Par argali
L’ouverture de l’école des Sept-Lieues se déroula, comme prévu, le 1er septembre, date fixée par le ministère pour la rentrée scolaire, une journée spéciale, cela va sans dire, que, pour rien au monde, chacun, qu’il figurât ou non à l’horaire, n’aurait voulu manquer. L’émotion était palpable quand ils se retrouvèrent le matin à huit heures devant la bâtisse enveloppée d’une brume légère qui lui donnait des allures de maison hantée. Ils n’en croyaient pas leurs yeux de se retrouver là tous ensemble après deux années de palabres et de démarches, non pour participer à une réunion de plus, mais pour assister, en tant que témoins et acteurs, à la réalisation de leur rêve le plus fou. Lorsqu’ils s’embrassèrent pour se saluer, certains avaient les larmes aux yeux.
Mon avis :
Idéalistes, rêveurs, activistes. Trois adjectifs qui décrivent parfaitement Juliette, Hippolyte et César, adolescents issus de la bourgeoisie des années 60, en rupture familiale. Alors que mai 68 a ouvert la porte à la contestation et que les années 70 annoncent une ère de militantisme, un monde rêvé de relations humaines non hiérarchisées et de parole libérée s’invente chez nous. Au sud de l’Europe, les dictatures s’effondrent mais d’autres naissent en Amérique du Sud.
C’est dans ce contexte que ces jeunes gens défendent avec vigueur, et parfois une certaine naïveté, des causes qui leur tiennent à cœur. Lors d’une manifestation de protestation contre le régime franquiste, ils vont faire connaissance et construire au fil de leurs discussions, une société plus juste. Jusqu’au jour où un projet concret prend réellement vie : créer une école alternative pour tous ceux que le système scolaire étouffe ou laisse sur le bord du chemin. Ces « rejetés d’école en école, à qui la société renvoyait l’image répétée de ratés sociaux » Pour changer la société et aller au bout de ses convictions, il faut bien commencer quelque part. L’enseignement n’est-il pas un enjeu stratégique ?
Le trio se lance alors dans une formidable aventure humaine. Autogérée par des praticiens appartenant à différentes disciplines, l’École des Sept Lieues se veut d’abord un lieu de vie. Les élèves participent à la gestion de la vie collective, s’expriment sur l’organisation des journées, tout en suivant des cours-ateliers. Emportés par leur enthousiasme et la concrétisation de leur utopie, ils devront se rendre compte hélas que la réalité est souvent plus prosaïque que les rêves.
On sent une certaine nostalgie dans cette observation des années 70. Le regard que porte Jean-Luc Outers sur cette période n’est pas vraiment aussi détaché qu’il voudrait nous le faire croire. Je découvre l’auteur avec ce roman mais il me semble avoir mis beaucoup de lui-même dans cette histoire. Son écriture est magnifique, sans fioriture, la narration rythmée, le ton ironique (certaines scènes sont vraiment drôles) et les personnages finement construits.
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce récit paru dans la collection « Un endroit où aller » créée par Hubert Nyssen chez Actes Sud.
L'avis de Nath ici
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