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Agrippine, Claire BRETECHER
Agrippine est une adolescente des années quatre-vingt-dix. Cynique, teigneuse, cossarde, désabusée, peste, mais touchante à force de se chercher - en vain - une identité. Elle traîne son mal de vivre avec ses copines de classe, houspille son petit frère et drague au coup par coup des garçons qui ont du mal à la suivre. Agrippine use allègrement d'un langage aussi mystérieux qu'hilarant: "Pourquoi les gnolguis xéroxent tout leur comporte sur des gourous baveux, ça persécute à force", susurre-t-elle à sa meilleure amie, plongée dans un abîme de perplexité. Pleine d'humour et de tendresse cachée, Agrippine tend un miroir gentiment déformant aux adolescentes et aux adolescents de sa génération.
Mon avis :
Pour inaugurer le challenge « Mars au féminin », j’ai choisi de rendre hommage à Claire Bretécher et exhumé de ma bibliothèque cet album, acheté il y a trente ans.
J’ai toujours préféré « Les frustrés » à Agrippine, classiques décapants au regard acide et plein d’humour mais les albums de l’auteure restent des monuments incontournables de la bande dessinée qu’elle a contribué à mettre en lumière et à rendre adulte.
Un jeune qui lirait Agrippine aujourd’hui trouverait sans doute le propos trop parisien, trop bobo et daté. Les walkmans, le Top 50, le verlan… cela fait boomer aujourd’hui. Moi je me suis replongée avec plaisir dans mes jeunes années et ai retrouvé l’irrévérence de Bretécher qui s’attaque ici aux travers des adolescents des années 80.
Contestataire, Agrippine rouspète sur tout, trouve son petit frère chelou, ses parents ringards, s’ennuie au bahut et s’affale devant la télé. « C’est trop dur la vie ». L’adolescente dans toute sa splendeur (quelle que soient les époques). Et quand elle s’extasie, c’est Giga !
Ce qui est le plus succulent, ce n’est pas tant le dessin, parfois brouillon même si on le sait travaillé, que le texte et les tics de langage, le phrasé et les tournures propres au groupe social dont l’auteure se moque allègrement. Son observation pointue de ce microcosme et le rendu qu’elle en fait donnent à l’album toute sa puissance humoristique. C’est une satire forte où l’exagération participe grandement au comique des situations.
Me replonger dans cet album quelque peu occulté par nombre d’autres lectures m’a aussi fait prendre conscience que le sabir des jeunes d’aujourd’hui n’a rien à envier à celui qui fut, en partie, le nôtre. Le verlan fortement employé tout au long de l’album a connu ses beaux jours une bonne décennie avant de laisser la place à d’autres formules, matinée du langage des cités, même dans la classe moyenne décrite par Bretécher.
Bref, ses personnages névrotiques, ses ados dépressifs, en fin de vie pour une peccadille et capable de passer du rire aux larmes en une seconde m’ont beaucoup amusée. Et finalement, mis à part le langage qui évolue, les adolescentes d’aujourd’hui sont les mêmes que celles d’avant-hier.
Tags : bande dessinée, hommage, adolescence, verlan, années 80-90, mars au féminin
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