucieux de monter en grade… Chacun avait une raison particulière de rejoindre ses rangs. C’est intéressant de voir comment la barbarie arrive à faire de nous des survivants. Les chapitres les plus importants du livre parlent de survivance. Le Front russe était sensé faire d’un homme un héros, il en fera un monstre.

    CS : Dans mon récit, les monstres sont devenus de bons grands-parents qui sauvent une vie. Ce n’est pas historique mais cela fait écho à ce qui se passe chez nous en Espagne. En fait, il s’agit de nazis liés à l’Espagne actuelle. Beaucoup se sont installés chez nous après la guerre protégés par Franco. Certains sont morts mais d’autres vivent toujours et même s’ils sont fort âgés et vivent normalement, cela me pose question. Cela m’effraie de savoir qu’ils vivent parmi nous avec le masque de personnes aimables et respectables.

    Mon histoire se passe dans les années 80 et se fonde sur une histoire personnelle qui commence comme celle de Sandra. Alors que j’étais en vacances à Alicante, j’ai appris que mon voisin était un nazi ayant pignon sur rue dans le milieu de la construction. Cela m’a fortement impressionnée. Cela a fait écho à une autre histoire que j’avais lue dans les journaux sur deux réfugiés norvégiens, anciens bourreaux des camps. Et le récit est né là, d’une situation ambigüe et épineuse.

    IDV : En ce qui concerne les nazis, je me suis souviens d’un documentaire des années 60 (Le chagrin et la pitié, NDLR) où l’on suivait d’anciens nazis ayant échappé au jugement et vivant normalement comme vous et moi. J’ai été frappé de leur propos : un nazi ne s’excuse jamais de ses actes passés. Il passe à autre chose. Ce nazi déclarait : « Nous avons perdu la guerre mais nous vivons encore avec vous ». Le nazisme est une religion.

    RC : Victor Del Arbol a écrit que « la limite entre un assassin et un justicier est le motif pour lequel il tue. » C’est ce que j’ai voulu montrer dans mon livre. Mon histoire est celle d’un sérial killer impuni pendant 24 ans. Mais le mal dont je parle est aussi celui du commissaire. Et s’y ajoute le mal de l’Italie, de l’Europe actuelle. Le point de vue de mon commissaire est minoritaire pour l’instant mais pourrait bien devenir majoritaire. Dans ce roman, on a le reflet du passé et les idées de l’avenir. On me dit même qu’on y trouve les raisons de la démission du Pape. *sourire* Rien n’arrive par hasard.

    Le thriller nous parle du mal qui nous attend. Mon serial killer aurait pu rester impuni. Mais je fais une différence entre impunité physique et morale. La première est résolue dans le livre mais la deuxième, elle, continue.

    Pour vous aussi il y a deux impunités ?

    VDA : En ce qui concerne la violence de la guerre, le thème de l’impunité est fascinant car notre vraie personnalité émerge alors et le seul frein à la barbarie est notre morale personnelle. L’épisode où Fernando et la Division Azul en débandade tombent sur une famille et veulent de la nourriture nous met en question. La femme sera échangée contre de la nourriture. Terrifiant échange immoral perpétré en temps de guerre.

    Tous, nous ressentons cette fascination pour le mal, au moins une fois dans notre vie. A cette époque, on peut voir que certains choisiront la dignité, le chemin du bien. C’est un choix personnel.

    IDV : Dans mon récit, Berlin est en cendres mais la bête n’est pas morte. L’enseignement que je tire de ces trois romans est qu’Arturo est l’antidote contre le mal. Il a tout vu, il s’est confronté au mal. Et personnellement j’ai évolué aussi en même temps que lui. Je me suis endurci pour survivre, vaincre mon « ennemi » dans la vie quotidienne. Il y a l’idée de survie dans l’œuvre mais aussi le retour obligatoire à l’innocence pour ne pas finir fou après toute cette violence.

    CS : Dans l’histoire, un des deux personnages est atteint de la maladie d’Alzheimer. On sait donc qu’il n’y aura pas de punition possible.

    Tous ces gens qui vivent dans le mal et ne paient pas pour ce qu’ils ont fait reflète la situation actuelle de l’Espagne qui me choque. Le mal aujourd’hui, il est dans ces affaires de tricherie, de corruption, ces mensonges qui ont amené la crise et qui resteront impunis.

    RC : Le mal est parmi nous en permanence. Dans mon livre, l’assassin et le policier ne sont pas très différents. L’un traque l’autre mais ils se ressemblent. Le mal moderne est en quelque sorte une philosophie. Dans le récit, un cardinal est au courant de l’identité de l’assassin mais ne peut rien dire car il s’agit d’un secret de confession. On peut se demander si le pardon que prône l’Eglise quel que soit l’acte ne justifie pas aussi le mal.

    IDV : Aujourd’hui, le mal est aussi dans le désenchantement en politique, dans la société, dans la crise éthique que nous traversons et dans le repli sur soi qui les accompagne. De là peut sortir une nouvelle forme d’autoritarisme.

    CS : Pour moi, le mal aujourd’hui est la non prise de conscience de ce qui nous vampirise, nous suce le sang, nous ment. Nous laissons faire, nous acceptons sans ouvrir les yeux sur la réalité qui nous entoure.

    VDA : Le mal est l’absence du bien et le fait qu’il ait parfois l’apparence du bien. Actuellement, on nous prive de libertés, on nous ôte des privilèges au nom du bien commun. Pour moi, c’est ça le mal.

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 15 Mars 2013 à 08:41
    Manu/Chaplum

    Vraiment intéressant et cela donne envie de découvrir leurs oeuvres, ce qui n'était pas le cas jusque là ! Merci Argali

    2
    Mardi 26 Mars 2013 à 10:57

    Très beau compte-rendu, merci de nous en avoir fait profité !

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