Par argali
Un titre léger et lumineux qui annonce une histoire d’amour drôle ou grinçante, tendre ou grave, fascinante et inoubliable, composée par un écrivain de vingt-six ans. C’est un conte de l’époque du jazz et de la science-fiction, à la fois comique et poignant, heureux et tragique, féerique et déchirant. Dans cette œuvre d’une modernité insolente, livre culte depuis plus de cinquante ans, Duke Ellington croise le dessin animé, Sartre devient une marionnette burlesque, la mort prend la forme d’un nénuphar, le cauchemar va jusqu’au bout du désespoir.
Mais seules deux choses demeurent éternelles et triomphantes : le bonheur ineffable de l’amour absolu et la musique des Noirs américains…
Mon avis :
L’Écume des jours est un roman de Boris Vian, écrivain français mais aussi poète, parolier, chanteur, scénariste, critique et musicien de jazz. Ce roman fut publié est 1947, période d’après-guerre. Malgré le soutien de Sartre et de Queneau, il ne connaîtra pas un grand succès à sa sortie. Il faudra attendre la fin des années 60 pour qu’il connaisse un succès posthume.
Bien qu’il fût dans ma bibliothèque depuis des années, je n’avais jamais lu « L’écume des jours ». Ayant très envie de voir le film qui vient de sortir, je me suis dit qu’il fallait d’abord lire le roman pour mieux goûter la mise en scène et l’adaptation.
Cette œuvre retrace la rencontre amoureuse entre Colin et Chloé puis la mort de cette dernière qui va être emportée par la maladie détruisant ainsi Colin.
Je ne savais trop à quoi m’attendre en débutant ma lecture. J’ai été étonnée de découvrir un récit poétique, un conte moderne au vocabulaire soutenu mâtiné de mots-valises et de néologismes. J’ai été agréablement surprise par cette richesse de langage et cette originalité.
Je suis entrée très vite dans cet imaginaire surréaliste, cet univers poétique et drôle, léger et grave tout à la fois. J’ai aimé les descriptions précises de l’univers de Colin, son intérieur, ses vêtements… et les nombreuses personnifications qui donnent vie aux objets de cet univers fantasque. J’ai apprécié les nombreuses références littéraires et musicales qui parsèment l’histoire de bout en bout. Je me suis attachée aux personnages, à leur univers particulier et à leur douce folie.
C’est un émouvant roman d’amour, baigné de jazz et de blues ; un monde heureux et superficiel, innocent et sensuel où s’insinue bientôt la maladie, la dégradation, la violence, la malédiction. Les personnages sont jeunes, beaux, très différents mais complémentaires : la dynamique Alise, la douce Chloé ; Colin l’amoureux et Chick l’obsédé de Partre ; Isis médiatrice du destin, amoureuse éconduite et Nicolas l’artiste adolescent et volage. Ils sont attachants, fragiles et forts à la fois.
Mais derrière le roman d’amour, apparait une critique de la société superficielle. Par l’absurde, Vian lance divers traits acerbes sur le pouvoir de l’argent, l'organisation du travail et l’abrutissement qu’il produit, la religion, la police et la société de consommation… (Remarquez que le jazz qui accompagne chaque moment de la vie de Colin, disparait à la vente du pianocktail. Moment où Colin est contraint de travailler. Il quitte son monde de confort insouciant et rejoint la société déshumanisée qu’il décriait.)
Et puis, il y a la dimension tragique de l’histoire ; la fatalité qui s’abat brutalement sur des êtres jeunes et beaux et cette fin où ne subsiste nul espoir, où tout est broyé par une machine infernale et cruelle.
Je ne m’attendais pas à un tel roman. Vraiment, je regrette d’avoir tant tardé à le lire.
Le billet sur le film est ici.
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