• L'enfer d'une saison, Jean-Baptiste BARONIANLe 10 juillet 1873, dans un hôtel de Bruxelles, Paul Verlaine, complètement hors de lui et comme devenu fou, tire deux coups de revolver sur Arthur Rimbaud et le blesse au poignet gauche. Pour Arthur Rimbaud, obligé de rester "à la disposition de la justice", commence alors une errance de dix jours dans la ville où il fait d'étonnantes rencontres et où, en particulier, il va voir l'imprimeur du seul et unique livre qu'il ait jamais publié, Une saison en enfer.

    C'est cette errance à la fois mystérieuse, vertigineuse et magnifique, qui a changé le destin d'Arthur Rimbaud, que raconte le présent roman.

    Mon avis :

    Mieux connus comme spécialiste du roman policier, du fantastique, de Jean Ray ou de Simenon, Jean-Baptiste Baronian est l’auteur d’une cinquantaine de romans, contes, essais et biographies. Grand amateur de Rimbaud, on lui doit notamment une biographie de Rimbaud dans la collection « Folio », il est le maître d’œuvre d’un Dictionnaire Rimbaud à paraître chez Laffont.

    Deux histoires alternent dans ce livre : celle de Rimbaud, à Bruxelles en 1873, et celle d’un professeur de lettres, au même endroit en 1973. Et on ne sait trop laquelle est prétexte à l’autre tant elles se répondent et s’harmonisent. Ce professeur, profitant d’une journée de congé, fait le tour des bouquineries de Bruxelles et tombe par hasard sur un lot d’exemplaires d’une « Saison en enfer » dont l’édition originale a paru à Bruxelles en 1873. Rimbaud, dans l’histoire parallèle, est lui-même sur les traces de Baudelaire qu’il admire et qui a vécu à Bruxelles près de trois ans. Rimbaud y fera plusieurs rencontres importantes et notamment celle de l’imprimeur qui l’a édité à compte d’auteur. Seul et unique livre qu’il ait jamais publié.

    L’histoire se base sur des faits réels et les personnages mis en scène ont bel et bien existé même si on ne connaît rien d’eux. Comme tout romancier, l’auteur a pris plaisir à combler les vides, tout en respectant une certaine véracité historique. Cela donne un aperçu de ce qu’a pu être le séjour de Rimbaud et le rend plus vivant. Mais pas vraiment sympathique. Dans les poèmes qui parsèment le récit, on perçoit d’ailleurs l’écriture chaotique du jeune homme traversée de souffrance, de révolte et de lassitude. Il n’a pas vingt ans et semble déjà revenu de tout.

    Ces deux histoires donnent aussi l’occasion à Jean-Baptiste Baronian de comparer le Bruxelles du 19e siècle, capitale d’un pays extrêmement riche, culturellement foisonnante, où nombre d’artistes aiment séjourner et celui de 1973, où la ville est en pleine déconstruction, où les quartiers se paupérisent et se vident en attendant l’ère des grands travaux qu’imposera le statut de capitale de l’Europe. Bruxelles est d’ailleurs le théâtre principal de l’univers romanesque de Baronian. Il aime et connait la ville comme personne et l’y suivre est un vrai bonheur.

    J'ai aimé cette plongée au cœur de l’histoire, la petite comme la grande ; les anecdotes, les rencontres, les descriptions du Bruxelles de 1873… J’ai pris plaisir à la comparaison des deux époques, à la découverte de ce professeur passionné de littérature qui nous fait découvrir ses goûts littéraires au fil de ses visites en librairies. J’ai goûté la langue précise et les métaphores de Jean-Baptiste Baronian qui est un merveilleux conteur.

    Un roman à découvrir autant pour son héros principal que pour le lieu où il évolue. Un très bon moment de lecture en perspective.

     

    Inscrit au défi littéraire

     

    L'enfer d'une saison, Jean-Baptiste BARONIANL'enfer d'une saison, Jean-Baptiste BARONIAN

     

     

    Pin It

    3 commentaires
  • O.D.E.SS.A, Michel DUFRANNE, PEKA, O.D.E.SS.A, Michel DUFRANNE, PEKA, 1946, au cœur des Ardennes. Une femme atteinte d’une maladie incurable, Marie-Louise Marchandise demande à deux de ses fils, André et René, de retrouver l’aîné de la fratrie, Charles, disparu dans la tourmente de la guerre. Une demande pressante, mais source de vives tensions : l’engagement de Charles dans la L.V.F., une organisation alliée des nazis, n’a pas laissé de bons souvenirs à André, qui lui a combattu dans la Résistance. Pourtant, par dévouement pour sa mère, il accepte de partir en quête de Charles. Au fil de ses recherches dans une Europe dévastée, André va découvrir l’existence d’O.D.E.SS.A., le réseau qui organise la fuite des criminels de guerre nazis vers l’Amérique du Sud…

    Mon avis :

    Une mère mourante réclame ses trois fils à son chevet. Deux sont rentrés de la guerre, le troisième est supposé mort mais elle se refuse à y croire. André, résistant actif aux idées proches du communisme, ne veut pas entendre parler de Charles qui a trahi en s’engageant aux côtés des nazis. René, déporté en Allemagne et rentré infirme, veut satisfaire les dernières volontés de sa mère. Il convainc André, plus apte que lui, à se lancer dans cette quête insensée.

    A travers ces trois histoires et les recherches menées par André, on entre de plein fouet dans la France d’après-guerre qui essaie de retrouver une unité après s’être déchirée pendant des années. Tous les aspects du conflit interne au pays, des prises de position politique et militante sont abordés dans cette histoire. Comment faire le ménage quand personne n’est innocent ou intègre ? Quand chacun traine des casseroles derrière lui ? Quand tout le monde voudrait oublier mais ne parvient pas à pardonner aux autres ? André trouvera-t-il son frère et la paix à l’issue de cette quête ? Ou bien perdra-t-il son âme ?
    J’ai aimé le postulat de départ, simple et réaliste et la manière dont il est ensuite traité. Pas d’angélisme, ni de manichéisme, pas de chasse aux sorcières, les bons ne sont pas tout bon et les méchants ont aussi une part héroïque. Chacun est renvoyé à sa propre réalité, à ses convictions et sa morale.

    De nombreux flash back permettent de comprendre le passé, celui de Charles surtout, et les circonstances de son engagement dans la LVF. Le présent par contre n’est pas simple. Manipulations, mensonges, faux semblants et traitrise, rien ne sera épargné à André, qui de son côté est d’une grande naïveté et d’un entêtement incroyable. Parfois, j’avoue m’être perdue dans les divers personnages et mouvances. Dommage.

    Cette histoire familiale donne aux auteurs l’occasion de traiter de faits historiques et d’aspects sans doute méconnus par ceux qui ne se passionnent pas pour la Seconde Guerre mondiale. La collusion entre autorités divergentes, pouvoirs, personnalités ; les arrangements avec la morale ; les filières d’entraide aux anciens nazis favorisant leur exfiltration ; les ex collabos qui se rachètent une conduite et occupent des postes les plaçant au-dessus de tout soupçon ; les planqués d’hier opportunistes d’aujourd’hui… Tous ces aspects sont abordés et amènent une réflexion pertinente – que j’aurais aimée plus développée - sur cet après-guerre qui a connu une confusion incroyable et sur le destin de tous ces gens comme nous, devenus, souvent par hasard, héros ou salaud.

    Un petit regret, j’aurais aimé que le réseau O.D.E.SS.A soit explicité davantage. Il est à peine évoqué. En deux tomes, difficile cependant de développer tous les points abordés. Un troisième aurait sans doute été bienvenu. A chacun, donc, de se lancer dans ses propres recherches pour peaufiner, s’il le souhaite, ses connaissances du sujet.

    Quant au dessin, les traits bruts et torturés de PEKA rendent parfaitement la violence des faits et des sentiments éprouvés par les protagonistes. Les gros plans en disent long en quelques coups de crayon. Ils vont droit à l’essentiel. Je reprocherai cependant quelques rugosités dans les traits et les couleurs un peu trop ternes à mon goût.

    Au final, je dirais que je reste sur ma faim, déjà bien au fait de cette période qui me passionne. Par contre, je pense que cette BD est une bonne entrée en matière pour intéresser les jeunes à cette période de l’Histoire et leur donner envie d’en savoir plus.

    Vous trouverez ICI une interview du scénariste, Michel Dufranne, concernant cet album.

     

    Pin It

    2 commentaires
  • Encre brute, Jérôme BACCELLI«- Le diable ? À quoi le reconnaîtrez-vous donc, votre diable ? Le professeur avait pris un air effrayé.
    - Ses actes parleront pour lui. Et s'il le faut, s'il faut d'abord en faire un prince du mal avant de le sacrifier, s'il faut le porter au pinacle pour mieux l'en faire descendre, eh bien nous le ferons. De son règne jailliront les gisements d'encre brute, de ses crimes éclatera l'apocalypse annoncée, comme l'a prédit l'oracle»...

    Al-Majid, l'assassin appelé à devenir le futur raïs de Babylone, s'entretient en prison avec l'évangéliste Lindsay Steward, à la solde des services secrets américains, lui aussi condamné à mort... Il vient de comprendre que tuer ne suffit pas à conjurer le sort. A l'oracle de la Bible, il va devoir opposer sa propre malédiction. La main qui tue sera aussi celle qui écrit...

    Un conte des Mille et Une Nuits transposé dans l'Irak de Saddam Hussein sur fond de guerres et de coups d'état sanglants.

    Mon avis :

    Informaticien travaillant à la Silicone Valley, Jérôme Baccelli nous propose ici son deuxième roman. C’est en recherchant dans l’actualité des exemples d’écrivains contrariés, qu’il a découvert que Saddam Hussein avait toute sa vie cherché en vain à être reconnu comme écrivain. D’où cette plongée au cœur de la Mésopotamie, berceau de l’écriture, et de son histoire torturée, balisée par l’écriture des plus grands poètes antiques et les puits de pétrole contemporains.

    Ce conte moderne est donc inspiré de faits authentiques. Il met en scène deux hommes, autrefois amis : un dictateur et un poète, que tout oppose. L’un est violent, colérique, soupçonneux, l’autre est un esprit libre et joyeux, tendu vers un idéal. Alors que le dictateur croit au déterminisme, pour Sharif, le poète, la vie n’est pas écrite à l’avance : croire à son destin, c’est le piège que tend la vie. Seul la poésie rend immortel. Al-Majid, le tyran, est jaloux du pouvoir de cette certitude, lui qui aimerait tant écrire sa légende personnelle mais n’y parvient pas.

    Après huit ans d’acharnement et de guerre, pendant lesquels il cherchera à rédiger cette légende, il ordonnera à Sharif d’écrire pour lui « Zabiba et le Roi ». Un roman d’amour entre lui et une femme, son peuple en fait qu’il aimait au point de lui nier le droit d’évoluer vers la modernité. Ce roman fiction, véritable faux historique, sera publié et deviendra un best seller, dans son pays. Deux autres récits suivront.

    Malgré la noirceur et la violence de l’histoire, la douleur, les tortures, les massacres dus à la folie d’un seul despote, j’ai aimé l’écriture poétique et inspirée de l’auteur et la puissance des mots qui émerge tout au long du récit. Un hymne à la poésie, à la littérature, à l’essence même de celle-ci. C’est un conte sur la force des mots, qu’ils soient poèmes, chants d’espoir, patriotiques ou ordres de mission.

    J’ai trouvé également tous les personnages intéressants, fouillés, pas seulement les deux protagonistes. Chacun renvoie à une réalité de la vie en Moyen Orient, en des temps troublés et chaotiques. Ibrahim, Karim, Jasmine, Lindsay Steward, Najafi… tous apportent une vision des choses indispensable à la compréhension de l’histoire voilée de l’Irak. Une histoire qui nous est arrivée tellement manipulée par les médias et la raison d’état qu’on a du mal, encore aujourd’hui, à discerner le vrai du faux. En refermant le livre, on ne peut que plaindre ce peuple manipulé par des décennies de dictateurs mégalomanes. Le conflit Iran-Irak aura fait un million de morts irakiens parmi les hommes en âge de procréer. Lourd tribu payé à la recherche d’une légende personnelle !

    Un très beau récit que je remercie Babelio et les Editions Pierre-Guillaume de Roux de m’avoir fait parvenir.

     

    Inscrit au défi littéraire

     Encre brute, Jérôme BACCELLI

     

     

     

    Pin It

    2 commentaires
  • Objectif l'Eternité : La Clairstidée, Serge FRANCELe 17 septembre 2011, Alain Tier reçoit une photo de son fils Robert disparu depuis plus de huit ans ainsi que l'annonce d'un héritage providentiel. Le même jour, à la même heure, Carla Corbota octogénaire en léthargie depuis cinquante et un ans se réveille. La mémoire de la vieille dame et les mésaventures de Tier s'entrecroisent pour les amener à côtoyer l'inconcevable. Des femmes sans mémoire, des enfants et des hommes sans âge. Des apprentis sorciers sans vergogne en quête de l'inaccessible. Une organisation aux ramifications allant jusqu'au plus haut de l'appareil de l'état. L'apparition d'une menace planétaire...

    Carla et Alain vivront vingt jours intemporels où s'opposeront les extrêmes. Le réel et le chimérique, la beauté et l'horreur, l'amour et la haine. La vie, la mort et au-delà... l'éternité.

    Mon avis :

    Quand mon Club de lecture m’a proposé de découvrir ce roman puis de rencontrer l’auteur, je me suis dit que c’était une belle occasion. Il s’agit d’un premier roman, d’un genre que je lis peu, le roman d'anticipation et d’un auteur belge qui plus est. Autant de découvertes qui me paraissaient tentantes.

    Dès les premières lignes, nous sommes plongés dans une enquête (ah, un polar, j’aime ça !).

    2012 : Alain a quitté son cabinet médical bruxellois pour lancer toutes ses forces et ses économies dans la recherche de son fils et de sa femme disparus huit ans plutôt. Il a ouvert un bureau de détective privé et cela lui permet de subvenir à ses coûteuses recherches. Un mail l’avertit qu’il hérite d’une tante jusque là inconnue à condition qu’il recherche Amélie, sa fille, disparue mystérieusement des années auparavant. Une photo jointe s’ouvre à l’écran et stupeur, il y reconnait son propre fils.

    1939 : Trois enfants hagards s’élancent dans le cimetière de Vidreres en Espagne. Ils cherchent un endroit sûr pour échapper à leurs poursuivants. Parmi eux, deux jeunes Espagnols et un petit Français. Qui sont-ils ? Qui fuient-ils ? Quel lien y a-t-il entre leur histoire et celle d’Alain ? Y en a-t-il seulement un ?

    L’intrigue démarre nous entrainant au côté d’Alain dans une quête éperdue de la vérité. Au péril de sa vie, il mettra tout en œuvre pour retrouver son fils et Amélie dont les destins sont visiblement liés. De surprise en surprise, il tissera une toile d’indices et d’informations plus complexes les unes que les autres pour prendre au piège les responsables. Impossible d’en dire plus sans dévoiler la trame du récit.

    J’ai aimé l’originalité de l’histoire qui reste cependant logique et accrocheuse d’un bout à l’autre ; le mélange des genres où le fantastique se mêle à l’anticipation et au thriller ; l’écriture fluide et rythmée qui nous fait voyager sur une période de 70 ans à travers toute l’Europe et le propos scientifique qui soutient l’intrigue.

    Par contre, la multitude des personnages aux noms parfois proches m’a quelques fois égarée - il aurait fallu que je prenne des notes – et la complexité des liens les réunissant, ou pas, également. Les faits révélés sont durs, insupportables par moment, mais tout est heureusement raconté avec pudeur et sans aucune crudité.

    Le coup de théâtre final laisse entrevoir une suite. Je la lirai car elle éclairera certainement les zones d’ombre qui subsistent dans mon esprit après la lecture de ce premier tome.

     

    Objectif l'Eternité : La Clairstidée, Serge FRANCEObjectif l'Eternité : La Clairstidée, Serge FRANCE

     

    Pin It

    7 commentaires
  • Espaces, Olivia TAPIEROPetite, je pleurais en voyant l’ombre qui me suivait en rampant, en m’agrippant par les chevilles, je criais et, malgré mes jambes engourdies par la peur, je courais aussi vite que je pouvais, talonnée par cette masse étrangère qui voulait m’engloutir. Ce jour-là, sur le trottoir, elle était devenue la seule preuve de mon existence, cette plaque noire et sans relief qui me traînait derrière elle. Sur le chemin du retour je ne l’ai pas quittée du regard, pour être bien certaine qu’elle ne partirait pas, qu’elle était là, que j’étais là.

    Mon avis :

    J’ai choisi ce roman sur les conseils du vendeur du stand québécois à la Foire du Livre de Bruxelles. Malgré douze titres sur ma liste, je n’ai pu trouver que trois ouvrages présents, choix des éditeurs oblige !! Je me suis donc laissé conseiller. Olivia Tapiero étant attendue en dédicace et le sujet me questionnant, je me suis laissé convaincre sans peine.

    Olivia Tapiero a 22 ans. C’est une jolie jeune femme juvénile et souriante, réservée qui ne laisse absolument pas présager, au premier abord, la noirceur qu’elle a mis dans son histoire, ni la profondeur de son propos. J’ai commencé son roman le soir même et j’ai été happée par son récit.

    Tout d’abord, l’écriture est magnifique. Légère, aboutie, poétique… belle tout simplement. On prend le temps de savourer les mots, les phrases, les idées.

    L’histoire, au contraire, est loin d’être légère et douce. Noire, pesante, oppressante, elle laisse juste filtrer à quelques rares moments la poésie de la vie, comme de faibles rais de lumière à travers des volets clos.

    Lola, l’héroïne, a du mal à communiquer. Ses tendances asociales et son repli sur soi seront exacerbés le jour où elle sera confrontée à la mort de sa colocataire, qui pourtant ne lui était rien. Elle deviendra l’Absente à laquelle Lola contera son quotidien. Elle glissera alors dans un espace-temps sans vie, s’abandonnant au ballotement des jours et des rencontres, et bien qu’elle laisse entrer les autres dans son monde, elle se refusera à entrer dans le leur. Communiquer lui est devenu vain et inutile. Elle prend mais ne donne rien.

    Paniquée par le blanc qui la hante et la happe, Lola n’est qu’un spectre qui traverse le temps, se questionnant sur le sens de la vie et de la mort et sur le pouvoir que l’on a de maîtriser sa mémoire et l’oubli. Elle semble avoir compris trop tôt l’instabilité fondamentale de toute vie humaine et la laideur du monde.

    On aimerait la plaindre, la choyer, la sauver mais son attitude distante et froide ne la rend pas sympathique et nous met à distance sans qu’on arrive à ressentir de la compassion pour elle. Je pense que l’auteur l’a voulu ainsi. Lola est tout le contraire d’une héroïne.

    Etrange et beau roman que celui-ci. Etrange car anachronique, en dehors du temps présent et des tendances littéraires ; loin de l’univers qu’on imagine être celui d’une jeune femme de 22 ans. Beau par la lumière qui émane des images qui s’en dégagent et en même temps tellement tourné vers la noirceur de l’être humain.

    Ce roman sensible reste longtemps au cœur. L’histoire d’une errance portée par le souffle poétique d’une jeune auteure qui risque de compter.

    J’ai eu l’occasion de rediscuter avec l’auteure à la moitié de ma lecture. Comme je m’étonnais de lire une histoire si sombre sous une si jolie plume, elle m’a simplement répondu que si elle était si joyeuse dans la vie, c’était sans doute parce qu’elle écrivait justement des livres sombres. Exutoire de ses propres craintes ou volonté d’affirmer une certaine maturité et lucidité face au monde qui est le nôtre ?

     

     

     

     Espaces, Olivia TAPIEROEspaces, Olivia TAPIERO

     

     

    Pin It

    5 commentaires
  • Deux signes ou ma vie politique, François BEGAUDEAU«La France des années 70 est un banquet gaulois où l’on boit et mange en parlant fort sous le regard magnanime de nos hommpolitiques punaisés au mur comme on place un patriarche en bout de table. Moi je suis à l’autre bout, disposé à imiter ce qui passe, à devenir un adulte comme ceux qui me nourrissent, me servent des grenadines, me reprennent si je jure, me déposent à l’école publique. Bientôt je prendrai leur place, puis celle du patriarche. Une vie se sera passée et dedans il y aura eu de la politique, dès le début et jusqu’à la fin. Elle ne s’est pas passée comme ça.»

    Mon avis :

    Entamer ce livre autoportrait par une dédicace à Montaigne, excusez du peu.

    François Bégaudeau, je l’ai découvert comme la majorité, après le succès du film « Entre les murs » adapté de son livre et dans lequel il incarnait le prof de français. Je ne savais rien de lui avant cela. Je ne l’ai plus vraiment suivi par la suite.

    Ce livre m’a intriguée car je me suis demandé quelle part il pouvait bien prendre en politique pour en faire le sujet principal de cette sorte d’examen de conscience d’un bobo dans la quarantaine.

    Ayant grandi dans un contexte et un milieu politique, presque naturel dans les années 70, Bégaudeau s’est interrogé sur la place de cette dernière dans sa vie, son parcours, son œuvre… Sorte de syndrome français, le réflexe politique est en lui. Il s’intéresse à la politique, en parle, a des opinions, des avis et refait le monde en société comme d’autres au café du commerce. Puis, peu à peu, il apprend à se dépassionner, à quitter ce déterminisme, cet amour de la Chose publique.

    Avec des amis, il crée un groupe de rock punk et se met à écrire des textes engagés, réactionnaires, explorant les milieux qui ont été les siens autrefois et les jugeant sans complaisance. Il passera ensuite à la littérature et s’imposera le même exercice critique.

    Polyvalent, il refuse d’être caricaturé, enfermé dans un genre, un milieu et se moque beaucoup des clichés de chaque groupe auquel il a adhéré ou adhère. Il semble présenter ce refus d’être limité à une seule facette, comme une stratégie de survie indispensable. Je lui laisse le bénéfice du doute. Même si j’ai senti beaucoup d’autosatisfaction derrière ses doutes et ses contradictions. Autodérision ? Pas si sûre.

    L’intérêt de ce livre m’a un peu échappé, je l’avoue. Certes, c’est bien écrit (très écrit). Le verbe est beau, la phrase parfaite et le propos nous replonge dans quarante ans de vie politique française, de créations culturelles et de pensées philosophiques. C’est quelque fois drôle. Mais…

    Peut-être la génération Bégaudeau se retrouvera-t-elle dans ce récit particulier, pour peu qu’elle soit française. Personnellement, je suis restée en marge de ce livre. Sans doute le propos typiquement hexagonal et la forme : passion du verbe, de la formule, de la formalisation même de la pensée trop typique à nos voisins du sud. C'est finalement assez formaté. Je suis déçue.

     

     

     

     

    Pin It

    2 commentaires
  • Accès direct à la plage, Jean-Philippe BLONDELCe roman prend racine aux quatre coins des côtes françaises. De Capbreton dans les Landes, en 1972, à Arromanches -Calvados- en 2002, en passant par Hyères et Perros-Guirec. Rien ne relierait ses personnages s'ils n'avaient le goût des locations à la mer. Ils se sont croisés dans l'épice particulière des soirs d'été. Les couples, les familles, les célibataires qui nous ont précédés. Ceux d'avant. Ainsi, le lecteur, avec Jean-Philippe Blondel, éprouve-t-il lui aussi le sentiment d'être à la suite de quelqu'un. Il reste une empreinte qui s'attarde. Ici, il y a eu des envies, et puis des bonheurs étrangers, tellement visibles qu'ils ressemblent aux nôtres

    Mon avis :

    Un petit livre tout simple. En apparence.

    Vingt personnages dévoilent leurs pensées et réflexions alors qu’ils sont en villégiature à la mer. Et peu à peu de ces monologues intérieurs, une intrigue se noue, un jeu subtil qui crée des liens au fil des vacances et du temps. Quatre lieux, trente ans. Les personnages confient leur tristesse, leur plaisir, leurs rêves, leurs espoirs... et harmonieusement ces voix se répondent formant un tout cohérent et singulier.

    Une écriture inimitable, sensible et délicate. Poétique même. Un court récit qui nous plonge dans nos propres souvenirs, nos propres rêves.

    Un délicieux moment de lecture.

     

     

     

     

     

    Pin It

    6 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique