• Nos mères, Antoine WAUTERS

    Nos mères, Antoine WAUTERSDans un pays du Proche-Orient, un enfant et sa mère occupent une maison jaune juchée sur une colline. La guerre vient d’emporter le père. Mère et fils voudraient se blottir l’un contre l’autre, s’aimer et se le dire, mais tandis que l’une arpente la terrasse en ressassant ses souvenirs, l’autre, dans le grenier où elle a cru opportun de le cacher, se plonge dans des rêveries, des jeux et des divagations que lui permet seule la complicité amicale des mots.
    Soudain la guerre reprend. Commence alors pour Jean une nouvelle vie, dans un pays d’Europe où une autre mère l’attend, Sophie, convaincue de trouver en lui l’être de lumière qu’elle pourra choyer et qui l’aidera, pense-t-elle, à vaincre en retour ses propres fantômes.

    Mon avis :

    Il arrive que des prix littéraires mettent en lumière des romans à côté desquels nous serions passés. C’est le cas de ce premier roman d’Antoine Wauters. Sans le Prix Première, ce roman n’aurait sans doute pas été largement distribué et je n’aurais sans doute pas eu envie de le lire.

    Dans la première partie, nous découvrons Jean.
    Solitaire, Jean s’invente une vie dans le grenier où sa mère le cache, dans un Liban en guerre. Son imaginaire nourrit le silence de jeux, d’amis et de tendresse. Une tendresse qu’il voudrait offrir à sa mère, veuve, seule elle aussi, mais que la pudeur retient.
    Quand il arrive en Europe où il a été adopté, déboussolé, Jean met du temps à trouver sa place. D’autant que Sophie, sa mère adoptive célibataire, est fantasque et dépressive. Une nouvelle fois, il se réfugie dans l’imaginaire de ses silences. Peu à peu pourtant, Jean se reconstruit auprès de cette femme qui a besoin de lui autant qu’il a besoin d’elle et d’Alice, une jeune fille de son âge.
    Les images de l’enfance peuplent encore nos vies d’adultes. Les senteurs, les sensations, les saveurs restent à jamais en nous, souvenirs infimes et nostalgiques d’une autre vie. Pour Jean, ce sont les saveurs de la cuisine orientale qui agacent ses papilles et la musique de Verdi et de Bach qui emplit sa mémoire de douceur. Il y puisse la lumière et la chaleur qui lui manquent désormais.
    Alors peu à peu son silence se peuple de mots. Ceux qu’Alice et lui s’échangent, et ceux que monsieur D., son professeur de français, lui fait découvrir. Des mots qui résonnent en lui comme des évidences. Des mots qui lui ouvrent de nouvelles perspectives.
    Et c’est ainsi, qu’il raconte, dans la troisième partie, l’histoire de Sophie, l’aidant à affronter son enfance traumatisante.

    Si les mères de ce roman sont lasses, absentes, dépressives, les hommes sont inexistants ou d’une rare violence. Certains culpabilisent mais aucun ne parvient finalement à remplir son rôle de parents. C’est par bribes et à l’aide d’une grande force de caractère que cet enfant trouvera en chacun, de quoi nourrir son besoin de reconnaissance et d’amour. La narration oscille  d'ailleurs sans cesse entre ce besoin d'amour et celui de liberté, de dépendance et d'autonomie.

    Un livre d’une rare intensité que l’écriture hachée et poétique d’Antoine Wauters exalte encore. Une histoire puissante qui ne se donne pas sans combattre, tant la lecture en est parfois ardue. Une densité qui ne la rend que plus belle.

     

     

    Nos mères, Antoine WAUTERSNos mères, Antoine WAUTERS Belgique

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 9 Mars 2014 à 09:15
    Alex-Mot-à-Mots

    Un prix mérité.

    2
    Nathavh
    Dimanche 9 Mars 2014 à 09:33

    Je suis heureuse de ton ressenti et ce livre est en effet magnifique.  

    3
    Jacqueline H
    Dimanche 9 Mars 2014 à 11:33

    Une lecture que je tenterais bien .... :-)

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    4
    Dimanche 9 Mars 2014 à 11:34
    Anne (desmotsetdesno

    Je ne te lis qu'en diagonale, je le lis pour le 1e avril !

    5
    Dimanche 9 Mars 2014 à 21:07

    Très tentant !!! Je l'inscrit de ce pas dans ma wish-list.

    6
    DF
    Mardi 11 Mars 2014 à 22:51

    Merci pour cette participation au Défi Premier roman! Voilà un roman qui a l'air intéressant, mine de rien - j'aime bien lire des auteurs belges de temps à autre.

    7
    Mercredi 12 Mars 2014 à 12:52

    Tente le coup, tu verras il est très beau.

    8
    Mercredi 12 Mars 2014 à 23:45
    Noukette76

    Je note, je note !!

    9
    Mardi 1er Avril 2014 à 09:10
    ptitlapin

    Si Anne n'avais pas proposé de lire ce roman, je serais passée à côté d'un énorme coup de coeur. 

    10
    Mardi 1er Avril 2014 à 09:20

    Je pense aussi que, sans le prix Première, je n'aurais pas tenté l'aventure. Comme toi, j'ai beaucoup aimé.

    11
    Mardi 1er Avril 2014 à 15:18

    J'aime bien ta façon de raconter l'histoire, ta ré-appropriation qui met l'accent sur certaines choses à côté desquelles je suis passée : cette sorte de synesthésie qui traverse l'oeuvre, avec les odeurs, la musique, les couleurs... Comme tu le sais je ne partage pas le même enthousiasme que toi, mais tant mieux s'il t'a plu ; passer un bon moment de lecture est quand même le principal ! :)

    12
    Mardi 1er Avril 2014 à 17:06
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