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Camille, Patrick ISABELLE
La jeune Camille grandit dans un univers de tensions, de craintes et de désirs. Témoin des disputes et des réconciliations de ses parents, elle devient la cible de son père. A l’école, elle doit cacher ce corps qui, lui, ne peut mentir. Couvrir ses jambes, ses bras. Souvent, elle voudrait s’effacer, confie-t-elle à son journal intime.
Une nuit, sa mère s’introduit dans sa chambre pour la réveiller. On s’en va. S’annonce alors une fuite désespérée qui les conduit en Acadie où Camille s’abandonne aux splendeurs du paysage, à la mer, à l’amour. Puis, du jour au lendemain, elle disparaît.Mon avis :
Une fois commencé, on ne peut s’arrêter de lire « Camille » avant d’avoir atteint le dernier mot. C’est comme une urgence qui vous prend aux tripes et ne vous lâche pas avant de tout savoir, de tout comprendre.
Une fois de plus Patrick Isabelle réussit la prouesse de parler d’un sujet dur et bouleversant avec les mots justes et le ton adéquat. Comme Camille, on se sent pris dans une souricière, on étouffe, on manque d’air, on a envie de hurler nous aussi. Devant la passivité des uns, la naïveté des autres et la lâche violence dans laquelle elle baigne depuis toujours.
L’histoire est simple, presque banale, mais Patrick Isabelle a eu l’idée d’en bouleverser la chronologie. Cela crée une tension qui s’accroit de page en page et tient le lecteur en haleine d’un bout à l’autre. Le roman commence par la fin : Mathis recherche Camille qui a disparu. Pourquoi, est la question que tout le monde se pose. Sa mère trouve le cahier dans lequel Camille se confie depuis la fin de l’année scolaire et le lit. On a donc, dans des chapitres numérotés, la narration à la 3e personne des 36h où tout le monde cherche la jeune fille et en parallèle, dans des chapitres datés du 30 juin au 20 août, le récit de Camille où elle raconte son été et les événements qui se sont enchainés jusqu’à cette fameuse journée.
Comme dans « Eux », Patrick Isabelle nous immerge dans la vie d’un adolescent confronté à la violence. Ici, il s’agit de celle d’une famille dysfonctionnelle où amour et abus s’imbriquent de manière incompréhensible pour les personnes extérieures à cette cellule. Camille n’a jamais rien connu d’autre et vit en permanence avec une boule au ventre. Témoin et victime, tour à tour, de la colère éthylique de son père, elle cache en permanence son corps meurtri sous des jeans et des pulls à manches longues. Une nuit d’audace, sa mère l’emmène dans une fuite effrénée loin de ce père violent. Camille va alors se découvrir une famille qu’elle ne soupçonnait pas et le calme paisible d’une vie ordinaire au bord de la mer. Nait alors le fragile espoir d’une vie nouvelle. Pour combien de temps ?
Patrick Isabelle réussit à nouveau le pari risqué de se fondre dans son personnage principal afin de coller au plus près à ses réactions et ses émotions. Se glisser dans la peau d’une adolescente présente toujours le risque du décalage, dans le ton comme dans le ressenti. Mais tout sonne vrai et permet au lecteur d’appréhender les choses de l’intérieur et de vivre la dualité des sentiments de Camille sans jamais tomber dans le mièvre ou le pathos. La dynamique des relations familiales est particulièrement bien décrite, soutenue par des personnages à la psychologie étudiée. On sait toute la préparation, l’observation qu’il y a derrière un tel roman sans jamais que cela ne se perçoive. Signe d’un sujet maitrisé et d’une réelle empathie de l’auteur pour ses personnages.
Un récit fort, superbe, à lire absolument, d’autant qu’il est empli d’espoir et de résilience.
Tags : Camille, violence, famille, coups, espoir, résilience, littérature québécoise, Isabelle
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