• Western, Maria POURCHET"J'entends par western un endroit de l'existence où l'on va jouer sa vie sur une décision. Nous en sommes là, tout au bord du western". Aurore est mère célibataire à Paris. Elle enchaîne les rendez-vous - avec la directrice d'école, avec ses supérieurs hiérarchiques bien connectés, avec un amant pendant la pause. Pour l'instant, elle fonctionne, mais le western lui tend les bras. Quand elle s'effondre, elle part se réfugier avec son fils sur un causse du Sud-Ouest, dans la maison maternelle vide.
    Alexis Zagner, lui, est "la gueule du siècle" . Acteur reconnu, il va sublimer une nouvelle mise en scène de Dom Juan. Il sent que l'époque change et que son désir dévastateur pour Chloé, très jeune aspirante comédienne, n'est pas passé inaperçu. Son instinct le pousse à fuir. Disparaissant brusquement, c'est aussi vers l'Ouest qu'il se dirige. Tandis que se lève la tempête médiatique, le face-à-face commence entre Aurore et Alexis - sans qu'on sache qui sera l'Indien, et qui le hors-la-loi.
     

     

    Mon avis :

     

    Première déception de la rentrée.

    Une copine m’a prêté son exemplaire de « Western » en me disant que c’était un petit bijou. Je n’ai jamais lu Maria Pourchet mais j’en avais envie. Je me suis laissé tenter. Alors, oui, c’est bien écrit… au canif, d’un phrasé bravache et très travaillé stylistiquement. Mais je n’ai pas trouvé un grand intérêt à l’histoire et n’y ai ressenti aucune émotion.

     

    Une femme, un homme, deux changements de vie, deux fuites en avant parce qu’un jour, c’est le jour de trop. Ces deux inconnus vont se croiser, se toiser et se rencontrer.

    L’histoire est assez convenue, les personnages sont aux prises avec des soucis assez banals pour l’époque (soumission, emprise, influence des réseaux sociaux, peur du scandale…) et je ne suis pas parvenue à entrer en empathie avec eux. D'abord parce que l'auteure nous tient loin d'eux. Ensuite parce qu'ils m’ont paru agaçants et nombrilistes au possible. A croire qu’on ne pourrait plus tomber amoureux aujourd’hui.

    Le fond socialisant du récit est d’un parti pris très parisianiste propre au quadra d’aujourd’hui. Et le style western avec ses codes a fini par me lasser en raison des redondances (L’homme devait être la vedette de Dom Juan à la mode western)

     

    Alors oui, l’écriture est stylée, cynique et même sarcastique et la narratologie est originale. Mais les personnages manquent d’épaisseur, sont agaçants dans leurs attitudes et donnent de notre société un portrait où pointe un manque criant d’humanité bienveillante.

    Au final, une écriture très (trop ?) léchée au service d’un récit qui ne m’a pas fait vibrer un seul instant.  

     

     

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  • Femme portant un fusil, Sophie POINTURIERAu début, elles étaient quatre. Il y avait cette annonce d'un hameau à vendre dans le Tarn, loin de tout. Alors un projet est né, le rêve d'un lieu construit par et pour les femmes. Elles l'ont fait. Claude, Harriet, Élie, Anna. Jeunes, vieilles, toutes forgées par les tentatives d'autres avant elles, guerrières jusque-là tenues au silence.

    Mais voilà : aujourd'hui, Claude doit répondre du meurtre d'un homme. Des gendarmes lui font face, attendant que cette mère de famille au prénom épicène reprenne tout depuis le début. De l'utopie à la riposte. Ce jour où Claude et ses sœurs ont pris les armes. 

     

    Mon avis :

     

    Béguines, amazones, idéalistes lesbiennes, révolutionnaires, courageuses mères de la place de mai… l’Histoire fourmille de femmes indépendantes, résistantes, déterminées. Elles sont nos sœurs, amies, collègues, partenaires, consœurs. Ce sont ces femmes et les utopies féministes qu’elles ont vécues qui ont inspiré cette histoire à l’auteure.

     

    Dès les premières lignes, j’ai été happée par le récit de Sophie Pointurier. En divulguant à la première page qu’un événement grave va changer la vie des personnages principaux, elle capte l’attention du lecteur. Elle alterne ensuite habillement la genèse du projet de Claude et le récit de son arrestation.

    Dans ce roman, comme dans le précédent, l’auteure dresse de beaux portraits de femmes. Claude, Elie et les autres ripostent face à une vie qu’elles n’ont pas choisie et se lancent dans une aventure commune réfléchie. Pour elles, il n’est plus possible de faire société dans l’état actuel du monde. Elles partent donc à des centaines de kilomètres de Paris vivre leur rêve.

    Idéalistes sûrement, naïves aussi, un peu, elles sont déterminées, solidaires et sont capables de s’assumer seules. Elles apprennent à rénover, bâtir, jardiner, planter… Elles vivent en autosuffisance et ne dérangent personne. « Mais les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux. »

    Cette histoire fait la part belle aux femmes, à leur détermination et montre que repenser sa façon de vivre reste marginal en 2023. L’auteure nous montre comment, sans faire de mal à personne, on peut déranger et attirer la violence et l’injustice.

     

    J’ai dévoré ce roman. La plume est fluide, l’écriture agréable. On a envie de tourner les pages pour connaitre l’histoire puis de revenir en arrière pour savourer les mots. Sophie Pointurier signe là un très bon deuxième roman. Cette ode à la sororité et à la liberté est un coup de cœur. Pour moi, ce sera le roman de la rentrée littéraire.
    Et je remercie Babelio et les éditions Harper Collins de m’avoir permis de le découvrir en avant-première. J’en ferai la publicité car il est très intéressant et mérite d’être lu.


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  • Les dernières volontés de Heather McFerguson, Sophie WOLCIKPourquoi Aloïs est-il devenu l’héritier d’une inconnue écossaise ? Quel lien le rattache à elle ? Et pourquoi n’a-t-il jamais entendu parler d’Heather ?

    C’est dans le but de comprendre les dernières volontés d’Heather Mc Ferguson qu’Aloïs fait le voyage, emportant à son insu un indice qui le mettra sur la voie : Le Seigneur des anneaux de Tolkien. Il ne sait pas encore qu’il va tomber amoureux de cette région sauvage des environs d’Inverness dans la baie d’Appelcross. A la pointe de la péninsule, la maison s’appuie sur un vieux fumoir à saumon. « Autour, l’eau, la terre, la terre percée d’eau ou la mer recouverte d’îlots. »

     

    J’ai aimé me plonger dans cette histoire de transmission et de secret et suivre Aloïs dans son enquête vers la vérité et sa découverte de l’Ecosse et de ses habitants : Jim, Eileen, Archie, Heather, Stuart et d’autres.

    Sophie Wojick parvient à donner de l’intensité à chacun de ses personnages en quelques traits subtils, les rendant attachants, lâches ou solitaires mais unis dans l’adversité. Elle nous épargne l’épanchement sur la vie rude et austère des habitants de la baie mais cela se ressent dans ses descriptions de paysages et dans la narration du quotidien d’Aloïs qui part à leur rencontre, sans leur dévoiler qui il est vraiment.

    Les paysages, omniprésents, sont merveilleusement décrits. On sent les embruns salins, on perçoit la marée montante et la cloche qui l’annonce, les chemins tortueux qui montent vers le sommet et offrent aux courageux une vue magnifique sur la baie et la mer. Les vieilles maisons désertées de l’ile de Skye où vit Jim se matérialisent alors sous nos yeux, témoignant de ceux qui y ont vécu et nous parlent de passion et de raison.

     

    La quête d’Aloïs va bouleverser sa vie mais aussi ses valeurs, ses priorités et le révéler à lui-même. Un beau texte, simple, poétique et vivant, pour goûter à l’envie de partir admirer ces paysages grandioses et de prendre un grand bol d’air au son d’un chant gaélique.

    Merci à Gérard Collard d’avoir mis ce livre en lumière.

     

     

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  • Où bat le cœur du monde, Philippe HAYATÀ Tunis dans les années trente, Darius Zaken est frappé de mutisme après la disparition brutale de son père. Élevé par sa mère Stella qui le destine aux plus hautes études et sacrifie tout à cette ambition, il lutte pour se montrer à la hauteur. Mais le swing d’une clarinette vient contredire la volonté maternelle. Darius se découvre un don irrésistible pour cet instrument qui lui redonne voix. Une autre vie s’offre à lui, plus vive et plus intense.
    De la Tunisie française aux plus grandes scènes du monde, en passant par l’Europe de la Libération et l’Amérique ségrégationniste, cette fresque est un magnifique roman d’initiation et d’émancipation, mené au rythme étourdissant du jazz.
     

     

    Mon avis :

     

    Enfant, Darius a vu mourir son père sous ses yeux, assassiné par des musulmans au cours d’un pogrom. Blessé et traumatisé, il a perdu sa jambe et l’usage de la parole. Il grandit à Tunis auprès d’un mère étouffante d’amour et d’ambition. Un petit boulot dans le théâtre municipal le mettra au contact avec le Concerto D’Aranjuez de Joaquin Rodrigo. C’est la naissance d’une passion chez l’enfant.

    En 1943, des troupes américaines s’installent à Tunis après la défaite de l’Allemagne nazie. Darius va découvrir le jazz et devenir ami avec les musiciens de l’armée. Il les suivra en Italie puis à New-York.

     

    Pendant 400 pages, Philippe Hayat nous relate la vie de Darius Zaken de 1935 à 1954, sa découverte de la musique, de la clarinette puis du jazz qui, après des années de douleur et de misère, le rendra célèbre. Il nous entraine dans l’Amérique profonde du sud où ségrégation et racisme rendent la vie très dure aux uns et aux autres. Darius rencontrera des difficultés pour s’y faire accepter. Il finira par nouer des liens avec Charlie Parker, Miles Davis ou Sarah Vaughan.

    J’ai mis quelques années à lire ce roman que j’ai découvert à sa sortie, dans ma librairie, lors d’une rencontre avec l’auteur. Ce fut une très belle découverte de l’été. Malgré les données musicales pointues qui décrivent la musique de Darius, j’ai beaucoup aimé ce récit très documenté et qui nous plonge dans l’univers musical des plus grands joueurs de jazz. Le libre se lit d’une traite sur fond de bande-son présente sur Spotify. Les situations géopolitiques de la Tunisie ou du sud des Etats-Unis sont brillamment décrites, rendant palpables les tensions entre communautés. Je me suis également assez vite attachée aux différents personnages et à la sensibilité de chacun, que ce soit Darius, Stella ou Dinah.

     

    Un récit d’initiation dur mais une belle histoire d’espoir et de résilience et un roman brillant à l’esprit humaniste.

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  • Une minute de silence, Siedfried LENZDans une petite ville de la Baltique bercée par le rythme incessant des vagues, Christian assiste à la minute de silence observée dans son lycée en mémoire de Stella Petersen, professeur d’anglais morte en mer. Stella fut le grand amour de Christian, un amour volé aux conventions qui régissent les relations entre professeurs et élèves.

     

    Mon avis :

     

    HirtsHafen, une petite ville de pêcheurs est en émoi. Une enseignante d’anglais, Stella Petersen, a péri en mer lors d’une tempête. Profs et élèves se recueillent. Parmi eux, un jeune homme plus affligé que les autres se souvient…

    Durant une minute de silence, Christian se remémore Stella, en classe, sur la plage, sur le bateau de son père, pêcheur de pierre, sur l’île aux Oiseaux… et revit les sentiments qu’il éprouvait pour elle. Avec elle, il a découvert ses premiers émois, vécu des balades romantiques au coucher du soleil, effleuré sa peau salée par les bains de mer… Il a vécu un amour d’été, interdit. Il a connu l’intensité de l’amour, le bonheur, la tristesse aussi et des sentiments doux-amers. Une vraie passion secrète, gravée à jamais dans son cœur et ses sens.

     

    Ce court roman intimiste à la construction particulière et au style soigné est un petit bijou de délicatesse et de subtilité. L’écriture est légère et poétique, les sentiments évoqués intenses et tragiques. L’auteur dépeint merveilleusement les couleurs, les parfums, le mouvement des vagues ou le vol des oiseaux ainsi que la complexité des liens qui unissent un adolescent naïf éperdu d’amour et une femme-enfant énigmatique.

     

    Ce roman initiatique, cette histoire d’amour impossible ou l’amour et le souvenir se mêlent, parlera à tous ceux qui aiment ou ont aimé.

     

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  • Hong Kong, Révolutions de notre temps, Lun ZHANG, Adrien GOMBEAUD, ANGOEn juin 2016, les habitants de Hong Kong s’engagent dans une ultime bataille pour leur identité et leur liberté. Pendant ces jours et ces nuits de matraques et de gaz lacrymogène, un professeur se remémore le destin de la dernière colonie de la Couronne britannique, magnifique et insoumise, à l’orée du Delta des Perles.

     

    Mon avis :

     

    Au début du XIXe siècle, pour Pekin et la dernière dynastie Qing, Hong Kong n’est qu’un rocher négligeable très au sud. Pour Londres, cette ile représente un point d’ancrage précieux, une escale essentielle sur la route vers les richesses du Pacifique. En 1842, le traité de Nankin cède Hong Kong ad vitam à la Couronne britannique. L’île se développe alors et prospère. Mais en 1898, un autre contrat englobant Hong Kong sera signé pour 99 ans. La notion de « rétrocession » apparait alors.

    L’auteur nous raconte les dernières années de ce contrat. Lun Zhang est entré à Hong Kong en 1989, après les événements de Tiananmen et les menaces du régime à son encontre. Son roman graphique raconte les dernières années de liberté et de démocratie de l’île.

    Il nous raconte les étapes du retour vers la Chine après l’accord signé par Thatcher en 1984. Celui-ci prévoyait un régime spécial pour une durée de 50 ans afin que la transition se fasse en douceur. Hong Kong maintenait ainsi un régime politique et économique différent de la Chine. Mais peu à peu, le régime de Pékin rabote les libertés séculaires. Il impose ses hommes et femmes à la tête de diverses institutions, truque les élections… C’est sans compter sur les jeunes hongkongais qui veulent à tout prix rester libres et vont se mobiliser. Souvent au péril de leur vie.

     

    Cet ouvrage met en lumière les manœuvres chinoises pour asservir l’île et les troublions étudiants de Hong Kong. La première sera de vider Hong Kong d’une partie de ses travailleurs : Deng Xiaoping va convertir Pékin à l’économie de marché et créer en 1980, une manufacture à Shenzen qui sera suivie par 14 autres, lançant le « made in China ». Les ateliers de Hong Kong ferment alors les uns après les autres. Il y aura ensuite la chute de la monnaie thaïlandaise qui entrainera toute la région dans une chute vertigineuse où seule Pékin maintiendra sa croissance. Et aussi l’épidémie du SRAS qui infectera 8000 personnes et tuera près de 300 Hongkongais et ravagera l’économie.

     

    Cet album est passionnant d’un bout à l’autre et nous remet en mémoire des événements dont on a jadis pris connaissance puis que l’on a oubliés, un événement en chassant un autre. Il explique avec clarté les faits et les enjeux pour les uns et les autres. On sait que le combat est perdu d’avance.

    Le découpage des pages est original, passant de cases asymétriques à une pleine page. Les dessins, souvent sombres sont toujours précis et exceptionnels. On retrouve par moment des dessins inspirés des mangas, d’autres issus des techniques publicitaires, d’autres encore d’une facture plus classique.

    Un récit passionnant et à la portée de tous.

    Merci à Masse critique et aux éditions Delcourt pour cet envoi.

     

     

     

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  • La bibliothèque des livres brûlés, Brianna LABUSKESTrois femmes. Trois villes. Trois destins qui s’entrecroisent.

    A Berlin en 1933, Althéa invitée comme écrivaine américaine aux origines allemandes voient Hitler s’approcher peu à peu de la chancellerie. Naïve, elle ne comprend pas vraiment les enjeux politiques et préfère jouir du cinéma, des soirées mondaines où elle est invitée par le Parti et de la douceur de vivre berlinoise. Jusqu’au jour où elle assiste à la destruction de milliers de livres « non allemands » dans un autodafé qui la glace.

    A Paris en 1936, Hannah qui a fui l’Allemagne et craint que les idées anti-juives ne la rattrape rejoint une bibliothèque allemande des livres brûlés où elle résiste en cachant des livres sauvés de la destruction.

    A New-York en 1944, Vivian qui a vu son mari mourir à la guerre, travaille dans une association qui envoie des livres aux soldats basés en Europe. Elle se bat contre la censure et la propagande du gouvernement qui contrôle les envois et interdit de nombreux titres jugés subversifs.

    Comme l’écrit Heinrich Heine en 1817, « Là où on brûle des livres, on brûlera bientôt des hommes ». Et on sait ce qui a succédé à ces premières destructions et pillage de bibliothèques.

     

    Basé sur des faits réels, ce roman aborde diverses thématiques liées à la guerre, à l’Histoire mais aussi à la société et au quotidien dans ces trois villes. Tolérance, liberté, exclusion, amour sont au cœur du roman. Les livres sont bien sûrs omniprésents. L’auteure en cite beaucoup, les remet en contexte et nous montre la force que la littérature peut avoir sur les êtres, surtout en ces temps perturbés et incertains.

    Les chapitres alternent époques et points de vue et tissent lentement les liens qui finiront par faire se croiser les héroïnes.

     

    Si je n’ai pas appris grand-chose sur l’époque et les faits évoqués car j’ai déjà beaucoup lu sur le sujet, j’ai apprécié les personnalités des trois héroïnes qui, chacune a sa façon, luttent contre les préjugés, les dangers et résistent à l’oppression. J’ai aussi gouté cette ode à la littérature qui est aussi une ode à la liberté.

    Une lecture agréable mais que j’aurais souhaitée plus fouillée, plus dense.

     

    Merci à Babelio et aux édition Harper Collins pour cet envoi.

     

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