•  Loin des mosquées, Armel JOBTurc grandi en Belgique, Evren achève à Cologne de brillantes études de comptabilité. Hébergé chez son oncle, ce garçon de vingt et un ans, encore chaste et au visage ingrat, s'éprend de sa cousine, la belle et sensuelle Derya. Rentré en Belgique, Evren fait part aux siens de sa décision : il va épouser Derya. Une délégation familiale se rend donc en Allemagne pour demander la main de la jeune fille. Mais les choses ne tournent pas exactement comme prévu : Derya éconduit Evren. Outragés par cette humiliante fin de non-recevoir, les parents d'Evren cherchent un nouveau parti pour leur fils et choisissent Yasemin, une paysanne anatolienne de seize ans, vive et dégourdie, qu'Evren connaît à peine. Les noces ont lieu, et le jeune couple apprend peu à peu à s'apprivoiser. Jusqu'au jour où Derya, dont Yasemin ignore l'existence, débarque à l'improviste en Belgique. Quel secret cache le voyage de Derya ? Qui est véritablement Evren, ce grand garçon obéissant et en apparence si maladroit ? À quel jeu dangereux se livre Yasemin ? Quels rôles viennent jouer dans cette histoire René, voisin de la famille d'Evren et croque-mort de son état, et Marcel, son colocataire, attardé mental qui passe ses journées à visionner les enquêtes de l'inspecteur Colombo ?...

     Mon avis :

     Déçue par deux précédents romans d’Armel Job, il m’a fallu un moment pour me décider à plonger dans cette histoire. Pour une fois, c’est mon époux qui m’a convaincue après avoir lu ce livre et rencontré l’auteur lors d’une présentation en milieu scolaire. Je suis heureuse de l’avoir écouté.

     Ce roman chorale n’est pas sans rappeler la tragédie grecque. Il y a un peu d’Antigone chez Derya, cette jeune fille qui affronte malgré elle les conventions puis les hommes de la famille et voit son destin lui échapper peu à peu. Il y a beaucoup de lâcheté et de peur chez les hommes ; beaucoup de force, de rébellion, de grandeur chez les femmes. La situation dépasse très vite les protagonistes autant qu’elle les remet en question. A chaque fois qu’une solution semble trouvée par l’un d’eux, un grain de sable inattendu vient semer le trouble, renvoyant chacun à sa vision de la justice et de la vérité.

     Au-delà du thème abordé : la condition de la femme et les mariages arrangés, ce récit nous plonge au sein d’une communauté à la culture différente, où la tradition et l’honneur restent des piliers immuables permettant aux êtres de résister aux tempêtes du déracinement. Cependant, il n’y a pas de vision commune et chacun vit à sa guise ses certitudes et ses propres contradictions. Cela nous offre un roman d’atmosphère où les faits sont relatés simplement, sans aucun jugement.

     L’écriture maîtrisée d’Armel Job nous entraine dans un récit vif, sans temps mort qui nous surprend de page en page. L’humour et la fin inattendue sont la cerise sur le gâteau. Un joli roman, intelligent, réfléchi et interpellant. Une très bonne lecture.

     

     Loin des mosquées, Armel JOBLoin des mosquées, Armel JOB

     

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  • Si tu passes la rivière, Geneviève DAMAS«Si tu passes la rivière, si tu passes la rivière, a dit le père, tu ne remettras plus les pieds dans cette maison. Si tu vas de l'autre côté, gare à toi, si tu vas de l'autre côté.» J'étais petit alors quand il m'a dit ça pour la première fois. J'arrivais à la moitié de son bras, tout juste que j'y arrivais et encore je trichais un peu avec les orteils pour grandir, histoire de les rejoindre un peu, mes frères qui le dépassaient d'une bonne tête, mon père, quand il était plié en deux sur sa fourche. J'étais petit alors, mais je m'en souviens. Il regardait droit devant lui, comme si la colline et la forêt au loin n'existaient pas, comme si les restes des bâtisses brûlées, c'était juste pour les corbeaux, comme si rien n'avait d'importance, plus rien, et que ses yeux traversaient tout.

    Mon avis :

    Dès les premiers mots, on pense l’histoire racontée par un enfant ; avec des mots simples, des impressions diffuses qui content le quotidien d’une famille de fermiers besogneux et mutiques, un peu caricaturaux. Puis l’histoire se construit, lentement, et on se rend compte que François, le narrateur, a en fait 17 ans. Mais illettré, sans éducation et laissé à lui-même, il est un peu simple.

    Très vite on s’attache à ce jeune homme déterminé qui veut comprendre ce qu’on ne lui dit pas, ce qu’on lui cache. Lui qui perçoit tant de zones d’ombres dans sa famille. Comme cette fameuse rivière, érigée en frontière. « Si tu passes la rivière, tu ne remettras plus les pieds dans cette maison ». C’est ce qui est arrivé quand Maryse, sa sœur, est partie. Et il ne l’a jamais revue.

    A force de patience et de détermination, François va sortir de sa coquille, apprendre à lire, s’affirmer et chercher des réponses. Pas encore un homme, mais certes plus un enfant, il veut savoir et comprendre. Dès les premières pages, je suis entrée en empathie avec ce jeune garçon. Sa quête est si touchante, ses mots si justes, qui ne s’embarrassent pas de faux semblants, qu’on ne peut qu’être touché. Il émane du récit une telle humanité, une telle force, qu’on le referme différent.

    Geneviève Damas réussit en 115 pages à faire naître une réelle magie dans son histoire, tout en maintenant la tension narrative jusqu’au bout. Et même au bout du bout, la fin reste ouverte. Quel bonheur que ce récit poétique, malgré la dureté des mots et des situations. Une belle langue, maîtrisée et évolutive, pour ce roman d’apprentissage, une écriture soignée où abondent les métaphores finement ciselées.

    Ce premier roman de l’auteur (comédienne et metteur en scène) a été récompensé par le Prix Rossel en 2011 et celui des « Cinq continents » au Québec en 2012 et c’est amplement mérité.

     

     

     

    Si tu passes la rivière, Geneviève DAMASSi tu passes la rivière, Geneviève DAMASSi tu passes la rivière, Geneviève DAMASSi tu passes la rivière, Geneviève DAMASSi tu passes la rivière, Geneviève DAMAS

     

     

     

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  • Un homme trop facile, Eric-Emmanuel SCHMITTComédien célèbre et adoré du public, Alex s'apprête à entrer en scène pour la première du Misanthrope lorsqu'Alceste lui apparaît dans son miroir. Le « vrai » Alceste, l'homme aux rubans verts de Molière. La stupeur passée, la conversation s'engage (mal) entre celui qui voudrait changer le monde et celui qui l’accepte tel qu’il est. La guerre est déclarée. Qui triomphera, de l'idéaliste en colère qui s'indigne de la vie ou de l'aimable libertin qui la trouve amusante ? Et lequel des deux gagnera les faveurs de l'insaisissable Célimène ?

    Mon avis :

    Le Misanthrope n’a jamais été aussi à la mode. Alors que le film « Alceste à bicyclette » faisait la joie des spectateurs dans les salles et que Jean-François Sivadier créait un misanthrope très rock n’ roll, la pièce d’Eric-Emmanuel Schmitt était créée au Théâtre de la Gaieté Montparnasse le 13 janvier dernier. Voici aujourd’hui le texte paru chez Albin Michel.

    De fait, le misanthrope est intemporel. Ce farouche atrabilaire, dépité du genre humain et de la société du paraître, trouverait sans aucun doute sujet à railleries et critiques dans notre société contemporaine. Mais bien qu’il déteste les hommes, il ne peut se passer d’eux. Ou de les détester. Sa solitude, il l’a supporte difficilement et cherche à la fuir, sans jamais l’avouer.

    Alceste qui croit détenir la vérité suprême et reste très amoureux de Célimène va s’immiscer dans la vie d’Alex, le soir de la première, pour le faire renoncer à son rôle. Comment, en effet, un homme aussi léger et optimiste qu’Alex, si doué pour le bonheur, aurait-il l’étoffe de son personnage ? Peu à peu, la conversation s’engage entre eux, interrompue souvent par une série de fâcheux.

    Une fois de plus, EE Schmitt nous offre un texte où se côtoient réflexion, divertissement et humanisme. Il renoue avec la verve de ses succès précédents, passant allègrement de jeux de mots en émotions vraies. Ecrit mi en alexandrins mi en prose, il nous offre une belle réflexion sur la vie. Un très agréable divertissement.

    « Tolérez l'imperfection, acceptez la déception, supportez l'à-peu-près, habituez vous à la frustration, sinon au lieu de prospérer parmi eux, vous continuerez à fuir les humains dans le désert."  P 184

     

     

     

     

     

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  • La chute de Berlin, Antony BEEVORAvec son magistral Stalingrad, devenu un best-seller mondial, Antony Beevor avait réussi à donner toute son ampleur tragique à l’une des plus terribles batailles de l’histoire de l’humanité. Le récit de la chute de Berlin, qui consacre, en 1945, l’effondrement du Troisième Reich, est la suite logique de cet ouvrage, en même temps que l’évocation d’un drame humain à peu près sans précédent. C’est, en effet, avec une terrible soif de vengeance, après les exactions commises par les Allemands en Russie, que l’Armée rouge s’approche inexorablement de Berlin, devenu pour elle « l’antre de la bête fasciste ». Et cette vengeance sera effroyable : villes et villages anéantis, civils écrasés par les chenilles des chars, viols et meurtres en série, pillage systématique. S’appuyant sur des archives souvent inédites, Antony Beevor nous livre un document historique capital, mais aussi un grand récit tragique et poignant où l’on voit se déchainer, portées à leur paroxysme, toutes les passions humaines.

    Mon avis :

    Auteur d’un précédent ouvrage sur Stalingrad, Antony Beevor, historien anglais après avoir été officier de carrière, nous propose ici la relation en détails des cinq derniers mois de la Seconde Guerre mondiale. Le but de cet ouvrage est de nous présenter les circonstances de la chute des hommes et des systèmes politiques, circonstances révélatrices de ce qu’ils ont été.

    S’appuyant sur un nombre impressionnant de documents d’archives russes, allemands, anglais… et sur le courrier échangé par les soldats de tous les camps avec leurs familles, il s’efforce de raconter les circonstances de cette effroyable tragédie que furent les derniers jours de Berlin en 45. Donnant tour à tour le point de vue allemand et russe puis celui des alliés occidentaux, il nous fait revivre jour après jour, presque heure par heure, la progression des uns et des autres et les sentiments multiples vécus par la population civile et les soldats de chaque camp.

    Fruit de recherches minutieuses, cet ouvrage fait preuve d’un formidable esprit de synthèse et d’une écriture pertinente rendant le moindre détail intéressant. Emportée par ma lecture, j’ai dévoré ces près de 500 pages en trois jours, sans jamais trouver le récit pesant. (Il n’en va pas de même des faits)

    Ce livre fascinant nous permet de comprendre un peu mieux les circonstances de la chute de Berlin. On côtoie le fanatisme des uns et des autres, l’effroyable impuissance des civils, le conditionnement infernal des militaires et la manipulation de tous par les chefs d’Etats. On se rend compte aussi de l’incroyable incapacité d’Hitler et de son état-major à proposer et gérer la moindre stratégie militaire.

    On y apprend aussi, par exemple, que Berlin comptait en 45 près de trois millions et demi d’habitants (dont 120 000 enfants en bas âge) bien plus que ne pouvaient en accepter les abris anti-aériens et les couloirs de métro. Les étrangers avaient donc obligation de porter sur leurs vêtements l’initiale de leur pays d’origine et interdiction de pénétrer dans ces abris. Ou encore que cette population affamée, ne disposait quasiment d’aucune nourriture alors qu’en périphérie, les dépôts de vivres, vulnérables à la moindre attaques, regorgeaient de nourriture. On y voit comment Staline lança dans l’offensive six millions sept cent mille soldats dont trois cent mille furent atrocement mutilés. Après avoir reçu, à leur retour des prothèses en bois datant de 1812, ils furent désignés « persona non grata » dans les rues des villes russes, raflés et déportés dans l’extrême nord, comme s’ils étaient des criminels. Et que dire de l’atroce situation des femmes…

    Un livre fascinant et surtout indispensable pour ceux qui s’intéressent à cette période de notre histoire ou cherchent à comprendre l’histoire contemporaine de l’Europe. Car sans comprendre la Seconde Guerre mondiale, on ne peut rien comprendre des problèmes d’aujourd’hui.

     

    La chute de Berlin, Antony BEEVOR

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  •  Comme un roman fleuve, Daniel CHARNEUXPourquoi François Lombard a-t-il vu se distendre les liens qui l’unissaient à Sonia ? Quel secret cache-t-il au fond de sa mémoire ? Que cherche-t-il, sillonnant les quais de Meuse, traversant les ponts, creusant dans son passé, dans l’histoire d’une ville, dans les méandres d’un fleuve ? Est-il encore temps de jeter une passerelle entre Sonia et lui ? 

    Mon avis :

     A l'aube de sa vie, François Lombard jette un regard dans le rétroviseur. Il revoit sa vie s’écouler, comme les eaux du fleuve qu’il longe quotidiennement, au fil de ses balades. Tantôt calme et joyeuse, tantôt tumultueuse, sombre, tourmentée. Chaque promenade est l’occasion de se remémorer un événement précis, une époque de sa vie qu’il a soin de replacer dans le contexte géographique et historique. Ainsi en sept chapitres au titre évoquant des ponts de Liège, il nous confie sa vie et nous conte également sa ville et ses transformations, les heurs et malheurs qui l’ont façonnée et la façonnent encore aujourd’hui. Et l’on plonge dans l’une et l’autre avec curiosité et tendresse. La Meuse devient miroir de l’âme.

    Au fil des pages, nous découvrons le paradis perdu de François, arpentons Liège et la sentons vibrer sous ses pas. Je serais curieuse de savoir si les non Liégeois sont sensibles à ce roman. Tout y est si intime, si parlant pour un habitant de la Cité ardente que j’ai eu l’impression à chaque page qu’il avait été écrit pour moi, pour que je me souvienne et que je n’oublie pas. Je me suis immergée dans les parfums de l’enfance, ai retrouvé des images enfouies, des visages, des lieux que j’avais connus et aimés. J’ai retrouvé des sensations oubliées. Mais peut-on goûter à ces petites perles narratives, si on ne les a pas vécues de l’intérieure ?

    L’écriture de Daniel Charneux est pleine de charme et de rigueur, frôlant parfois l’obsession. Après avoir été séduite par la maîtrise de la langue et la beauté des mots, j’avoue pourtant m’être un peu lassée de ses multiples appositions et des énumérations sans fin. Certes la langue est belle mais les phrases sont longues et par trop ouvragées. Cela sied à merveille à cet octogénaire sur lequel pèse le poids des ans et du passé. Forme et fond s’unissent pour attiser le propos ; l’effet est indéniable. Mais j’aurais goûté un trait un peu plus léger.

    Mis à part ce petit bémol, je quitte à regret cette balade en amnésie dans laquelle ce roman m’a plongée. Ce fut pour moi un vrai coup de cœur.

    Pour ceux que cela intéresse, Daniel Charneux sera à la FLB, le 9 mars prochain à 17h, sur le stand des Editions Luce Wilquin, afin de dédicacer son roman.

    Ici, l'avis d'une non Liégeoise sur ce roman, Minou. Et pour une autre découverte de cet auteur, voir le très beau billet d'Anne sur son roman "Nuage et eau"

     

     

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  • Cécile Duffaut vient de passer le week-end chez ses parents à Troyes. Son mari et sa fille n'ont pas voulu l'accompagner. Après deux jours de silence et d'incompréhension, elle est pourtant restée la nuit du dimanche ! Furieuse contre elle-même, elle attend donc, ce lundi matin, le train de 6h41 pour Paris. À quelques mètres, Philippe Leduc fait les cent pas. Il attend le 6h41. Pour lui, une journée particulière commence. Il préviendra le boulot plus tard. Il se dit qu'il pourrait disparaître, personne ne l'attend. Divorcé, des enfants indifférents, ses amis perdus. Enfin, pas vraiment, puisqu'il fait ce voyage pour rendre visite à Matthieu, l'ami d’enfance.

    Pour une fois, le train est à l'heure. C'est l'assaut et le départ. Philippe Leduc erre dans les wagons et trouve enfin une place libre. Juste à côté de Cécile Duffaut. Aussitôt, ils se reconnaissent mais font comme si de rien n'était...

    Mon avis :

    Jean-Philippe Blondel nous propose un huis-clos incroyable, au cœur d’un wagon bondé. Le train est le lieu idéal pour une rencontre. Tant de destinées s’y croisent au quotidien. Tant de personnes qui ne s’adresseront sans doute jamais la parole. Blondel y a puisé une source d’inspiration joliment mise en mots. Il nous offre une non rencontre qui dévoile bien plus les personnages qu’une conversation ne l’aurait fait.

    Se retrouver par hasard, durant une heure trente, aux côtés de quelqu’un qu’on a bien connu et qu’on souhaitait ne pas revoir, va plonger Cécile et Philippe dans  une instrospection inattendue. Ils se sont connus – peut-on vraiment dire « aimés » ? – se sont quittés et ont tout fait pour oublier cette aventure qui leur a laissé un goût amer. Et les voilà coincés côte à côte. Personne n’est dupe. Ils savent que l’autre sait qui ils sont. Ils espèrent tour à tour qu’aucune parole ne sera échangée puis aimeraient rompre le silence mais à quoi cela servirait-il ? Pour se dire quoi ?

    Alternant les points de vue, l’auteur nous plonge dans l’intime. Peu à peu, leurs pensées nous livrent leur histoire présente et leur passé commun, nous reléguant au rang de voyeurs. Ces deux personnages m’ont rapidement intriguée et leur histoire m’a intéressée. Qu’avait-il bien pu se passer entre eux ? Découvrant au fil des pages leur personnalité, leurs souvenirs, leurs vies, je me suis attachée à eux. Je me suis surprise aussi, à me retrouver en eux. Les retours en arrière, la rancœur, les regrets, la colère, l’esprit de vengeance, la curiosité… tant de sentiments qui prennent corps sous nos yeux et nous plongent dans notre propre introspection. Que penserions-nous à leur place si… ? Que dirions-nous à un ex si… ?

    Un récit à la construction sans fausse note, cohérent et émouvant. Deux vies qui pourraient être les nôtres et nous plongent dans une réflexion sur nos actes manqués et nos propres cheminements.

    L'avis de Noukette.

     

     6H41, Jean-Philippe BLONDEL

     

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  • Mangez-moi, Agnès DESARTHEOuvrir un restaurant ? Quelle idée...
    C'est pourtant celle qui vient à l'esprit de Myriam, et qu'elle s'empresse de mettre à exécution. Les ennuis commencent car ce restaurant est aussi sa maison. Éviter la faillite, vivre en clandestine et garder le secret sur un itinéraire trop chaotique constituent l'exercice de jonglage auquel elle se livre chaque jour.
    Qui est Myriam ? Une collectionneuse de contradictions.
    Bannie de chez elle pour une faute inavouable, c'est une âme errante qui n'aspire qu'à la stabilité, une téméraire qui déteste qu'on la surprenne. Son problème, c'est le temps. Comment faire pour que l'avant et l'après coïncident à nouveau ? Que le passé cesse d'être douloureux et que l'avenir s'éclaire ?

    Mon avis :

    Quelle jolie parabole que ce récit !

    A travers la création d’un restaurant de quartier atypique, Myriam, qui a eu jusqu’ici une vie instable faite de fuites et de déceptions, va s’ancrer dans un lieu et se construire une identité, surmontant lentement la culpabilité qui la taraude. Pour la première fois, elle a enfin l’impression d’être elle-même. Elle se prend en main, plus ou moins bien, et décide de mener à bien son grand rêve : ouvrir un restaurant qui lui ressemble et faire du bien autour d’elle.

    Mais Myriam est une rêveuse un peu menteuse, et les réalités financières quotidiennes d’un commerce lui échappent. Heureusement, elle sera aidée par un ange, engagé chez elle comme serveur. Un autre utopiste mais plus au fait de la gestion d’entreprise. Entre eux se nouera une relation maternelle protectrice où Myriam retrouvera l’amour et l’affection qu’elle a si mal donné à son propre fils.

    L’histoire de ce roman c’est aussi, et surtout, une histoire d’amour avortée, autodestructrice, entre une mère et son fils. Un fils parfait, brillant, gentil comme toutes les mères en rêveraient mais pour lequel Myriam a éprouvé si peu d’amour. Sa clientèle va pallier ce manque, pour un temps. Elle est enfin reconnue, aimée et revit peu à peu. Elle comprend alors qu’il n’est pas besoin d’être parfait pour être aimé ou être aimable. Et une digue lâche enfin.

    Agnès Desarthe a su donner à son personnage le brin de folie et les fêlures  qui la rendent unique et intéressante. Ses pensées nous permettent de mieux appréhender sa personnalité et sa souffrance et au fil des pages, elle devient de plus en plus attachante. La langue est belle, drôle, sensuelle aussi

    Ce récit plein de saveurs nous relate finalement une quête initiatique originale où la tolérance et l’accueil de l’autre permettront à tous, et pas seulement à Myriam, de se construire une identité.

    Un petit coup de fraicheur et d’optimisme bienvenu en ces temps difficiles.

    Merci au club de lecture de nous avoir proposé cette lecture inattendue.

     

     

     Mangez-moi, Agnès DESARTHEMangez-moi, Agnès DESARTHE

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