• Mes lectures

    Même si je lis beaucoup de littérature jeunesse afin de choisir les titres les plus appropriés à mes élèves, je lis aussi pour mon plaisir. Des romans surtout. Mais pas seulement.

    Derrière le mot roman se profilent des textes bien différents : romans de gare, romans épistolaires, romans policiers, romans réalistes, romans d'aventures... Le roman est pluriel et il existe donc de multiples raisons de s'y engouffrer.

    Le roman séduit, émeut ; il propose l'original, l'inattendu, l'éphémère, le sensuel, le hasard d'une rencontre, la violence des sentiments... Il permet de se trouver tour à tour dans la peau d'une empoisonneuse, d'un détective, d'une amoureuse, d'un aventurier, d'un dictateur... Il nous met en contact avec la complexité de nos propres vies et de celles des autres. Il nous renvoie à nous-mêmes tout en nous donnant à sortir de nous-mêmes. Il parle à notre coeur autant qu'à notre intelligence.

    Lire un roman c'est un peu prendre rendez-vous avec soi-même.

    Je conterai donc ici mes rendez-vous. Je partagerai mes coups de coeur et mes déplaisirs. Vous verrez, je suis une éclectique.

     

     

  • L'été sans retour, Giuseppe SANTOLIQUIDOItalie, été 2005. Alors que le village de Ravina est en fête, Chiara, quinze ans, se volatilise. Les villageois se lancent à sa recherche, mais les jours passent et l’enquête piétine : l’adolescente est introuvable. Une horde de journalistes s’installe dans une ferme voisine, filmant le calvaire de l’entourage. Le drame de ces petites gens devient le feuilleton national.

    Des années après les faits, Sandro, un proche de la disparue, revient sur ces quelques mois qui ont changé à jamais le cours de son destin.

     

    Mon avis :

     

    Je profite du mois « Lisez-vous le belge ? » pour sortir de ma PAL des ouvrages de concitoyens en attente. Je viens de découvrir Giuseppe Santoliquido, un auteur Liégeois d’origine italienne. Chroniqueur, essayiste et spécialiste de l’Italie, il a publié trois romans avant celui-ci et quelques nouvelles.

    L’histoire commence en 2005 dans le village de Ravina dans le Piémont. Chiara disparait lors d’une fête et personne n’a rien vu. Ce sera le feuilleton médiatique de l’été puis on oubliera, comme souvent. Jusqu’à ce que Sandro revienne sur ces quelques mois qui changèrent le cours de sa vie.

    Bien que l’histoire se mette en place très lentement comme si la disparition de Chiara avait plongé tout le monde dans la léthargie, elle m’a happée tant la psychologie des personnages est intéressante et finement observée. 

    D’un côté, il y a les villageois abasourdis, qui laissent cependant courir les rumeurs les plus folles et règlent parfois leurs comptes. De l’autre, les médias qui n’hésitent pas à manipuler les informations et à jouer sur l’émotion sans aucune pudeur pour faire de l’audience, sans prendre en compte la souffrance des proches. 

    Sandro observe et raconte, brisé par le chagrin et choqué par l’indécence des journalistes pour qui ce drame familial est bancable. 

    On est dans l’Italie profonde, celle du sud où le chômage est endémique, celle de l’attachement à la terre, des gens simples, des secrets de famille et de la fidélité aux lois ancestrales. L’auteur nous offre un tableau vivant de cette société rurale, toute en contrastes. Il décrit le drame et ses conséquences, comme la mise en lumière des dysfonctionnements de la communauté. 

    On suit ce roman noir avec intérêt et plaisir jusqu’au dénouement final. La construction du récit est précise et tient ses promesses. J’ai aimé ce voyage piémontais et les paysages décrits et j’ai éprouvé une certaine tendresse pour ces personnages touchants.

     

     

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  • Le Partage des mondes, Olivier GRENSONSeptembre 1940. Le Blitz ravage Londres.7Alors que les sirènes annoncent une nouvelle attaque allemande. Mary, une enfant perdue au cœur du chaos, croise la route d’Isaac, un jardinier de Kensington. Réfugiés dans le métro, il l’aide à oublier la violence humaine en lui improvisant un conte. L’histoire de l’arbre aux mille couleurs.

    Pour elle, il devra réapprendre à vivre, à croire, à rêver.

     

    Mon avis :

     

    Hitler a décidé de raser Londres ; les habitants vivent donc au milieu des ruines, apeurés et angoissés. C’est au cours d’une de ces alertes qu’Isaac Green, jardinier retraité, aide une fillette perdue dans la foule. Mary revenait d’un séjour d’éloignement avec d’autres enfants et elle s’est égarée. Le vieil homme va veiller sur elle, tout en l’aidant à retrouver sa maman. Mais il cache un secret tragique.

     

    Ce roman de 240 pages nous conte une histoire riche et sensible et nous offre toute une palette de sentiments de la profonde tristesse à la pure joie enfantine. Il mêle habilement deux récits : celui de la Seconde Guerre mondiale et celui qu’Isaac invente pour Mary au fil des jours. Le premier est dessiné en gris et sépia, un peu triste, alors que l’autre présente des couleurs éclatantes et joyeuses.

    J’ai aimé ce contraste subtil de couleurs, cette opposition entre fiction et réalité ainsi que la relation tendre et émouvante de deux êtres que rien ne destinait à se rapprocher. C’est un récit de guerre mais grâce à sa poésie et son humanisme on l’oublie pour gouter simplement une histoire merveilleuse.

    C’’est un album sublime sur tous les points.

     

     

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  • Femmes en RésistanceQuatre femmes d’exception, quatre fortes personnalités à la volonté inébranlable…

    Sur une idée originale d’Emmanuelle Polak (historienne spécialisée dans la période de l’Occupation) ce livre, paru en 2021, réunit les quatre albums de Régis Hardière et Francis Laboutique, mis en images par Pierre Wachs, Marc Weber, Ullcer et Olivier Frasier.

     

    Mon avis :

     

    Alors que Claire est venue enterrer sa tante Eve, dans un village de province, elle découvre sur la table de son salon une boite laissée à son intention remplie et vieilles coupures de presse. Elle y lit le destin incroyable de quatre femmes d’exception. Pilote, étudiante, résistante ou simple volontaire, chacune de ces femmes a refusé la fatalité et pris parti de résister lors du conflit de 39-45. Toutes le paieront de leur vie.

    Amy Johnson était pilote et britannique, un vrai défi dans cette période où les préjugés étaient nombreux.

    Sophie Scholl était une jeune étudiante munichoise qui dénonça le régime nazi de façon non violente.

    Berty Albrecht était Française et s’est battue pour l’éducation et le droit de vote pour tous.

    Mila Racine à 22 ans à peine aida des enfants juifs à fuir l’occupation nazie.

     

    J’ai vraiment apprécié cet album présentant quatre résistantes dont je ne connaissais que Sophie Scholl. Chaque album est réalisé par différents scénaristes. Les histoires sont fidèles et évitent l’écueil risque d’être trop longues ou trop didactiques et un dossier historique complète chaque album. La mise en page est classique et plaisante, les décors soignés autant que les personnages. L’ensemble est fort agréable à lire malgré la tristesse des circonstances historiques.

    C’est un album indispensable pour ceux qui veulent faire un devoir de mémoire.

     

     

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  • Jacaranda, Gaël FAYEFils unique, Milan vit à Versailles avec son père et sa mère et non loin, ses grands-parents paternels. Son père est Français, sa mère Rwandaise, exilée depuis 1973, n’a pas de famille. Né en France, Milan ne connait rien du pays de sa mère dont elle ne parle jamais.

    La guerre éclate au Rwanda quand il a 12 ans. Sa mère, peu bavarde, s’enferme alors dans de longs silences regardant les journaux télévisés chaque soir. Il tente bien de l’interroger pour comprendre mais sans succès. Il a 16 ans quand ses parents divorcent et cet été-là, sa mère l’emmène au Rwanda. Il va être confronté de plein fouet à un pays inconnu, délabré, qui tente de panser ses plaies. Mais aussi à sa grand-mère alors qu’il croyait sa mère orpheline ! Entre elles, elles parlent kinyarwanda, langue inconnue de Milan et qui le tient à l’écart de leurs discussions et de leur relation.

    Quelques années plus tard, à 23 ans, Milan décide de retourner au Rwanda, étudier les juridictions gacaca dans le cadre de son mémoire de fin d’études. Avec Stella, fille d’une amie de sa mère qui observe le monde depuis les branches d’un jacaranda, ils retraceront l’histoire douloureuse du Rwanda et de leurs familles.

     

    Ce récit tout en tendresse et en pudeur, nous parle avec émotion de la quête de Milan pour découvrir ses origines, l’histoire des siens et du pays qu’il adoptera. Il nous parle du silence pesant qui se donne en héritage, des blessures que l’on tente de soigner, de la fierté qui dicte les actes de ceux qui refusent de se laisser gagner par la douleur, de l’avenir qui se veut meilleur que le passé. C’est tout un pays qui tente d’entrer en résilience.

    Et au service de ce récit, Gaël Faye nous offre une écriture puissante et poétique pour raconter l’indicible. Trente ans après le génocide, alors que 70% de la population est née après le drame, il nous montre qu’il est temps de tourner la page et d’aller de l’avant.

    Ses personnages à la personnalité forte sont extrêmement attachants ; chacun est la pièce du puzzle que Milan devra assembler pour reconstruire l’histoire et comprendre ce pays auquel il est lié malgré lui et pour toujours.

    J’ai eu un véritable coup de cœur pour ce roman historique soutenu par la plume délicate de l’auteur qui fait claquer les mots ou les murmure avec délicatesse. A découvrir au plus vite.

     

     

    Jacaranda, Gaël FAYE

     

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  • L'impossible retour, Amélie NOTHOMBJ’ai un faible pour les romans d’Amélie Nothomb qui nous parlent du Japon. Elle a su éveiller ma curiosité et me donner envie de visiter ce pays, surtout loin des mégapoles.

    Ce dernier roman est un peu différent. Il ne nous parle pas de son expérience de vie là-bas mais d’un voyage touristique réalisé l’an dernier avec une amie ; un peu contrainte de l’y accompagner alors qu’elle s’était jurée de ne pas y retourner.

     

    Nous lisons une sorte de journal de voyage où Amélie confie ses pensées, ses discussions avec Pep, néophyte en la matière et très différente d’elle dans ses goûts et ses attentes. Ne supportant pas l’émotivité, elle interdit à l’auteure d’éprouver de la nostalgie. Son dernier voyage, Amélie l’avait fait avec une équipe de télévision et avait déjà dû maîtriser ses émotions face à une caméra intrusive. Le Japon, c’est son enfance, le début de sa vie d’adulte, son premier amour, son père et un voyage réalisé avec lui seul… Comment ne pas ressentir d’émoi voire de la souffrance ?

    Elle sera aussi quelques fois agacée par sa compagne de voyage, trop entière et peu délicate envers leurs hôtes, totalement ignorante des usages du pays. Cela la mettra plusieurs fois dans l’embarras. Ce portrait contrasté des deux femmes est intéressant. D’un côté la délicatesse, la nostalgie, des sensations intimes, de l’autre l’enthousiasme ou l’indifférence selon les situations et l’exigence d’une touriste asthmatique et intransigeante.

     

    J’ai aimé l’évocation du rapport intime entre Amélie Nothomb et le Japon. De jolies pages poétiques nous décrivent des paysages, des couleurs, des parfums, des goûts presque tous associés à des souvenirs heureux. Mais comme souvent, j’aurais aimé que ce soit plus long.

    Ce n’est pas son meilleur roman mais il m’a beaucoup plu. A découvrir si vous aimez Amélie et ses récits nippons.

     

     

     

     

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  • Oradour, L'innocence assassinée, MINIAC & MARIVAINJ’ai retrouvé dans cette bande dessinée la même émotion que celle ressentie lors de ma visite du village martyr d’Oradour-sur-Glane, il y a trente ans. L’idée de mettre ce récit en images vient de Robert Hébras le dernier survivant de ce massacre. Bien que des récits historiques et des romans existent, il tenait à ce que l’histoire soit racontée de manière à intéresser les plus jeunes. Il a validé la majorité des planches, corrigeant certains détails, certains faits… avant de décéder en 2023. Cet album lui rend hommage ainsi qu’aux victimes et à leur famille.

     

    Le 10 juin 1944, la division SS Das Reich qui remonte vers le nord, détruit ce paisible village, y assassinant sauvagement 643 civils innocents. Seule une poignée de survivants parvient à se sauver.

    Miniac et Marivain, les auteurs, ont choisi un récit choral pour nous relater les jours qui entourent ce massacre. Chaque personnage vaque à ses occupations quotidiennes en France occupée : travail aux champs, commerçants dans leur boutique, enfants à l’école rêvant des vacances proches…

    Bruno Marivain au dessin et Jean-François Miniac au scénario nous offrent un récit qui se concentre sur le jour du massacre et la motivation des bourreaux, ainsi que ses quatre rescapés. Mais il mélange flash-back, temps présents et souvenirs ainsi que les lieux aux environs d’Oradour, replaçant le massacre dans le contexte régional (les 99 pendus de Tulle, les otages de Saint Junien…) et les actes de résistance.

    Les dessins sépia monochrome rendent l’atmosphère du passé, les cadrages soignés et la recherche des détails montrent la précision de la documentation en amont. La cruauté des SS est mise en avant ainsi que leur idéologie suprématiste ; les massacres sont traités avec précision mais sans pathos ou voyeurisme.

    Le dossier documentaire et pédagogique à la fin de l’ouvrage explique le contexte des événements et le massacre en lui-même.

     

    Sortie l’année des commémorations du 80e anniversaire du massacre d’Oradour, cette BD se veut devoir de mémoire afin de sensibiliser encore à la récurrente menace du révisionnisme et du retour d’idées nauséabondes.

    A lire et à faire lire.

    Oradour, L'innocence assassinée, MINIAC & MARIVAIN

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  • Le rire du grand blessé, Cécile COULONDans un pays sans nom, les lectures publiques sont la garantie de l’ordre social. Les élus ont ainsi transformé un certains type de livres en outils de parfaite manipulation.

    1075 est, lui, analphabète. Pour exister, la Société ne lui propose qu’une issue : intégrer l’élite des Gardes au service du système.

     

    Mon avis :

     

    Moins vous êtes instruits, plus vous avez de chance d’obtenir un poste à responsabilités. Ces postes dans l’élite des Gardes sont le seul moyen de sortir de la misère et beaucoup de jeunes tentent le coup. Mais les épreuves se passent dans des conditions extrêmes, physiquement et moralement. La condition sine qua non pour les passer : être analphabète et le rester. La lecture est proscrite, réservée à une minorité : ceux qui écrivent des récits et ceux qui les lisent en lecture publique. Après s’être offert un ticket d’entrée à prix d’or, le peuple fait la fille durant des heures pour entrer au stade et écouter un Liseur qui surjoue les histoires préécrites. La vraie littérature a disparu au profit de daubes rédigées sur commandes du Gouvernement. Une heure de spectacle encadré par des Gardes durant laquelle toutes les émotions sont autorisées. Puis c’est le retour au quotidien aseptisé, neutre et sans joie.

    1075, parfaitement analphabète devient le meilleurs des Agents. Jusqu’à ce que sa vie bascule…

     

    Cette fable grinçante nous présente une société déshumanisée où la conscience est muselée par le divertissement. Mais réfute à chacun le droit d’avoir sa propre imagination.

    Cette dystopie de Cécile Coulon est un hommage à la pensée, l’esprit critique et l’imaginaire que nous offre la littérature. Elle enseigne la force morale, l’endurance et l’exigence et devrait intéresser les adolescents inquiets et parfois perdus dans notre société ; C’est en effet une brèche dans un monde qui enchainent ses consommateurs passifs et obéissants.

     

    Parue en 2013 et rééditée en poche en 2023, elle n’a jamais été aussi criante d’actualité. A donner à lire au D3 et des extraits au D2 quand on aborde la dystopie. Ce roman présente nombre de caractéristiques du genre. Il montrera aux jeunes qu’ils ont le pouvoir de réfléchir et de choisir leur vie.

     

     

     

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