• Sa dernière chance, Armel JOBA trente-neuf ans, Elise, célibataire, vit dans la famille de sa sœur, gynécologue réputée, et de son beau-frère, agent immobilier. Elle tient la maison, s’occupe des quatre enfants du foyer, et son existence s’écoule ainsi, dans une espèce de rythme immuable : depuis toujours, Elise vit dans l’ombre de sa sœur. Aux yeux de l’extérieur, elle passe pour une femme fragile, d’une timidité maladive, incapable de se débrouiller seule.

    Tout à coup, elle se met en quête d’un homme sur Internet – et c’est le grain de sable qui va enrayer la mécanique parfaitement huilée de cette famille de notables. Mais quelle mouche a donc piqué Elise ? Personne ne comprend.

     

    Mon avis :

     

    Une fois encore, Armel Job explore les travers de la société et déjoue le piège des apparences dans son dernier roman. Une famille bourgeoise établie, de bonne réputation vit confortablement à Verviers. Deux sœurs cohabitent depuis toujours. L’ainée est mariée, mère de famille nombreuse et la plus jeune qui vit avec eux sert de nounou dévouée aux enfants et de gouvernante à la famille. Tout le monde semble heureux, parait avoir trouvé son équilibre dans cet arrangement, jusqu’au jour où Elise rêve d’une autre vie. Le bel équilibre familial va alors vaciller et les vrais visages apparaître.

    Il en va de même pour les autres protagonistes de l’histoire qui ne sont pas vraiment ce qu’ils semblent être. Chacun semble se servir des autres et de coups bas en trahisons, ce petit monde complote pour assouvir ses desseins plus ou moins inavouables.

     

    Connaissons-nous bien ceux qui nous entourent ? Savons-nous vraiment ce qu’ils ressentent, quels sont leurs rêves ? Ne les enfermons-nous pas trop vite derrière l’image que nous nous en faisons et qui nous arrange bien ? Ce sont les questions que pose ce roman, nous forçant à regarder derrière les apparences.

     

    Comme toujours, Armel Job s’amuse à nous lancer sur des pistes qui nous font prendre le parti de l’un ou de l’autre pour mieux nous retourner ensuite. Il nous place dans la même posture que ses personnages nous amenant à juger les autres, à les condamner un peu vite. Ce roman agit comme un miroir de nos propres médiocrités.

    C’est brillant !

     

     Sa dernière chance, Armel JOB5e

    Pin It

    11 commentaires
  • Tais-toi ! Si la justice m'était comptée, Anne GRUWEZFidèle à son humour corrosif et son franc-parler, Anne Gruwez nous décrit, affaire après affaire, son métier de juge d’instruction. Emaillé de références littéraires, sont récit nous fait parfois passer sans transition du rire à la stupéfaction.

     

    Mon avis :

     

    En Belgique, tout le monde connait Anne Gruwez. Elle a souvent été interviewée dans les émissions télévisées d’investigation et a reçu un Magritte pour sa participation au film « Ni juge, ni soumise », un long-métrage où on la suit durant 3 ans au cours des enquêtes criminelles, auditions et visites de scènes de crime qui font son quotidien.

    Son franc parler plait ou dérange mais elle est honnête, intègre et directe. Pas de langue de bois avec elle mais des propos servis par une ironie caustique savoureuse.

    Dans ce livre témoignage, elle nous relate son travail, les rencontres qu’elle a vécues avec des membres du grand banditisme ou de petits délinquants qu’elle tente toujours de remettre sur le droit chemin. Elle a une expérience réelle des heurs et malheurs de l’espèce humaine et apporte une analyse très fine des personnes et des situations.

     

    J’ai apprécié découvrir la description qu’elle fait du métier de juge d’instruction, le respect qu’elle a pour chaque prévenu malgré ses agissements et l’humour caustique qui est le sien. Sans langue de bois, elle dénonce les lenteurs de la justice, l’insalubrité de certains locaux du palais de justice de Bruxelles, la lourdeur de l’administration et la paperasse à remplir…

    J’ai été dérangée par le côté un peu « foutoir » de l’ouvrage qui manque de structure selon moi et peu desservir la réflexion qu’Anne Gruwez fait sur des sujets sensibles comme les féminicides, la pédophilie…

    Enfin, j’ai apprécié sa plume, son style et les références littéraires qui émaillent l’ouvrage.

    Pour ceux qui ne la connaîtraient pas, une petite recherche sur internet vous permettra de la découvrir et d’écouter ce qu’elle a à dire. C’est toujours frappé au coin du bon sens.

     

    Tais-toi ! Si la justice m'était comptée, Anne GRUWEZ1e

     

     

     

    Pin It

    10 commentaires
  • Connaitre et comprendre le judaïsme, le christianisme et l'islam, Isabelle LEVYSociologue et écrivaine, Isabelle Lévy intervient régulièrement dans les médias et associations sur des sujets religieux, culturels ou de santé.

     

    Cet ouvrage est une mise à jour augmentée de l’édition de 2010. Il est paru aux éditions « Le Passeur » et reprend 200 questions que l’on se pose régulièrement sur les origines des trois religions monothéistes. Il les compare en montrant les points communs et les divergences et aborde aussi des thèmes d’actualité comme l’euthanasie, le don d’organes ou d’autres.

    Organisé en 8 chapitres : les croyances, les cultes, les fêtes et traditions, l’hygiène et le corps, l’alimentation, la vie à deux, l’enfance et l’adolescence, la maladie et la mort, cet ouvrage est une mine d’informations et de références accessibles à tous et que chaque enseignant, chaque croyant ou personne curieuse devrait lire. C’est important pour notre culture générale mais aussi pour comprendre notre société multiculturelle, les tensions qui parfois existent et mettre le doigt sur ce qui nous rapproche. Cela ne veut pas dire adhérer mais c’est un pas vers l’autre. Il amène aussi à comprendre que derrière un rituel, il y a un symbole, une tradition, une histoire.

    Cela permet de respecter l’autre dans ce qu’il est. Et cela me semble primordial en ce moment.

     

    Cet ouvrage » répond à des questions aussi diverses que : où se situe l’arche de Noé, pourquoi le peuple juif est-il reconnu comme l’élu, qu’est-ce qui distingue une abbaye d’un monastère, en quoi consistent les prières quotidiennes de l’islam, pourquoi y a-t-il des prescriptions alimentaires et des interdits, le mariage est-il un contrat divin, pourquoi l’autopsie n’est-elle pas admise dans l’islam et le judaïsme … Des questions que l’on s’est tous posées un jour mais pour lesquelles on ne sait jamais très bien où trouver les réponses.

     

    Isabelle Lévy répond avec clarté et précision. Chaque réponse simple et concrète renvoie aux textes sacrés sur lesquels elles s’appuient. Elle a rédigé ce condensé de près de 700 pages avec l’aide de pasteurs, prêtres, rabbins, imams, recteurs de mosquées et professeurs reconnus.

    Très documenté, abordable, historiquement intéressant, facile à utiliser, c’est un ouvrage de référence nécessaire qui nous permet d’être plus en phase avec notre humanité.

     

     

     

    Pin It

    4 commentaires
  • Indice des feux, Antoine DESJARDINSCe recueil de nouvelles est empreint d’une vision désenchantée du monde. Il nous met en garde sur le fait que cela pourrait même s’aggraver. Pas de catastrophisme pour autant mais un regard froid et lucide sur la situation actuelle avec toutefois des touches d’humour pour alléger un peu le propos d’Antoine Desjardins et des perspectives de changement possibles.

    Alors que dans la société, tout ou presque oppose les gens, l’auteur suggère de créer des ponts, de s’entraider pour surmonter la crise écologique qui a déjà commencé et ne fera que grandir.

     

    Ce recueil se compose de sept nouvelles dont les personnages sont différents. Plusieurs sont confrontés à la mort (celle d’un arbre, de l’enfance ou d’un humain) et la perte est omniprésente tout au long de l’ouvrage, fil conducteur entre les textes. En toile de fond, on retrouve la crise écologique, le dérèglement climatique, la mise à mort des espaces verts, la fuite des espèces, leur disparition… et ce qu’on appelle la solastalgie ou éco-anxiété. Rappelez-vous, c’est ce sentiment qu’on a tous ressenti en assistant, impuissants, à la fuite et à la mort des koalas lors des incendies en Australie.

     

    Mais rassurez-vous, ce n’est pas un ouvrage scientifique que vous tiendrez entre les mains. Antoine Desjardins raconte de vraies histoires, dans une langue douce ou forte, résistante, vernaculaire et toujours ancrée dans son époque. Ses protagonistes sont directement ou indirectement touchés par cette crise. Mais son but est de proposer des alternatives, d’ouvrir des perspectives, d’entrer en empathie. Pas d’être inutilement alarmiste mais bien de mettre en mouvement. Comme Louis, dans Feux doux qui pense qu’il est temps de renouer notre relation au vivant et d’en prendre soin.

    Ma nouvelle préférée, pour la nostalgie qui s’en dégage, est Ulmus americana. L’histoire d’un vieil homme, Grand, qui fait traiter son orme plus que centenaire, dans l’espoir de le sauver d’une maladie. Prendre soin. C’est le maitre mot de ce recueil. Prendre soin même quand le pire semble advenir.

     

    Ce recueil doit être lu par tous. Pour une prise de conscience et une envie de se bouger pour que cela change. Pour jeter des ponts et croire en l’avenir même s’il est fragile. Une lecture à partager.

     

     

    Pin It

    4 commentaires
  • Un monde en suspens, Barbara ABEL & François DE BRIGODE« Aujourd’hui commence une des périodes les plus étranges, les plus imprévisibles, les plus surréalistes, les plus incertaines que nous ayons vécues depuis le nouveau millénaire. On ne le sait pas encore, mais plus rien ne sera comme avant. Jamais. Il y aura désormais le monde d’avant et le monde d’après. Celui d’hier, celui de demain. »

     

    Mon avis :

     

    Ce livre raconte le passage d’un monde à l’autre, à travers les regards croisés que Barbara Abel et François De Brigode ont choisi de porter sur la drôle de parenthèse que le monde s’est imposée dès le 13 mars 2020. Trois mois de repli sur soi suivi d’un lent retour à la vie, une curieuse pause dans le tumulte de nos existences.

    Barbara Abel commente les photos prises par François de Brigode, journaliste à la RTBF. Par cet ouvrage atypique, ils jettent un regard particulier sur ces trois mois qu’on pensait derrière nous mais dont on sait qu’ils ont changé notre regard sur le monde, les choses, les autres… Ils ont aussi voulu venir en aide aux journalistes indépendants privé de travail par le Coronavirus car les bénéfices sont versés à une associations de soutien.

     

    François de Brigode photographie la vie comme elle va : un jardin en fleurs, la vitrine d’un magasin fermé, une file devant un autre, un boulevard bruxellois vide, des banderoles aux fenêtres pour remercier le personnel soignant, des bus dans lesquels une place sur deux est condamnée, des travailleurs et des promeneurs… Et toujours, la distanciation sociale.

    En une série d’instantanés, ils racontent 90 jours entre incrédulité et angoisse, 90 jours qui ont permis à certains une remise en question de leur mode de fonctionnement, ont bouleversé nos habitudes, que ce soit au travail, à l’école, en famille ou entre amis.

    Cela ne devait être qu’une parenthèse. Mais depuis, le confinement a repris. Pas tout à fait comme au printemps, les magasins sont ouverts et on peut circuler plus librement... mais pas hors frontières. Pour le reste, c’est une deuxième rupture sociale, sans culture, sans lieux de rencontres, avec un couvre-feu… Et toujours la distanciation sociale.

     

    En regardant ce bel album, en lisant les textes pertinents et percutants de Barbara Abel, on ne peut s’empêcher de se demander si on en sortira… et quand ?

     

     

    Un monde en suspens, Barbara ABEL & François DE BRIGODEUn monde en suspens, Barbara ABEL & François DE BRIGODE

     

     

     

     

    Pin It

    2 commentaires
  • La mémoire est une corde de bois d'allumage, Benoit PINETTEAvec bonté et résilience, Benoit Pinette retourne à son enfance – un pays en soi, une trajectoire – et pose le doigt sur ses instants douloureux, étudie l’équilibre des époques. Il construit de là sa compréhension des glissements du passé et sa volonté à faire mieux, à offrir le meilleur aux siens. Ce texte lance l’allumette dans le foin sec ; il carbonise des histoires anciennes, des angoisses, des corps pourris. La mémoire est une corde de bois d’allumage représente un chantier d’inquiétudes et de certitudes éphémères, mais parions que l’amour l’emportera sur la tâche à accomplir. 

     

    Mon avis :

     

    Ce recueil me tentait depuis longtemps et je l’ai reçu avec plaisir en service presse.

    De très courts poèmes et pensées parlent de l’enfance de l’auteur, de famille, de transmission aussi. Bien que courts, ces textes en prose sont denses et j’ai lu deux fois ce recueil pour savourer et comprendre chacun.

    On sent que l’auteur a l’habitude de manier la plume. Ses textes sont forts et ses phrases ciselées. Tous ne sont pas accessibles à la première lecture car Benoit Pinette joue beaucoup de l’image et de la métaphore. Sans doute le public québécois qui le connait bien en tant qu’artiste comprendra-t-il plus facilement ce qu’il évoque.

     

    L’auteur lance une allumette dans ses souvenirs d’enfance, dans les cendres de son passé. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il a choisi comme exergue la phrase de St Exupéry « On est de son enfance comme on est d’un pays ». Il réfléchit au rapport à l’enfance et à l’impact qu’elle a sur nous à l’âge adulte. Ses souvenirs sont durs, ravageurs. J’ai perçu une certaine rudesse dans ses souvenirs, de la violence peut-être. Et j’ai reçu son recueil comme une victoire sur son passé, une revanche. Ne connaissant pas l’auteur, j’espère ne pas extrapoler et avoir bien compris.

     

    Parmi ses textes, j’ai aimé ceux-ci :

    Ne me demande jamais / qui je suis / je n’en sortirais pas vivant.

     

    Il y a sous mes pieds / une souche / comme une main tendue / qui définit mieux que quiconque / le périmètre de l’existence.

    Elle me retient / me lie / contre mon gré / aux nouvelles pousses / des fantômes malveillants.

    Comment éteindre / ce qui brûle depuis toujours / quand nous sommes tous constitués / de tisons / qui refusent de mourir ?

     

    Pin It

    2 commentaires
  • Ellis Island, Bienvenue en Amérique, Ph. CHARLOT & MIRASEllis Island est la porte d’entrée pour le rêve américain. Tonio y débarque en 1907, plein d’illusions. C’est en portant assistance à Giuseppe, un compagnon de voyage qu’il est refoulé à cause de son handicap. Tonio se retrouve à la merci de Vitto, un avocat mafieux lui faisant miroiter un dossier d’appel qui pourrait autoriser son entrée sur le continent.

     

    Mon avis :

     

    Pour les Européens émigrés aux Etats-Unis, le nouveau monde est l’Eldorado. Ils s’attendent à découvrir des rues pavées d’or et une nouvelle vie pleine d’espoir. Mais quand on ne voyage pas en 1re ou 2e classe, le passage par Ellis Island est une étape obligée. Cette île où transitent les migrants est, pour certains, la fin du rêve. Malades, handicapés, trop vieux… et vous êtes renvoyés d’où vous vous venez. D’autres sont en attente dans cette prison que ne dit pas son nom, stationnés comme du bétail pour une période indéterminée, dans l’espoir d’être enfin accepté comme futurs américains.

     

    Dans ce premier de deux tomes, nous suivons deux Siciliens arrivés en 1907 et en attente sur l’ile. Giuseppe est plutôt débrouillard et vif, Tonio naïf. Ce dernier se voit rapidement contacté par un Sicilien qui semble avoir pignon sur rue et se dit avocat. Il lui propose de l’aider à faire avancer son dossier. En échange, il jouera les rabatteurs auprès des arrivants, proies faciles. Tout le village de Tonio compte sur lui pour améliorer l’ordinaire grâce à l’argent qu’il enverra au pays. Il se sent coincé. Doit-on vraiment en passer par là pour devenir Américain ?

     

    Ce premier tome n’est pas sans rappeler la situation actuelle des migrants, leur conditions d’accueil et les camps dans lesquels ils sont parfois parqués. Le titre « Bienvenue en Amérique » n’en est que plus cynique.

    Miras dessine des cases denses, grouillantes de vie et de personnages typés, très expressifs. Les traits sont un peu forcés, notamment pour la populace, mais les scènes de foule sont très réalistes et les couleurs franches mettent en évidence la distorsion entre les diverses catégories sociales. Très documentée, cette reconstitution de l’ile et des conditions de vie est d’une grande fidélité. Le dossier de quelques pages qui clôt l’album permet aux lecteurs de visualiser l’endroit tel qu’il était au début du siècle et de comprendre ce qu’était Ellis Island grâce à des documents photographiques et des archives.

    Merci aux éditions Grand Angle et à Masse critique pour cet envoi. J'ai hâte de lire la suite.

     

     

    Pin It

    2 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique