• Les Pas perdus du Paradis, Catherine DESCHEPPERNathan a seize ans. Un cerveau un peu trop encombrant, des amis triés sur le volet, des parents qui se disputent tout le temps, une grand-mère un peu dingue et une amoureuse qui a fui l’Erythrée.

    Nathan a seize ans et son univers s’écroule, un soir de pluie (les drames arrivent toujours les soirs de pluie), quand il apprend tout à la fois que Saïma a décidé de partir en « Youké » et que les fantaisies de sa grand-mère vont la condamner à la séniorie. L’une n’a plus d’endroit où loger, l’autre ne peut plus vivre seule dans sa petite maison de la rue du Paradis. La solution semble toute trouvée... 

     

    Mon avis :

     

    Catherine Deschepper nous propose ici son premier roman paru aux éditions de Beauvilliers. C’est un jeune nom de la littérature belge mais peut-être l’avez-vous lue chez Quadrature où elle a publié deux recueils de nouvelles dont « Bruxelles à contrejour » illustrées par de jolies photos de Martine Henry.

     

    « Les Pas perdus du Paradis » est un roman jeunesse qui vaut vraiment la peine d’être découvert. La couverture n’est pas très attirante pour un lecteur adolescent. Mais je suis sûre que son contenu le sera : un premier amour contrarié, des amis sur qui on peut compter ainsi qu'un plaidoyer pour une meilleure prise en charge des migrants et une mise en lumière des affres de la maladie d’Alzheimer. Le récit raconte un an de la vie de Nathan, Saïma, Mamynou et leur entourage. Un an qui va bouleverser chacun : faire grandir les ados et aider à vivre les adultes.

    Dans la littérature jeunesse, ce sont des thèmes déjà abordés mais l’angle de l’auteure est ici très différent. Elle ne nous parle pas seulement des migrants ou de la maladie d’Alzheimer mais met les deux en lien avec d’autres et décrit les interactions, les influences des situations des uns sur la vie des autres. Et le titre prend alors un autre sens.

     

    J’ai aimé les portraits croisés des protagonistes de l’histoire et les émotions multiples qui se nouent entre eux. Le ton est juste d’un bout à l’autre, les réactions vraies et le rythme dynamique. Trois qualités essentielles pour un roman jeunesse, selon moi. Faire rire et sourire avec des thèmes aussi durs n’est pas évident mais Catherine Deschepper y parvient avec subtilité. La structure du récit épouse les saisons tout en créant des liens entre elles et les sentiments de chacun, les unes influençant les autres. La plume de l’auteure est vive et alerte, teintée d’humour et la description des ambiances et des personnages est le fruit d’une observation très fine.

     

    Pour les enseignants, j’ajouterai que ce roman ne compte que 167 pages et qu’il se lit aisément. Il est abordable dès la 3e selon moi, les élèves ayant l’âge des jeunes héros du récit. Les exploitations possibles de l’œuvre sont nombreuses et une venue de l’auteure en classe devrait être possible en Belgique (mais je m’avance un peu).

     

    Bref, je ne peux que vous conseiller ce roman intelligent, tendre et vrai.

     

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  • La chanson perdue de Lola Pearl, Davide CALI & Ronan BADELJe m‘appelle Edward, mais vous pouvez m’appeler Eddy. En rendant service à mon pote détective privé, je me suis retrouvé dans une drôle d’affaire : découvrir le vrai nom d’une certaine Lola Pearl. J’ai cinq jours et quelques adresses en poche, mais tout baigne dans le brouillard. Qui est vraiment Lola Pearl ?

     

    Mon avis :

     

    Davide Cali est décidément un génial touche à touche. Plus je découvre son œuvre, plus je suis enchantée par son talent et la diversité de celui-ci. Après « Cours ! » et « Où finit le monde ? », je découvre ce magnifique récit « La chanson perdue de Lola Pearl ».

     

    Edward, ou Eddy, est pigiste dans un journal local. Un jour qu’il tient le secrétariat d’un ami détective, un mystérieux message est glissé sous la porte. Une dame donne rendez-vous au détective au café d’en face. Eddy s’y rend et décide de répondre à la demande de la cliente : retrouver quelqu’un qui se souvient de Lola Pearl et de son nom.

     

    A partir des tableaux d’Edward Hopper, Davide Cali imagine toute une histoire au cœur du New York des années 50. Histoire l’emmenant sur les traces de cette ex-chanteuse dont plusieurs personnes se souviennent mais dont aucune n’a gardé de traces. De chambre d’hôtel, en phare sur la côte, en passant par des restaurants et des villes de banlieues, il retrace le parcours de Lola. L’histoire a un côté polar qui rappelle les écrits de Chandler et les films de cette époque. On s’attend presque à voir surgir Humphrey Bogart au détour d’un dessin.

    Pour lier plus intimement l’histoire et les tableaux, Ronan Badel illustre les pages en mettant en exergue des détails tirés des tableaux d’Hopper. Dans le style de l’artiste, il crayonne une tasse, un escalier, des rails de train… et donne vie au récit de Cali.

     

    La collection Pont des Arts a eu une idée originale d’aborder l’art par le biais de la fiction et cela fonctionne très bien ici car l’histoire et l’œuvre de Hopper s’épousent parfaitement, au point que l’on ne sait plus qui a inspiré qui.

    A la fin de l’ouvrage, présenté sous la forme d’un carnet de croquis, quelques pages nous présentent l’artiste et son œuvre ainsi que la genèse du récit.

     

    Un très bel ouvrage à glisser sous le sapin et qui ravira petits et grands.

     

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  • Où finit le monde ? Davide CALI & Maria DEKEt si le monde finissait au bout de cette prairie ?

    Ou bien après cette forêt ?

    Zip, Trik et Flip sont bien décidés à le découvrir, et en plus, ils ont fait le plein de cacahuètes pour le voyage !

     

    Mon avis :

     

    Après avoir découvert Davide Cali avec le magnifique album « Cours ! », je l’ai retrouvé avec plaisir grâce à Masse critique de Babelio. Cette fois, il est au scénario, en duo avec Maria Dek l’illustratrice.

     

    Cet album, à découvrir dès 4 ans, renferme une histoire pleine d’aventures vécues par trois amis. Un jour de vacances comme les autres, Zip s’interroge sur la destination des nuages et sur les limites du monde. Ni une ni deux, les amis s’en vont sur les chemins à la recherche de la fin du monde. Ils vont quitter la ville, traverser la campagne, un lac, gravir des montagnes, braver la forêt, rencontrer des gens qui vont les aider ou les traiter de fous et toujours marcher tout droit, sans se décourager.

     

    Pleine d’humour, cette histoire met en évidence l’amitié qui unit ces trois amis au point de vivre une aventure extraordinaire. Le texte est simple mais le vocabulaire soutenu prend les enfants au sérieux. Poétique, il tente de répondre avec humour à une question que se pose chaque enfant.

    Les dessins séduiront les petits par leurs couleurs vives, la simplicité des formes et les détails à observer sur chaque page, dans chaque endroit traversé. Mêlant réalisme et fantaisie, Maria Dek présente un univers naïf et drôle où la couleur à la part belle. A la fin de l’ouvrage, une carte reprend le chemin parcouru et il y a fort à parier que les enfants le suivront du doigt en se rappelant les lieux par où les trois amis sont passés.

     

    Un bel album, à offrir aux petits, en cette fin d’année.

     

     

     

     

     

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  • Les fantastiques livres volants de Morris Lessmore, Wiliam JOYCEMorris Lessmore Aimait les mots. Les histoires. Les livres.

    Mais quelle histoire ne connait un jour ou l’autre des bouleversements ?

     

     

     

    Mon avis : 

     

    Quelle poésie dans cet album et cette histoire qui parle si merveilleusement de livres !

    Un album jeunesse comme je les aime : intelligent, beau, tendre et permettant à l’imagination des jeunes lecteurs de s’exercer.

     

    Morris Lessmore est amoureux des livres. Il passe ses journées entouré de ses ouvrages et consigne ses découvertes dans un journal. Un jour, une tornade balaie tout sur son passage, même les mots des pages. Cette catastrophe va être un tournant dans sa vie. Morris Lessmore s’en va, emportant sa canne, son chapeau de paille et son livre. Il erre sans but jusqu’à ce qu’il rencontre des livres volants qui vont le guider jusqu’à une bibliothèque où les livres sont vivants. Il s’y installera et s’adonnera à sa passion : la lecture.

    L’auteur qui est aussi l’illustrateur joue sur les couleurs et sur le noir et blanc pour passer de la tristesse à la joie. Morris devient bibliothécaire et rend de la couleur aux personnes en leur prêtant un livre qui leur ressemble et va les transformer.

     

    Vous l’aurez compris, cet album parle de plaisir de lire, de découverte, d’amour des livres et de transmission.

    L’histoire est linéaire et se déroule sur plusieurs années. Le vocabulaire est soutenu et la syntaxe soignée. Si j’étais institutrice, j’aborderais cet album dès la 3e primaire et jusqu’en 6e. Plusieurs manières de l’aborder étant possibles.

     

    Cet album m’a beaucoup touchée tant il est enchanteur et attendrissant. De nombreuses références littéraires et cinématographiques se glissent dans l’histoire et les illustrations et le côté années 50 de ces dernières crée une atmosphère magique qui m’a beaucoup plu.

    Un livre à donner à tous les enfants car la force des livres, c’est d’être lus.


    Il existe aussi un court métrage racontant cette belle histoire. C'est ici.

     

     

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  • Rumeurs, tu meurs, Frank ANDRIATUn baiser et tout s’emballe. Alice devient la cible de Lena… qui était sa meilleure amie. Les moqueries, les mensonges, les insultes pleuvent sur son téléphone.
    Elle ne peut rien contre la haine qui répand ses métastases sur les réseaux sociaux, partout dans sa vie. Tous ces inconnus semblent si bien la connaitre et clament au monde combien elle est nulle.

    Quelle est l’issue ?

     

    Mon avis :

     

    Emportée par la rentrée scolaire, j’ai oublié de vous parler de ce roman que j’ai dévoré fin septembre grâce aux éditions Mijade.

    Frank Andriat y aborde sans détour la problématique du harcèlement via les réseaux sociaux et s’ancre dans la réalité des ados d’aujourd’hui.

     

    Quel enseignant n’a pas connu au moins une fois dans ses classes, un cas semblable ? Même si les adultes sont souvent les derniers au courant, on ne peut nier que cela se produit et on en perçoit toujours des bribes à un moment ou à un autre.

    Quel étudiant n’a pas eu connaissance, pire, participé comme acteur ou témoin, à un dénigrement de ce genre ?

    Dire le contraire serait mentir.

     

    Et la force de ce roman est bien là. Tout le monde peut s’identifier aux personnages, que ce soit celui d’Alice, la victime ou de tous ceux qui gravitent autour d’elle.

    Frank Andriat parvient à démonter l’engrenage dans lequel la victime est prise, oscillant sans cesse entre la révolte, l’abattement, la colère et la honte. Les harceleurs sont très forts pour se victimiser et faire passer Alice pour la pire fille du monde. Et les réseaux sociaux amplifient rapidement les faits puisque ceux-ci sont relayés de jeune en jeune et dépassent rapidement l’enceinte du collège.

    Alice va alors s’isoler de tous et même si en elle une petite voix lui dit qu’elle a tort, elle refuse d’en parler à des adultes qui pourraient l’aider. Elle a trop honte. Heureusement, Chloé une fille de sa classe va lui vouer un soutien indéfectible et inattendu. Il faudra ensuite toute la bienveillance et la délicatesse d’une adulte attentive pour parvenir à ce qu’Alice s’ouvre un peu. Mais ne sera-t-il pas trop tard ?

     

    Frank Andriat a imaginé ce roman à la demande d’élèves rencontrés. Son but était de pouvoir lancer des débats en classe pour permettre à chacun de mettre des mots sur des souffrances, des blessures et prévenir autant que possible ce genre de phénomène.

    Ce roman est à mettre entre toutes les mains, celles des profs comme celles des élèves car il est le reflet d’une réalité crue et dure. Frank Andriat est d’ailleurs direct dans son écriture et son récit. Il ne s’encombre pas de détails stylistiques. Il raconte à la 1e personne, du point de vue d’Alice, les événements tels qu’ils arrivent.

    Un roman qui, comme d’autres, dénonce un phénomène inquiétant. A lire absolument.

     

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  • Mo, Julia BILLET & Simon BAILLYMo est un chouette gardien. Il gère les petits tracas du quotidien avec générosité et parfois même avec poésie. Mais Mo a un secret. Un lourd secret.

     

    Mon avis :

     

    Dans le quartier tout le monde connait Mo. C’est le gardien des immeubles et homme à tout à faire. Il délivre les colis qui arrivent dans sa loge, garde immeubles et extérieurs propres et accueillants, a réalisé un espace partagé entre deux bâtiments où jeux et potager se côtoient… Il est plein de qualités et de savoir-faire et tout le monde l’apprécie et le respecte, Mo, si gentil et discret.

    Et pourtant, Mo a un secret qui risque de lui coûter sa place. Heureusement, Monsieur Kassar est là. Attentif, il a compris pourquoi Mo ne répond pas à ses mails et laisse s’accumuler le courrier. Il décide de lui venir en aide.

     

    J’ai vraiment trouvé cet album tout bleu très touchant. Fort en émotions et optimiste, il met en lumière un homme simple et ordinaire, un homme de l’ombre. Dans des tons pastel, des doubles pages sans mot (avec T) où l’on prend plaisir à chercher Mo (sans T) on découvre son univers quotidien.

    J’ai aimé l’histoire tout en délicatesse et tendresse où l’implicite a la part belle. Car le secret de Mo, on le découvre petit à petit.

    J’ai apprécié la plume de Julia Billet et notamment la fin de l’histoire où Mo trouve enfin les mots pour parler de lui à Mr Kassar, ainsi que l’univers graphique original de Simon Bailly qui nous présente Mo à sa manière. Au fil des pages, on aperçoit ou on devine des lettres : sur un mur, dans le potager, une pile de courrier… et l’histoire se fait jour peu à peu.

     

    Une histoire de solidarité, de partage et d’optimiste qui fait du bien. Un album très réussi, à tous points de vue.

     

     Mo, Julia BILLET & Simon BAILLY

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  • Te souviens-tu de Wei ? Gwenaëlle ABOLIVIER & ZAULa Première Guerre mondiale a requis des forces nombreuses et diverses. 140 000 travailleurs chinois ont ainsi pris part à l’effort de guerre entre 1916 et 1918 en France, où quelques milliers d’entre eux s’installeront pour une vie qu’ils n’avaient pas imaginée.

    Wei, est l’histoire d’un travailleur chinois de la Grande Guerre.

     

    Mon avis :

     

    Gwenaëlle Abolivier et l’illustrateur Zaü nous plongent ici dans un album souvenir qui célèbre les 100 ans de la Première Guerre mondiale. Paru en 2016 au éditions Hongfei, cet album nous raconte un fait peu connu, celui de la participation au conflit de 140 000 Chinois, venus en Europe pour échapper à une vie dure et pénible et entrés dans une guerre qui n’était pas la leur. Souvent illettrés, ces jeunes gens partaient confiants, espérant devenir riches. Au lieu de ça, après un périple de trois mois en mer, ils durent creuser les tranchées et enlever les corps des champs de bataille. Le dossier informatif qui clos la BD nous apprend qu’une partie était sous commandement britannique et le reste sous l’autorité française.

     

    J’ai aimé cet album sobre écrit en rimes qui nous confie l’histoire vraie de Wei, à peine âgé de 20 ans. Dès le départ, le titre interpelle les jeunes lecteurs. Qui est ce Wei dont on devrait se souvenir alors qu’on n’en a jamais entendu parler ? L’enfant est d’emblée sensibilisé au récit. L’histoire est émouvante tant les jeunes étaient naïfs et inconscients des conditions de vie effroyables qui les attendaient. Déraciné, ne parlant pas la langue, loin des siens, Wei va survivre et fonder une famille en France. Il fera partie de la première immigration chinoise. L’album invite les jeunes à comprendre les liens qui nous lient aujourd’hui, tant au niveau historique que géographique, à ces générations d’hier.

     

    J’ai aussi apprécié les dessins en double page de Zaü qui accentuent l’émotion perçue par ces vies gâchées et le sort réservé à ces jeunes gens. On y trouve également beaucoup de dignité.

     

    Plus de 20 000 jeunes Chinois sont morts dans ces combats et le cimetière de Nolette, en Baie de Somme, a accueilli leurs dépouilles. On estime à deux mille ceux qui sont restés en France après la guerre, avec un contrat d’embauche dans les mines ou l’industrie automobile. D’autres s’installèrent à Paris.

     

    Pour les enseignants, on pourrait demander aux enfants d'écrire l'histoire d'une autre personne dont la vie mériterait qu'on s'en souvienne. Une personne connue ou inconnue ayant participé à une événement dramatique (les attentats du 11 septembre, le voyage du Titanic, une traversée de la Méditerranée sur un bateau d'immigrants...) ou simplement la vie d'un grand-père.

     

    Te souviens-tu de Wei ? Gwenaëlle ABOLIVIER & ZAU

     

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