Par argali
Le Livre de la neige est le récit de l’extase du poète face à la nature. Les paysages enneigés, les oiseaux, les arbres qui peuplent les textes de François Jacqmin prennent vie grâce à des mots précis et à un langage limpide. Mais dans ces textes délicatement teintés d’humour, la poésie va au-delà de l’éveil de la nature pour questionner le sens.
Mon avis :
Né en 1929 en province de Liège, François Jacqmin est un poète belge considéré comme l’un des deux ou trois plus grands de Belgique, même si son œuvre est méconnue. Discret, il interroge dans toute son œuvre, la possibilité d’appréhender le réel ainsi que le rapport du poète au langage. Pour lui « la poésie sera consolatrice ou rien ». « Le Livre de la neige » est sa dernière œuvre, parue en 1990, deux ans avant sa mort.
Dans ce recueil, François Jacqmin tente de traduire en mots, les paysages d’hiver et les sensations qu’ils éveillent en lui. Il tente de dépasser l’impuissance de la poésie à conserver la trace de l’émerveillement de l’homme devant la nature. Il partage sa passion pour la contemplation de la nature qui déploie son spectacle avec une froideur mécanique sur laquelle l’homme n’a pas prise. Sa poésie est toute de rigueur comme si coller le plus possible à la réalité lui permettait de mieux faire comprendre sa pensée.
Ses textes ne sont pas faciles, non que la forme soit obscure mais le fond dépasse la beauté des descriptions pour nous emmener au-delà, vers une deuxième lecture. Il aime mêler la réflexion philosophique à ces moments pris sur le vif. Une nouvelle image émerge alors. Je reconnais humblement n’avoir pas goûté à toutes. Certaines me sont restées hermétiques.
Je suis néanmoins contente d'avoir découvert ce poète que je ne connaissais que de nom.
Dans le cliquetis des flocons,
on entend
une rumeur que l'on pourrait comparer au
discours de la conscience.
Ces bruits
nous font franchir la barrière des glossaires.
Notre âme
se refait continuellement ainsi, au détour
de l'équivoque, lorsque
les choses ne nous disent rien de cohérent.
Nous comprîmes que la tempête de neige
était une réplique de nos déchirures.
Ce qui se pressait avec la horde
des flocons,
c'était la multitude des visages aimés qui
souffraient d'être effacés,
mais non apaisés.
Lorsque le calme revint, nous avons balayé notre cour
et avons rassemblé ces vagabonds de la mémoire
en un monceau de terrifiante indifférence.
Je ferme les yeux
et les mélèzes entrent
dans une phase acétique.
Je tremble.
Et mon corps
devient une appréhension
plutôt que le lieu d’un frisson.
Je m’amenuise
jusqu’à l’ivoire de l’ellipse.
Il a fallu que l’infini
se rapproche de moi
pour que je ne découvre rien.
C’est dans mon expérience du monde
que je perds tout.
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