Par argali
Il ne fait pas bon rire aux Etats-Unis. Une mauvaise blague et Matt, la grande gueule du lycée qui aime plaisanter d’un rien, devient la victime du climat sécuritaire et paranoïaque qui ronge le pays. Le voilà accusé de vouloir mettre une bombe au lycée. Police et médias interviennent. Les autres élèves se détournent de lui. Un vrai cauchemar commence. Seule Ursula, surnommée « La Nulle », lui vient en aide. C’est le début d’une belle amitié entre ces deux adolescents marginaux.
Mon avis :
Ce roman écrit en 2002 par Joyce Carol Oates, célèbre auteure américaine, est le premier qu’elle rédige pour la jeunesse. Elle dresse ici un portrait peu flatteur d’une Amérique paranoïaque et hypocrite où le moindre mot de travers est traqué et dénoncé, où la liberté d’expression semble n’être plus qu’un vague souvenir, où la différence même est devenue un danger.
Matt l’apprendra à ses dépens. Lui qui s’amusait d’un rien, devient, du jour au lendemain, un paria et va peu à peu se replier sur lui-même en prenant conscience de la lâcheté de son entourage.
De nombreux thèmes peuvent être abordés suite à cette lecture, à commencer par les répercussions que peut avoir une calomnie. Le livre nous invite à faire preuve de discernement, d’avis critique face à la rumeur en dénonçant l’influence des médias, les réactions disproportionnées et l’injustice qui en découle.
Cette histoire d’adolescents, simple et cruelle, dépeint une société malade de la peur, suspicieuse et conformiste au possible. L’auteur y fustige, implacable, les adultes qui survivent aux pressions à coup de somnifères, de Prozac ou d’alcool, la peur du qu’en-dira-t-on, omniprésente et paralysante, les relations vraies qui semblent ne plus pouvoir exister.
Ce livre est magistral pendant les huit dixièmes de l’histoire. Remarquablement écrit, il dérange, met mal à l’aise même, tout en mettant le doigt sur quantité de caractéristiques de la société d’aujourd’hui. Puis, il redevient plus politiquement correct et se termine par un happy end à l’américaine qui casse un peu la force du propos. Je le regrette. Il reste cependant percutant et d’une grande qualité littéraire.
Une histoire qui parlera aux adolescents, âge vulnérable où l’on se cherche et où le regard d’autrui est important pour la construction de la personnalité.
Le blog d'Argali © - Hébergé par Eklablog