• Kuessipan, Naomi FONTAINE

    Kuessipan, Naomi FONTAINEJ'aimerais que vous la connaissiez, la fille au ventre rond.
    Celle qui élèvera seule ses enfants. Qui criera après son copain qui l'aura trompée. Qui pleurera seule dans son salon, qui changera des couches toute sa vie. Qui cherchera à travailler à l'âge de trente ans, qui finira son secondaire à trente-cinq, qui commencera à vivre trop tard, qui mourra trop tôt, complètement épuisée et insatisfaite. Bien sûr que j'ai menti, que j'ai mis un voile blanc sur ce qui est sale.

     

    Mon avis :

     

    Dans la réserve innue de Uashat, les femmes sont mères à quinze ans, veuve et grands-mères à trente. Elles se battent pour l’avenir de leur peuple, celui de leurs enfants qu’elles cherchent à préserver de l’alcool, de la drogue et de la violence qu’ils engendrent. Entre traditions et modernité, elles construisent leur identité, leur culture.

    Si vous n’avez jamais lu de récit autochtone, lisez plutôt « Manikanetish » du même auteur. Ne commencez pas par celui-ci car ce n’est pas une histoire classique et linéaire. Le contexte est absent et ne permet pas à un novice d’entrer aisément dans le livre. Quatre parties rythment l’histoire « Nomade », « Uashat », « Nutshmit » et « Nikuss ». Les personnages n’ont pas de noms, ce sont plutôt des ombres, des souvenirs : une mère, une sœur, une amie… Kuessipan signifie « à toi » en innu ou « à ton tour ». Un toi non identifié et donc universel. Le lecteur se retrouve dans la tête de la narratrice, dans ses pensées et ses ressentis et s’immerge dans la vie de la tribu innue et de ceux qui la composent : pêcheurs, chasseurs, hommes, femmes, enfants…

     

    Auteure innue de Uashat, Naomi Fontaine connait l’importance des racines, des histoires ancestrales, la valeur de la terre et la nécessité de transmettre pour ne pas oublier. Dans ce récit, elle nous parle des femmes autochtones, de leur quotidien et de leurs espoirs. Elle évoque leur vie, leurs émotions, leurs croyances, leurs craintes et le respect qu’elles ont de la nature. Entre fidélité au passé et aux traditions et envie d’aller de l’avant dans un pays qui ne leur fait pas de cadeau, elles portent leur tribu à bout de bras.

     

    L’écriture est simple et poétique et l’attachement de Naomi Fontaine à ses racines se ressent tout au long des pages. Les observations sont âpres, dures, la nature austère et ce sont autant de tableaux qui nous sont offerts en courts chapitres.

    Mais ce récit se mérite ; on n’y rentre pas facilement. L’auteure suggère plus qu’elle ne dit. C’est une invitation à toucher du doigt une réalité qu’elle hésite à confier. Elle interroge aussi le lien entre le français, langue des colons et la langue innue, langue des ancêtres. Elles entrent en dialogue au long du récit.

     

    Kuessipan est le premier roman de l’auteure. Elle avait 23 ans lors de sa parution chez Mémoire d’encrier. Un premier roman fort qu’il vous faudra découvrir si vous aimez les auteurs autochtones.

     

     Kuessipan, Naomi FONTAINE4
    Roman d'un auteur autochtone

     

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 11 Novembre 2020 à 20:13
    gambadou

    Alors je commencerai plutôt par Manikanetish

      • Samedi 14 Novembre 2020 à 00:14

        Oui c'est mieux. 
        As-tu vu que tu as gagné et que j'ai besoin de ton adresse ?

    2
    Jeudi 12 Novembre 2020 à 11:36
    Anne

    J'ai commencé par celui-ci parce que, quand j'en ai eu connaissance, c'était le premier roman de l'auteure et que la rencontre avec celle-ci était particulièrement touchante. On peut commencer par ce roman pour la découvrir, si, si, même si c'est dur, c'est une plongée dans les difficultés, la misère vécue par les autochtones mais aussi une forme d'espoir portée par les nouvelles générations.

      • Samedi 14 Novembre 2020 à 00:18

        Ce n'est pas tellement la misère dont je parlais mais le livre n'explique pas clairement la situation des autochtones et leurs relations avec le Canada. La difficulté vient du fait qu'il faut lire entre les lignes.

    3
    Jeudi 12 Novembre 2020 à 17:00
    yueyin

    C'était mon premier de l'autrice, effectivement la forme est atypique mais je l'avais lu (je te le disais quelque part) comme un recueil de poèmes et du coup ça fonctionnait magnifiquement :-)

      • Samedi 14 Novembre 2020 à 00:20

        Oui effectivement c'est un livre très poétique.

    4
    Vendredi 13 Novembre 2020 à 23:24
    isallysun

    oh, je verrai pour celui-là alors! Et j'en comprends que c'est plus lire pour la plume ici? 

      • Samedi 14 Novembre 2020 à 00:24

        L'écriture est belle. Mais si on n'a jamais lu de livre sur le quotidien des autochtones, les réserves, les difficultés... on ne comprend pas tout. Mon mari l'a lu et n'a pas capté tout ce qu'il exprime sans le dire.

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