• En un monde parfait, Laura KASISCHKEJiselle, la trentaine et toujours célibataire, croit vivre un véritable conte de fées lorsque Mark Dorn, un superbe pilote, veuf et père de trois enfants, la demande en mariage. Sa proposition paraît tellement inespérée qu'elle accepte aussitôt, abandonnant sa vie d'hôtesse de l'air pour celle, plus paisible croit-elle, de femme au foyer. C'est compter sans les absences répétées de Mark, les perpétuelles récriminations des enfants et la mystérieuse épidémie qui frappe les États-Unis, leur donnant des allures de pays en guerre. L'existence de Jiselle prend alors un tour dramatique...

      

    Mon avis :
     

    Je ne sais si tous les romans de Laura Kasischke sont aussi sombres car c’est ma première lecture de l’auteure mais celui-ci est loin d’être optimiste. 

    Jiselle, jeune femme libre et indépendante, avait rêvé sa vie, se voyant princesse au bras d’un prince charmant avec lequel elle vivrait heureuse. La réalité sera plus cruelle, faisant d’elle une marâtre, une sorcière avant peut-être de la métamorphoser en fée. Elle n’était pas préparée à traverser de telles épreuves mais elle trouvera néanmoins en elle l’énergie de se battre avec constance. L’auteure nous offre là un beau portrait de femme forte, défiant l’adversité, quand les hommes sont pleutres et égoïstes.

    Ce récit dystopique se lit tel un conte macabre sur la fin du monde. Mêlant la vie de Jiselle et le quotidien d’une Amérique déboussolée, il met en scène un désenchantement total et une remise en question de notre mode de vie. Le tout dans un futur bien plus proche qu’on ne le pense. Comme de nombreux romans du genre, il reflète un certain nombre des peurs de l’inconscient collectif face à l’évolution du monde. L’auteure y ajoute sa touche amenant le lecteur à se demander comment, dans un tel contexte d’effondrement économique, écologique et sanitaire, les valeurs familiales pourraient être préservées.

      

    Découpé en six tableaux, ce conte moderne fait allusion, tout au long de l’histoire, à ceux d’Andersen. Savamment cachés dans le décor, on déniche au fil des pages la pantoufle de Cendrillon, la petite Sirène, le vilain petit Canard ou encore Boucle d’Or comme autant de clins d’œil aux récits initiatiques de notre imaginaire enfantin. L’enfance, c’est ce qui sauve ce roman noir. L’enfant est la lueur dans un quotidien démoralisant, la bouée de sauvetage qui donne envie de lutter pour sortir de cette civilisation décadente, la seule raison de ne pas céder à la peur et à la panique. L’espoir d’une vie nouvelle quand tout semble perdu.

      

    Cette chronique familiale au parfum de fin du monde est subtilement écrite. Elle m’a permis de découvrir un auteur intéressant, au ton libre et percutant. Merci à Esmeraldae de m’avoir donné envie de lire cet auteur et à Estellecalim de me l’avoir offert.

      

    Une image m’a frappée :

    C’est la récession, même l’essentiel vient à manquer, mais Jiselle jette le contenu du frigo après une panne de courant de 24h !!!! Monde insensé de consommation irréfléchie !

     

    En un monde parfait, Laura KASISCHKE

     

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  • La Grande Vague, Véronique MASSENOT, Bruno PILORGETNaoki est arrivé nouveau-né un jour d'hiver et de grand vent, déposé par une vague géante sur le bateau de Taro. Depuis, sept années ont passé ; mais Naoki reste petit, tout petit. Doit-il, pour grandir, se tourner vers l'océan ?

     

    Mon avis :

     

    « La Grande Vague de Kanagawa » est une estampe japonaise très célèbre. Elle fait partie d’une série de 36 vues du Mont Fuji réalisée par l’artiste Hokusai. Ce dernier a modernisé le style de l’estampe en sortant de son atelier pour s’inspirer de la vraie vie et en utilisant ici le bleu de Prusse On dit de ce tableau peint en 1830 qu’il a fortement inspiré les Impressionnistes. Un exemplaire de cette estampe est exposé au Musée Guimet à Paris et un autre à Giverny.

     

    C’est ce tableau qui a inspiré Véronique Massenot. Il lui a soufflé un conte tendre rempli d’amour sur la naissance et l’adoption, conte qu’elle a dédié à son grand-père, céramiste amoureux du Japon. Inspiré de la vie même d’Hokusai, ce récit poétique et métaphorique nous dévoile quelques traditions du pays du Soleil Levant comme la Fête des Enfants, « Koï Nobori » qui se célèbre en mai.

    Bruno Pilorget l’a aidée à le mettre en forme par ses dessins délicats directement inspirés de l’art et des légendes japonaises.

     

    Cet album est paru aux éditions « L’élan vert », dans la collection « Pont des Arts » qui nous invite à plonger dans un chef d’œuvre du patrimoine mondial.

    Tout en lisant, laissez-vous bercer par « La Mer » de Claude Debussy, autre chef d’œuvre du patrimoine, inspiré par cette même estampe.

     

    Merci beaucoup à Itzamna qui m’a fait le grand plaisir de me l’envoyer lors du swap.

     

     

      

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  • Tom Cloudman est sans conteste le plus mauvais cascadeur du monde. Ses performances de voltige involontairement comiques le propulsent au sommet de la gloire. Jusqu'à ce qu'un médecin qui le soigne pour une énième fracture décèle chez lui une maladie incurable. Commence alors pour Tom un long séjour hospitalier pour tenter de venir à bout de ce qu'il appelle " la Betterave ". Lors d'une de ses déambulations nocturnes dans les couloirs de l'hôpital, cet homme qui a toujours rêvé de voler rencontre une étrange créature, mi-femme mi-oiseau, qui lui propose le pacte suivant : "Je peux vous transformer en oiseau, ce qui vous sauverait, mais cela ne sera pas sans conséquences. Pour déclencher votre métamorphose vous devrez faire l'amour avec moi. De cette union naîtra peut-être un enfant. Un risque à accepter."

     

    Mon avis :

     

    Il est des livres qui vous transportent et vous changent un peu. C’est le cas de celui-ci. J’ai été très touchée par ce conte pour adultes écrit avec brio par Mathias Malzieu que je découvre ici.

    J’ai sauté dans l’imaginaire de l’auteur avec délice, me laissant entrainer par la fantaisie d’Hématome Cloudman, ce cascadeur maladroit et burlesque. Je m’y suis attachée et j’ai été émue de le voir se débattre avec la maladie et puiser en lui la force de survivre.

     

    « Comment faire face à la mort ? » est la question principale qui émerge de cette histoire. Pour Tom, il s’agira de vivre pleinement une métamorphose assumée, Point d’orgue de sa trop brève existence, qui lui permettra de trouver la paix avec lui-même.

     

    Ce roman évoque un thème lourd avec une grande délicatesse et beaucoup de poésie. Il nous entraine dans un univers onirique où tout semble naturel malgré l’impitoyable course contre la montre qui ramène sans fin à la dure réalité.

    L’écriture, légère comme une plume, parachève ce moment magique trop vite passé.

     

     

     Métamorphose en bord de ciel, Mathias MALZIEU

     

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  • L'enfant aux cailloux, Sophie LOUBIEREElsa Préau est une retraitée bien ordinaire. De ces vieilles dames trop seules et qui s'ennuient tellement - surtout le dimanche - qu'elles finissent par observer ce qui se passe chez leurs voisins. Elsa, justement, connaît tout des habitudes de la famille qui vient de s'installer à côté de chez elle. Et très vite, elle est persuadée que quelque chose ne va pas. Les deux enfants ont beau être en parfaite santé, un autre petit garçon apparaît de temps en temps - triste, maigre, visiblement maltraité. Un enfant qui semble l'appeler à l'aide. Un enfant qui lui en rappelle un autre... Armée de son courage et de ses certitudes, Elsa n'a plus qu'une obsession : aider ce petit garçon qui n'apparaît ni dans le registre de l'école, ni dans le livret de famille des voisins. Mais que peut-elle contre les services sociaux et la police qui lui affirment que cet enfant n'existe pas ? Et qui est vraiment Elsa Préau ? Une dame âgée qui n'a plus toute sa tête ? Une grand-mère souffrant de solitude comme le croit son fils ? Ou une femme lucide qui saura croire à ce qu'elle voit ?

     

    Mon avis :

     

    Ce drame psychologique m’a tenté dès que j’en ai lu le résumé apéritif. Un zest de suspens, un soupçon de voyeurisme, une rondelle d’originalité, un trait d’histoire de famille… il avait tout pour me plaire. Et il m’a plu.

    Ce récit est tour à tour intimiste, dramatique, humoristique…

    Il dresse en tout cas, un beau portrait de femme, puisqu’il nous relate, par petites touches impressionnistes, la vie d’Elsa. Une femme forte, autrefois, en proie à la violence ordinaire, à la solitude, à ses petites manies, à la vieillesse et à la maladie. Sans aucun pathos, sans apitoiement, il parvient à émouvoir et à secouer le lecteur, installant crescendo un suspens qui fait froid dans le dos. Elsa est-elle folle ? A-t-elle des hallucinations ou est-elle simplement manipulatrice ? Obstinée, vieillissante et défaillante aussi, elle n’aura de cesse de convaincre son entourage qu’elle n’est pas sénile, qu’elle n’a rien inventé.

      

    Au fil des pages, on passe par toute une gamme de sentiments avant d’être retourné de manière magistrale par des rebondissements qu’on n’avait pas vu venir.

    Un roman noir, d’une grande tendresse et une écriture efficace qui tient en haleine jusqu’au bout.

     

      

     L'enfant aux cailloux, Sophie LOUBIEREL'enfant aux cailloux, Sophie LOUBIERE

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  • Les heures silencieuses, Gaëlle JOSSEA l'heure où mes jours se ternissent comme un miroir perd son tain, le besoin de m'alléger de ce qui m'encombre devient plus fort que tout. Je garde l'espoir, naïf peut-être, qu'un tel aveu sera comme l'amputation d'un membre inguérissable qui, pour douloureuse qu'elle soit, permet de sauver le reste du corps." Tout paraît à sa juste place dans la vie de Magdalena, épouse de Pieter Van Beyeren, administrateur de la Compagnie des Indes orientales à Delft. Rigoureuse, maîtresse d'elle-même, elle aurait pu succéder à son père. Mais le commerce est réservé aux hommes. Sa place est au foyer. Magdalena doit se limiter à cet espace intérieur, où elle a souhaité se faire représenter à son épinette, de dos. Un décor à secrets, que son journal intime dévoile.

     

    Mon avis :

     

    Un court roman, très court, qui raconte en mots choisis et dans un style irréprochable la vie d’une bourgeoise hollandaise au 17e siècle. Ecrivant son journal intime, Magdalena couche sur papier ses souvenirs d’enfance,  son mariage, sa vie de femme et de mère, ses secrets et ses aspirations.

    En quelques brefs chapitres, l’histoire prend de la profondeur et l'auteure nous joue une partition littéraire d'une noble élégance. Elle nous plonge dans l’atmosphère de Delft, au siècle d’Or, dans un milieu d’armateurs et de marchands et dresse un portrait de société où la femme n’a qu’un rôle subalterne, étant avant tout épouse et mère.

    Ses heures silencieuses sont matinales, celles où les enfants dorment encore dans la maisonnée, où la lumière est douce laissant espérer un jour neuf, plein de promesses. Alors Magdalena peut s’asseoir à son bureau et goûter au calme de l’introspection qui lui permet de faire le point sur sa vie de femme de 36 ans. Une vie presque au terme, déjà, où l’on sait que les belles années sont derrière soi…

      

    Inspiré du tableau d’Emmanuel de Witte, Intérieur avec une femme jouant de l’épinette (que l’on peut admirer à Montréal) ce roman délicat est une merveille de concision et de finesse. Une sorte de dentelle de Bruges. Tout est dit en peu de mots, et très bien dit.

     

    Merci à Anne qui m’a donné envie de lire ce roman. Vous pouvez retrouver son avis ici ainsi que celui de Chaplum et Noukette.

      

     Les heures silencieuses, Gaëlle JOSSELes heures silencieuses, Gaëlle JOSSE

     

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  • En avant les filles, Sandrine MIRZA et Isabelle MAROGERUn livre à partager entre mères et filles pour comprendre l'histoire des femmes et les enjeux du féminisme et inviter les adolescentes à devenir des femmes avec fierté, enthousiasme et ambition !

    Retrouvez des dossiers sur les grands moments qui ponctuent la vie des femmes ainsi que des portraits de grandes figures féminines.

     

    Mon avis :

     

    Voilà un ouvrage très intéressant où je puiserai des idées pour rédiger mes leçons de sciences humaines l’an prochain !

    Ce documentaire humaniste des Editions Nathan a pour volonté d’inviter les lectrices à « devenir des femmes, avec fierté, enthousiasme et ambition ». A travers de beaux portraits de femmes (Simone Veil, Frida Kahlo, Oum Kalthoum, Marie Curie…) et des thèmes comme le couple, la famille, les sciences, les arts, la politique… il provoque le débat et questionne le lecteur sur le rôle et la place de la femme dans notre société. N’est-il pas temps de la faire évoluer vers plus d’égalité ?

    40 portraits de femmes exceptionnelles nous sont présentés ici. J’avoue en avoir découvert certaines, telle Emmeline Pankhurst (1858-1928) qui fonda l’Union sociale et politique des femmes, en Angleterre et se bâtit (au propre comme au figuré) pour défendre le droit de vote des femmes. Elle fut aussi une des première à s’engager dans l’effort de guerre lors de la Première Guerre mondiale. Ou encore Wangari Muta (1940-2011) Kényane, médecin vétérinaire et professeur qui se mobilisa pour l’écologie et le féminisme, créant « La Ceinture verte », un mouvement qui incite les paysannes à reboiser leurs terres ravagées par la déforestation. A ce jour, son organisme a permis la plantation de 30 millions d’arbres sur le continent africain.

     

    Titulaire d’une maîtrise d’histoire, l’auteure Sandrine Mirza a collaboré avec Isabelle Maroger, illustratrice dans la publicité pour dynamiser la présentation. Mêlant histoire, économie, sociologie et psychologie, cet ouvrage présente de courts articles allant à l’essentiel. La mise en page est très visuelle, richement illustrée de superbes photos.

     

    De beaux portraits de femmes du monde, énergiques et innovantes, courageuses et déterminées qui ont fait bouger les choses et permis que nous vivions bien, ici et maintenant. Mais il reste encore tellement à faire.

      

     En avant les filles, Sandrine MIRZA et Isabelle MAROGER

     

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  • Délicieuses pourritures, Joyce Carol OATES1975. Gillian Brauer, 20 ans, brillante étudiante de troisième année, voudrait briller encore davantage aux yeux de André Harrow, son charismatique professeur de littérature, qui, cette année-là, a créé un atelier de poésie aussi recherché que sélectif. Fatigué des poèmes plus ou moins convenus qu'elles produisent, Harrow décide de faire écrire et lire en classe à ses élèves leur journal intime, n'octroyant ses compliments qu'aux confessions les plus osées, ce qui provoque surenchères et accidents parmi les élues. Car, on s'en doute, toutes ces demoiselles sont amoureuses de leur professeur qui en joue sans vergogne. Et Gillian est décidée à plaire autant que Harrow à séduire.

     

    Mon avis :

     

    J’ai dévoré les 125 pages de ce roman en une heure. Mais le sentiment de malaise qu’il m’a laissé perdure encore. Certes, nous sommes dans les années 70, permissives et libérées, dans une université américaine, mais a-t-on, avait-on le droit, en tant qu’enseignant de se comporter ainsi ? Se délecter des pages les plus noires ou les plus osées des journaux intimes de ses étudiantes est une perversion grave que l’administration n’aurait pas dû tolérer. J’ose croire que plus aucun jeune aujourd’hui ne tomberait dans le panneau.

    Et ceci, n’est qu’une petite partie de ce que ce séduisant professeur, jouant de son autorité et de son charme, inflige à ces jeunes élèves, en souffrance pour différentes raisons. Tel un père machiavélique, il fait régner la jalousie et l’envie entre les filles qui, pourtant, s’apprécient. Diviser pour mieux régner. Manipuler.

     

    Je remercie Estelle de m’avoir offert ce roman que je souhaitais lire depuis longtemps. Si le propos m’a bouleversée, je n’ai pas été déçue par ce récit dont l’écriture précise et la musicalité des phrases m’ont séduite. Oates a le don de créer une atmosphère en quelques phrases courtes, bien senties, et d’une froideur incroyable. Elle ne juge pas, elle décrit. La tension qui règne entre les filles, les non-dits, le jeu de la séduction qui s’installe créent un malaise que l’auteur a subtilement amené. C’est un roman court mais très dense dont on ne sort pas indemne.

      

     Délicieuses pourritures, Joyce Carol OATES

     

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