• Une minute de silence, Siedfried LENZDans une petite ville de la Baltique bercée par le rythme incessant des vagues, Christian assiste à la minute de silence observée dans son lycée en mémoire de Stella Petersen, professeur d’anglais morte en mer. Stella fut le grand amour de Christian, un amour volé aux conventions qui régissent les relations entre professeurs et élèves.

     

    Mon avis :

     

    HirtsHafen, une petite ville de pêcheurs est en émoi. Une enseignante d’anglais, Stella Petersen, a péri en mer lors d’une tempête. Profs et élèves se recueillent. Parmi eux, un jeune homme plus affligé que les autres se souvient…

    Durant une minute de silence, Christian se remémore Stella, en classe, sur la plage, sur le bateau de son père, pêcheur de pierre, sur l’île aux Oiseaux… et revit les sentiments qu’il éprouvait pour elle. Avec elle, il a découvert ses premiers émois, vécu des balades romantiques au coucher du soleil, effleuré sa peau salée par les bains de mer… Il a vécu un amour d’été, interdit. Il a connu l’intensité de l’amour, le bonheur, la tristesse aussi et des sentiments doux-amers. Une vraie passion secrète, gravée à jamais dans son cœur et ses sens.

     

    Ce court roman intimiste à la construction particulière et au style soigné est un petit bijou de délicatesse et de subtilité. L’écriture est légère et poétique, les sentiments évoqués intenses et tragiques. L’auteur dépeint merveilleusement les couleurs, les parfums, le mouvement des vagues ou le vol des oiseaux ainsi que la complexité des liens qui unissent un adolescent naïf éperdu d’amour et une femme-enfant énigmatique.

     

    Ce roman initiatique, cette histoire d’amour impossible ou l’amour et le souvenir se mêlent, parlera à tous ceux qui aiment ou ont aimé.

     

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  • Les exfiltrés de Berlin, Harald GILBERSBerlin, 1947. Dans une capitale allemande divisée et affamée, le commissaire Oppenheimer est appelé sur le lieu d’un crime banal : un cambrioleur tué par le locataire de l’appartement dans lequel il est entré par effraction. Un cas d’autodéfense classique ? Oppenheimer en doute et découvre des zones troubles. 

     

    Mon avis :

     

    Deux morts suspectes en 48 heures mettent le commissaire Oppenheimer et ses adjoints sur les dents. Peu après, son collègue Billhardt disparait. Il enquêtait sur d’étranges documents retrouvés en possession d’un voleur. A Berlin, en 1947, l’atmosphère est lourde. Dans la ville comme au commissariat. Parmi les policiers, doivent cohabiter des ex-nazis repentis, des communistes ou encore, comme Oppenheimer, des juifs enrôlés par les SS puis réintégré à la Kripo. Il n’est pas facile de tourner la page d’autant qu’il semble que des taupes renseignent sur les actions policières, un réseau d’exfiltration des nazis vers l’Argentine de Péron.

    Au quotidien, rien n’est simple non plus. Les Berlinois sont soumis aux restrictions de toutes sortes : la ville est en ruine, par manque de logements salubres, les colocations sont la norme ; les tickets de rationnement ne donnent droit qu’à une nourriture de qualité médiocre et rare et les tensions politiques sont nombreuses entre Américains, Français, Anglais et Russes.

     

    Vous l’avez compris, ce roman se base sur des faits historiques avérés dans lequel personnages réels et de fiction se côtoient. Il décrit le contexte social, diplomatique et militaire de l’ancienne capitale du Reich. Les Allemands occupés, affamés et humiliés se débattent dans une situation géopolitique inextricable et le lecteur voit se dessiner la scission entre Est et Ouest qui amènera la construction du Mur.

    Je découvre Harald Gilbers avec « Les exfiltrés de Berlin ». C’est le 5e volet des aventures du commissaire Oppenheimer. Même si certains passages font appel aux enquêtes précédentes, ce tome peut se comprendre sans les avoir lues.

    J’ai apprécié que ce polar historique soit sérieusement documenté et ancré dans les débuts de la guerre froide, à l’heure où la chasse aux responsables du génocide perpétré par les nazis bat son plein. J’y ai retrouvé l’ambiance des romans de Philip Kerr mais Oppenheimer est bien plus lisse et sérieux que Bernie Gunther pour lequel j’ai une tendresse particulière.

    Un bon moment de lecture, un très bon roman, mais qui pour moi ne rivalise pas avec Kerr.

     

     

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  • Hong Kong, Révolutions de notre temps, Lun ZHANG, Adrien GOMBEAUD, ANGOEn juin 2016, les habitants de Hong Kong s’engagent dans une ultime bataille pour leur identité et leur liberté. Pendant ces jours et ces nuits de matraques et de gaz lacrymogène, un professeur se remémore le destin de la dernière colonie de la Couronne britannique, magnifique et insoumise, à l’orée du Delta des Perles.

     

    Mon avis :

     

    Au début du XIXe siècle, pour Pekin et la dernière dynastie Qing, Hong Kong n’est qu’un rocher négligeable très au sud. Pour Londres, cette ile représente un point d’ancrage précieux, une escale essentielle sur la route vers les richesses du Pacifique. En 1842, le traité de Nankin cède Hong Kong ad vitam à la Couronne britannique. L’île se développe alors et prospère. Mais en 1898, un autre contrat englobant Hong Kong sera signé pour 99 ans. La notion de « rétrocession » apparait alors.

    L’auteur nous raconte les dernières années de ce contrat. Lun Zhang est entré à Hong Kong en 1989, après les événements de Tiananmen et les menaces du régime à son encontre. Son roman graphique raconte les dernières années de liberté et de démocratie de l’île.

    Il nous raconte les étapes du retour vers la Chine après l’accord signé par Thatcher en 1984. Celui-ci prévoyait un régime spécial pour une durée de 50 ans afin que la transition se fasse en douceur. Hong Kong maintenait ainsi un régime politique et économique différent de la Chine. Mais peu à peu, le régime de Pékin rabote les libertés séculaires. Il impose ses hommes et femmes à la tête de diverses institutions, truque les élections… C’est sans compter sur les jeunes hongkongais qui veulent à tout prix rester libres et vont se mobiliser. Souvent au péril de leur vie.

     

    Cet ouvrage met en lumière les manœuvres chinoises pour asservir l’île et les troublions étudiants de Hong Kong. La première sera de vider Hong Kong d’une partie de ses travailleurs : Deng Xiaoping va convertir Pékin à l’économie de marché et créer en 1980, une manufacture à Shenzen qui sera suivie par 14 autres, lançant le « made in China ». Les ateliers de Hong Kong ferment alors les uns après les autres. Il y aura ensuite la chute de la monnaie thaïlandaise qui entrainera toute la région dans une chute vertigineuse où seule Pékin maintiendra sa croissance. Et aussi l’épidémie du SRAS qui infectera 8000 personnes et tuera près de 300 Hongkongais et ravagera l’économie.

     

    Cet album est passionnant d’un bout à l’autre et nous remet en mémoire des événements dont on a jadis pris connaissance puis que l’on a oubliés, un événement en chassant un autre. Il explique avec clarté les faits et les enjeux pour les uns et les autres. On sait que le combat est perdu d’avance.

    Le découpage des pages est original, passant de cases asymétriques à une pleine page. Les dessins, souvent sombres sont toujours précis et exceptionnels. On retrouve par moment des dessins inspirés des mangas, d’autres issus des techniques publicitaires, d’autres encore d’une facture plus classique.

    Un récit passionnant et à la portée de tous.

    Merci à Masse critique et aux éditions Delcourt pour cet envoi.

     

     

     

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  • Craig JOHNSON à Liège

    Ce mardi 6 juin, j’ai eu la chance de rencontrer le sympathique Craig Johnson à la librairie Livre aux Trésors, à Liège.  

    Cet auteur prolifique dont 16 romans ont été traduits et publiés chez Gallmeister est venu à l’écriture sur le tard. Son premier roman est sorti en 2004 alors qu’il avait un peu plus de 40 ans. Avant ça, il avait été enseignant, cowboy et chauffeur de camion. Comme ses auteurs favoris n’étaient pas « écrivain de profession », il s’est dit qu’il pouvait se lancer car à son âge, il avait vécu beaucoup de choses et avait de quoi nourrir ses histoires.

    Il a naturellement choisi le Wyoming pour situer ses histoires car il s’y était installé avec son épouse depuis plusieurs années et connaissait bien la région. Son héros, le shérif Longmire est vieillissant et souhaite passer la main. Dans son petit comté, il y a peu d‘habitants (578 000 habitants dans l’Etat) mais tous ont des choses à cacher ou à raconter.

    « Quand j’ai commencé à écrire, beaucoup de héros d’enquêtes policières étaient déprimés, alcooliques et issus de grandes villes. J’ai voulu éviter ces stéréotypes. Vu la taille du comté où je construisais mon ranch, j’ai d’abord envisagé combien de personnes je pouvais tuer. Cela m’a semblé assez pour un début. (rires). Dans le Wyoming, si un shérif était aussi doué que Longmire, il serait appelé dans tout l’Etat pour résoudre des call case. Je fais donc voyager Walt dans le passé et dans tout le Wyoming. Cela donne une vision plus profonde du personnage. »

    Walt Longmire et ses victimes ne sont pas des voisins de l’auteur. Si c’était le cas, tout le monde les reconnaitrait chez lui et ce n’est pas souhaitable.

    « Je suis attaché aux indiens Cheyennes qui sont mes voisins et avec lesquels j’ai de bonnes relations. Wyoming est un mot algonquin qui signifie « lieu de grande prairie » Je ne pouvais pas faire l’impasse sur eux, leurs coutumes, leur histoire… C’est une joie pour moi de penser qu’ils sont mes amis. Or, dans la littérature, il n’y a pas de peuple plus mal décrit que les Indiens. Pourtant, ils ont de l’humour, de l’ironie, une vie spirituelle riche et leurs croyances font partie d’eux-mêmes. Ce sont des êtres complexes qui méritent d’être connus.

    L’amitié entre Walt et Henry Standing Bear est emblématique de mes romans, comme le sont aussi leurs différences. Henry est très ancré dans ses croyances alors que, par son métier, Walt est pragmatique et objectif. C’est un flic et seuls les faits lui importent. Je ne veux pas emmener mes lecteurs à adhérer à la spiritualité Cheyenne mais j’aime jouer avec leur imaginaire, qu’ils s’interrogent, osent dépasser leurs préjugés. »

    La nature fait aussi intégralement partie des histoires que Craig Johnson nous raconte. Elle ne peut pas être absente vu que le Wyoming est situé dans les Grandes Plaines et qu’il est montagneux sur tout le reste de son territoire. De plus les saisons sont très tranchées, il y fait excessivement chaud ou très froid.

    « On me demande parfois si j’écris des polars ou des nature writing. Je ne crois pas aux genres. Ils ont été inventés pour faciliter la vie des libraires (rires). Quand on vit chez moi, on ne peut qu’être humble face à la beauté et aux dangers du monde sauvage qui nous entoure. Il détermine aussi le caractère des habitants, les façonne. C’est une richesse pour un écrivain. »


    Craig Johnson répond ensuite aux questions du public avec simplicité, humour et chaleur humaine. La rencontre qui devait durer une heure s’est prolongée une heure de plus pour le plus grand plaisir de tous.

    Merci à la librairie Livre aux Trésors, à la bibliothèque de la Bila et à Oliver Gallmeister qui a traduit ses propos durant ces deux heures.

    Si vous ne connaissez pas cet auteur, n’hésitez pas à le découvrir en commençant par Little Bird, son premier roman multi primé.

    Craig JOHNSON à LiègeCraig JOHNSON à LiègeCraig JOHNSON à LiègeCraig JOHNSON à Liège

     

     

     

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  • La bibliothèque des livres brûlés, Brianna LABUSKESTrois femmes. Trois villes. Trois destins qui s’entrecroisent.

    A Berlin en 1933, Althéa invitée comme écrivaine américaine aux origines allemandes voient Hitler s’approcher peu à peu de la chancellerie. Naïve, elle ne comprend pas vraiment les enjeux politiques et préfère jouir du cinéma, des soirées mondaines où elle est invitée par le Parti et de la douceur de vivre berlinoise. Jusqu’au jour où elle assiste à la destruction de milliers de livres « non allemands » dans un autodafé qui la glace.

    A Paris en 1936, Hannah qui a fui l’Allemagne et craint que les idées anti-juives ne la rattrape rejoint une bibliothèque allemande des livres brûlés où elle résiste en cachant des livres sauvés de la destruction.

    A New-York en 1944, Vivian qui a vu son mari mourir à la guerre, travaille dans une association qui envoie des livres aux soldats basés en Europe. Elle se bat contre la censure et la propagande du gouvernement qui contrôle les envois et interdit de nombreux titres jugés subversifs.

    Comme l’écrit Heinrich Heine en 1817, « Là où on brûle des livres, on brûlera bientôt des hommes ». Et on sait ce qui a succédé à ces premières destructions et pillage de bibliothèques.

     

    Basé sur des faits réels, ce roman aborde diverses thématiques liées à la guerre, à l’Histoire mais aussi à la société et au quotidien dans ces trois villes. Tolérance, liberté, exclusion, amour sont au cœur du roman. Les livres sont bien sûrs omniprésents. L’auteure en cite beaucoup, les remet en contexte et nous montre la force que la littérature peut avoir sur les êtres, surtout en ces temps perturbés et incertains.

    Les chapitres alternent époques et points de vue et tissent lentement les liens qui finiront par faire se croiser les héroïnes.

     

    Si je n’ai pas appris grand-chose sur l’époque et les faits évoqués car j’ai déjà beaucoup lu sur le sujet, j’ai apprécié les personnalités des trois héroïnes qui, chacune a sa façon, luttent contre les préjugés, les dangers et résistent à l’oppression. J’ai aussi gouté cette ode à la littérature qui est aussi une ode à la liberté.

    Une lecture agréable mais que j’aurais souhaitée plus fouillée, plus dense.

     

    Merci à Babelio et aux édition Harper Collins pour cet envoi.

     

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  • Docteur Strange, Charline LAMBERTDocteur Strange est le dernier venu dans la collection des Impressions Nouvelles.

    Célèbre neurochirurgien, le Docteur Stephen Strange est aussi cynique et égoïste, cherchant avant tout à s’enrichir. Victime d’un terrible accident de la route qui lui laisse des lésions irréversibles aux mains, il va dépenser toute sa fortune pour tenter de retrouver sa dextérité mais sans succès. Il va alors se laisser convaincre par une secte mystique et suivre son enseignement au travers d’un voyage dans le Multivers. Il apprend que les sorciers, dont il fait désormais partie, sauvegardent le monde des menaces spirituelles quand les Avengers le protègent des dangers physiques.

     

    Dans cet essai, Charline Lambert analyse de manière rigoureuse le personnage et son évolution. Après la perte de son statut social, il va devoir reconstruire son identité car son amour-propre en a pris un coup.

    Le chirurgien rationnel et arrogant va être confronté au paranormal ainsi qu’à des problématiques liées à la conscience, à la croyance et à la philosophie extrême-orientale. Le personnage va donc évoluer au fil de l’histoire, bousculé dans ses certitudes et ses convictions pour découvrir de nouveaux niveaux de perception. Il s’éloigne ainsi des clichés du super-héros traditionnel. Cet être, au préalable, orgueilleux et cynique, va voir sa transformation spirituelle lui permettre de collaborer avec d’autres héros (Thor…) pour combattre le mal.

    Charline Lambert met également le héros en perspective avec son époque de création et l’évolution de la société en abordant des questions comme l’usage de drogues, l’apprentissage de l’empathie et de la solidarité, l’ouverture à la spiritualité, aux philosophies orientales…

     

    Cet essai est d’une grande rigueur et d’une intelligence analytique qui montre l’érudition de l’auteure. Je ne suis pas sûre que la majorité des fans des héros Marvel liront cet ouvrage qui passe au crible le personnage du Docteur Strange mais il a le mérite de présenter ce héros sous des angles très intéressants.

    Merci aux Impressions Nouvelles pour cet envoi.

     

     

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  • Hypericon, Manuele FIORLa vie de Teresa a toujours été une ligne droite large et confortable. Une autoroute qui l’a conduite à atteindre ponctuellement tous les objectifs qu’elle s’était fixés. Et ce n’est pas un hasard si elle a été choisie comme assistante scientifique pour l’installation de la grande exposition du trésor de Toutankhamon à Berlin. La ligne droite en revanche, est totalement absente de la géométrie très personnelle de Ruben, jeune et velléitaire artiste italien. Pour lui, Berlin à la fin des années 90 est un immense terrain de jeu.

     

    Mon avis :

     

    Nous sommes à la fin du XXe siècle. Etudiante, Teresa quitte son Italie natale pour réaliser un séjour Eramus à Berlin. Son travail consistera à participer à la mise en place d’une exposition sur la découverte du tombeau de Toutankhamon. Passionnée par les langues mortes, l’Egypte et l’archéologie, elle y voit une opportunité incroyable. Mais le hasard la mettra sur la route du mystérieux et fantasque Ruben et son séjour prendra un tour inattendu.

    Souffrant d’insomnie chronique, Teresa dévore le journal d’Howard Carter pour trouver le sommeil. Elle se verra conseiller le millepertuis par son désinvolte ami, cette plante qui chasse les démons selon les croyances de l’Egypte ancienne. Hypericon en latin.

     

    Cet album qui alterne extraits du journal de bord de Carter et quotidien de Teresa et Ruben est une réussite. Manuele Fior sait rendre ses personnages attachants et conjuguer avec subtilité l’Histoire (1922) et le présent (1998). L’intrigue est parfaitement construite et tisse un fil conducteur autour des vertus des fleurs de millepertuis.

    L’écriture d’une grande finesse est d’une réelle sensibilité et les traits délicats sont un plus non négligeable. Les passages historiques sont illustrés par des aquarelles magnifiques, tout en douceur. Les couleurs choisies, les attitudes, les situations et l’atmosphère qui s’en dégage… tout est réuni pour un réel plaisir de lecture.

     

     

     

     

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