• Traité des peaux, Catherine HARTON

    Traité des peaux, Catherine HARTONDans des forêts où les ancêtres appellent la poudrerie le souffle de la mort, un joaillière fabrique des bijoux avec des plumes d’oiseaux, un homme de 54 ans correspond avec celui qui a envoyé un message dans une bouteille jetée à la mer, un autre attend que l’orage éclate pour ouvrir la bouche et le boire en entier. La nature ouvre ses branches, dans ce livre, où l’on demande et propose le pardon. Le Traité des peaux est rempli de talismans qui viennent de la terre. Ses paysages nous montrent que nous sommes un peuple nordique et que nous ne sommes pas seuls au monde. Nous habitons des lieux peuplés de reliques, où un seul mouvement brusque peut faire migrer toute une colonie.

    Mon avis :

    Groenland, Nunavik, Québec. Trois régions où tentent de survivre les Premières Nations.
    Ce recueil de nouvelles nous conte la vie de ces autochtones qui s’accrochent désespérément à leur passé, leurs traditions. Se battre contre la nature, ils savaient faire, ils en avaient l’habitude. Mais se battre contre l’administration, contre les Blancs au pouvoir, ils ne savent pas.
    Comment continuer à vivre de la pêche ou de la tannerie des peaux dans cet univers mondialisé ? Comment s’alimenter et se vêtir comme on l’a toujours fait quand les lois universelles fixent des quotas de pêche, des interdictions de tuer les phoques pourtant en surnombre ? Comment vivre de manière ancestrale quand les lois des Blancs de la ville obligent les propriétaires de chiens (de chasse ou de traineaux) à les attacher sous peine d’être abattus ? Comment survivre simplement dans des régions dépourvues de tout service ?

    Avec des descriptions aussi fortes que simples, Catherine Harton nous plonge en immersion totale dans ces milieux en mutation et nous dépeint des paysages grandioses où la rudesse du climat n’a d’égal que celle des hommes. Quelle poésie et quelle force dans ces descriptions ! Chaque élément semble posséder une âme. Etre à la fois source de vie et vecteur de mort. Quelle émotion dans ces tableaux du quotidien !

    Déterminé, battant, rêveur... chaque homme dont elle nous parle est une allégorie. Une lutte permanente contre la nature qui peut se montrer si hostile et une lutte inégale contre le pillage des ressources. Et par là même contre leur anéantissement. Ces peuples en pleine mutation forcée ont-ils une chance de survivre aux « progrès » de la civilisation ? Peuvent-ils s’adapter sans y perdre leur âme ?

    Telle une fable, ce recueil nous dépeint le quotidien des Nations Autochtones. La plume poétique de l’auteur joue sur l’exotisme de ces contrées en sublimant la nature dans ce qu’elle a de plus beau. Images de rêve qui nourrissent nos fantasmes de pureté quand aucun touriste ne s’aventure là-bas.

    Un bel hommage pudique et poétique à tous ces hommes et ces femmes des Premières Nations ; à leurs rêves, leurs espoirs, leurs désillusions. Une indignation digne pour ces gens qu’on a forcé à changer de vie alors qu’ils ne dérangeaient personne en vivant en harmonie avec la nature.

    Ce roman était finaliste des Prix littéraires du gouverneur général en 2015. Merci à Billy d’avoir pensé qu’il me plairait.

      
     

    Pavia aime entendre souffler le vent, le sentir se frayer un passage à travers les lattes de bois, le cadrage des fenêtres ; il aime son hurlement, sa longue plainte, sa dramaturgie. Il aime sentir la nature gronder, elle rappelle les gens à l’ordre, impose sa force.

    La nature ouvre ses branchies, son ventre : les magnifiques grappes de verdure, l’apparition des collets, les fontes promises, quelques pousses sèches et un reflet argenté sur l’eau. L’odeur des lieux monte à la tête, trop de parfums doux et incisifs à la fois, le sel, la marée montante, le corps réparé. La température a monté en flèche, quinze degrés. Le soleil accapare chaque pli d’humanité, les glaciers luisent ; c’est un spectacle rare.

    Après une heure, Leena est frigorifiée, elle chiale, sa mère lui demande de patienter encore quelques instants. Puis, elle aperçoit une nageoire dorsale, de la vapeur qui sort d’un évent au ralenti, les baleines s’étirent au soleil, majestueuses, elles font gronder la mer. Leena s’imprègne de chacune des images, l’eau salée et le balancement du bateau amendent la magnificence du moment. Elle s’agrippe à une des poignées, pas de doute ce bateau est un signe de liberté

     

     Traité des peaux, Catherine HARTON

     

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 14 Février 2016 à 00:38

    Mention pour la très jolie couverture d'Anne Siems.

    2
    Dimanche 14 Février 2016 à 15:21

    Merci pour ces belles lectures inconnues que tu nous permets de découvrir. Avec toi, on voyage aux quatre coins du monde. Je le note en espérant le trouver un jour en bibliothèque ou librairie.

    3
    Dimanche 14 Février 2016 à 17:21

    Il m'était passé sous le nez, celui-là. Ton billet tentateur va remédier à ça!

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