• Simenon, l'Ostrogoth, LOUSTAL, BOCQUET, FROMENTAL, SIMENONPremier cahier d’une série de trois, « Simenon, l’Ostrogoth » tome 1 est publié chez Dargaud. Imaginé par John Simenon, le fils de Georges à l’occasion du 120e anniversaire de sa naissance, il présente en fac-similé des planches dessinées par Jacques de Loustal selon un scénario mis en forme par José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental.

    Cet album biographique tire son nom de celui du bateau de Simenon « L’Ostrogoth » amarré au port de Fécamp. Selon John, il fait également allusion au côté rebelle de son père qui a toujours été fier de sa différence.

    Trois carnets publient donc en fac-similé, ce qui sera ensuite un album biographique à paraître en octobre. Le deuxième carnet sortira en mai prochain et le troisième fin août.

     

    Ce carnet commence par un mariage : celui de Georges (journaliste) et de Régine Renchon (artiste peintre). Simenon et Tigy, surnom de Régine, faisaient partie de la Caque où ils s’étaient rencontrés. La Caque était un groupe d’artistes de divers horizons qui se réunissaient pour boire, parler de leurs passions et partager des discussions philosophiques. Après leur mariage, ils quittent Liège pour Paris.

    A cette époque, il signe plusieurs romans populaires sous divers pseudos. Ce sont ses « romans durs » car laborieux à écrire. Il travaille avec acharnement pour arriver à percer et permettre à sa jeune épouse de développer son art. Il va alors choisir de (re)devenir Georges Simenon. L’album raconte cette époque charnière dans la vie de l’auteur. Ce carnet en est le premier chapitre.

     

    A partir de photos, d’écrits de son père et de ses biographes, de ses souvenirs… John et les scénaristes ont résumé ces années 20 et 30.

    Les dessins de Loustal qui l’illustrent nous plongent dans le Paris animé et déjanté des années folles. Le coup de crayon de l’artiste croque un sympathique Simenon, reconnaissable à son nez busqué. Cet amateur du polar noir à l’ancienne parvient à faire de son dessin un atout narratif majeur. Ses cadrages sont élégants et son style unique. Il était le dessinateur idéal pour raconter Simenon.

    Simenon, l'Ostrogoth, LOUSTAL, BOCQUET, FROMENTAL, SIMENON 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Simenon, l'Ostrogoth, LOUSTAL, BOCQUET, FROMENTAL, SIMENON

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  • Les volets verts, Georges SIMENONC'était curieux : l'obscurité qui l'entourait n'était pas l'obscurité immobile, immatérielle, négative, à laquelle on est habitué. Elle lui rappelait plutôt l'obscurité presque palpable de certains de ses cauchemars d'enfant, une obscurité méchante qui, certaines nuits, l'attaquait par vagues ou essayait de l'étouffer.
    Vous pouvez vous détendre.
    Mais il ne pouvait pas encore remuer. Respirer seulement, ce qui était déjà un soulagement. Son dos était appuyé à une cloison lisse dont il n'aurait pu déterminer la matière et, contre sa poitrine nue, pesait l'écran dont la luminosité permettait de deviner le visage du docteur. Peut-être était-ce à cause de cette lueur que l'obscurité environnante semblait faite de nuages mous et enveloppants ?
     

     

    Mon avis :

     

    Paru en 1950, « Les volets verts » a été édité à l’époque aux Presses de la Cité.

    Emile Maugin fait le bilan de sa vie après avoir appris qu’il était gravement malade. Cet acteur parisien tyrannique et alcoolique est au sommet de sa carrière et rêve d’une maison aux volets verts, symbole de la réussite. Aimé par une jeune femme désintéressée qu’il a épousée pour la mettre à l’abri, il n’a jamais cherché à réellement former un couple avec elle. Est-il heureux ? A-t-il réussi sa vie ? Quel est le sens de cette vie ? Après l’annonce de la maladie, il décide de partir dans le sud, sur la Côte d’Azur.

     

    Pas d’enquête, pas de suspens, pas vraiment d’intrigue, ce roman revient sur la vie d’un homme hors norme, coincé par l’enfant pauvre et rêveur qu’il est encore au fond de lui et l’image de réussite qu’il donne de lui et de ses excès. Ce sont ses derniers mois de vie, il le sait et fait son introspection.

    Simenon explore la vie de cet homme, ses fêlures, ses angoisses, l’amertume que lui laissent certains événements de sa vie et les espoirs qu’il voudrait encore avoir. Maugin n’est pas intérieurement celui qu’il laisse voir à son entourage. Il se dégoûte, regrette, craint la mort qui arrive à grands pas.

     

    Une fois encore, Simenon ausculte et dissèque l’âme humaine. Il nous donne à voir la fragilité derrière la rudesse, la rugosité même d’un homme adulé et détesté à la fois. C’est subtile et d’une grande acuité.

    Récemment adapté au cinéma Maugin est interprété par Depardieu et je pense que cela lui va comme un gant. N’ayant pas vu le film, j’attends les avis de ceux qui l’auraient vu.

     

     Les volets verts, Georges SIMENON

     

     

     

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  • Testostérone, Jean-Luc RENARDIris a traversé ma vie comme une comète traverse le ciel, m’amenant à un carrefour, là où, sans elle, jamais je ne serais arrivée. Je dois, sans doute, me satisfaire de cette sensation d’avoir effleuré un objet rare. Comme lorsqu’une œuvre d’art nous transperce de sa force pour s’effacer aussitôt en déposant ses traces au plus profond de la mémoire, dans le silence étourdissant des choses insaisissables. Il en subsiste des fragments, des éclats. Il me reste d’Iris des éclats de liberté. 

     

    Mon avis :

     

    Premier roman d’un auteur liégeois, « Testostérone » donne la parole à Eva.

    D’origine modeste, elle a épousé Jacques après une cour assidue et contre l’avis de sa belle-famille. Rose, sa belle-mère, n’a jamais aimé cette femme qui n’avait pas leurs codes, leur éducation, leurs relations. Ils ont eu deux enfants, aujourd’hui ados : Gilles et Charline et elle vivote dans son quotidien. Sa relation de couple s’est toujours déroulée dans l’ombre de Rose, omniprésente et moralisatrice, et elle s’en est accommodée. Même les aventures de son mari la laissent indifférente. Il a réussi professionnellement, a une « femme encore canon », deux enfants, des maitresses, tout lui sourit.

    Eva s’est oubliée et elle prend conscience qu’elle est coincée dans des conventions et des obligations qui ne la rendent pas heureuse. Elle est en fait le faire valoir de Jacques devenu ambitieux et pédant. Eva n’en est pas dupe mais elle sauve les apparences.

    Son métier de bibliothécaire lui permet de sortir de cette routine et de découvrir d’autres personnes dont Iris, une nouvelle volontaire. Sa personnalité intrigue Eva autant qu’elle la fascine. Elles vont se rapprocher...

     

    Le récit de la narratrice est entrecoupé d’extraits de journaux intimes, celui d’Eva d’abord, celui d’Iris ensuite. On se rend compte que leurs vies ont des points communs, dont un mariage où elles s’enlisent mais rien ne se passera comme on l’imagine.

    Avec férocité, l’auteur nous présente deux vies sous emprise et n’épargne personne, surtout les hommes qui n’ont pas le meilleur rôle. Ce roman d’une rare puissance est bouleversant et la plume de l’auteur est agréable. Son regard acéré sur la vie des autres et les portraits qu’il dépeint sont d’une justesse qui donne de la force à ce récit sur la conquête de la liberté.

    Le seul bémol que je ferais c’est la mise en page peu aérée et le manque de chapitres clairs qui alourdissent un peu la lecture.

    Un premier roman à découvrir aux éditions Murmure des soirs et sûrement pas le dernier de l’auteur.

     

     Testostérone, Jean-Luc RENARD

     

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  • Emma Peel, Bottes de cuir contre chapeau melon, Stephen SARRAZINEn 1965, dans l’épisode bien nommé The Town of No Return de la série déjà culte Chapeau melon et bottes de cuir (The Avengers), une certaine EMMA PEEL fait son apparition. Incarnée par une actrice de théâtre remarquée, la sublime Diana Rigg, c’est elle qui impose le fétichisme de ses longues bottes de cuir, balaie d’un regard incendiaire tous les autres personnages de la série, forme un inoubliable et sulfureux duo avec le flegmatique John Steed (Patrick Macnee). Cinquième partenaire de cet agent, la jeune femme intrépide devient instantanément une immense icône de la culture pop des années 60. Sa personnalité flamboyante cristallise à jamais l’esprit de son époque : l’effervescence du swinging London, le kitsch des James Bond, l’exotisme des arts martiaux asiatiques, l’enthousiasme pour la physique quantique, l’insolence de la mode vestimentaire et, bien sûr, la libéralisation sexuelle. Car, faut-il le rappeler, Emma Peel est d’abord un jeu de mots avec « Man appeal ». À travers ses audaces, jamais femme n’a été aussi fatale. 

     

    Mon avis :

     

    Personnage fictif de la télévision britannique, Emma Peel est l’icône féministe de la pop culture des années 60. La première Emma Peel de la série est l’actrice Diana Rigg qui donna ses lettres de noblesse à l’héroïne par sa beauté et sa combinaison de cuir noir. Veuve, Emma est sportive et maitrise les arts martiaux. Son intelligence lui permet de venir à bout des ennemis les plus retors. On sent une certaine tension sexuelle entre John Steed et elle sans que rien ne soit jamais explicite dans la série.

     

    L’ouvrage de Stephen Sarrazin nous présente l’héroïne, la genèse du personnage, sa personnalité, l’image de la femme qu’elle véhiculait à une époque et dans un pays très traditionnalistes et paternalistes. Les relations entre Steed et elle sont aussi passées au crible.

    Il nous confie des anecdotes de tournage, détaille certains épisodes et les tenues d’Emma Peel dans ceux-ci ; replonge la série dans son cadre spatio-temporelle et apporte un éclairage sur les choix des scénaristes.

     

    Un agréable ouvrage à lire pour (re)découvrir l’héroïne d’une série emblématique qui a bercé les beaux jours des années 60 et 70.

    Merci aux Impressions Nouvelles pour l’envoi de cet ouvrage qui m’a replongée en enfance.

     

     

     

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  • Fin du XIXe siècle. Buck, un croisé Saint-Bernard et Colley, mène une vie paisible dans un doux foyer. Mais tout bascule le jour où, victime de la traîtrise d'un homme, il se retrouve enlevé à son maître et vendu à des chercheurs d'or du Grand-Nord canadien. Il devient alors chien de traîneau dans un univers glacial et sans pitié. Saura-t-il survivre dans ce monde où règne la loi du plus fort ?

     

    Mon avis :

     

    Roman de ma jeunesse, « L’appel de la forêt » vient d’être adapté en BD par Pierre-Emmanuel Dequest.

    Ce récit nous raconte la ruée vers l’or de 1896. Nous sommes dans la région du Klondike où les températures glaciales imposent une vie rude et pleine de tensions.

    J’avais le souvenir d’un récit d’aventures, d’un chien d’exception… mais la relecture des décennies plus tard montre que le récit est bien plus complexe. Le cadre spatio-temporel réaliste témoigne de la violence des conditions de vie des chercheurs d’or : agressions, vols, meurtres sont fréquents. 

    Volé à son maitre, le juge Miller, Buck rejoint une meute de chien de traineau. ¨Pour résister à la brutalité de sa nouvelle condition, Buck doit s’adapter, s’endurcir et lutter. Il apprend à voler de la viande, à se battre jusqu’à ce qu’un autre maître correct et non violent l’achète. Mais quand celui-ci est tué par des amérindiens, Buck redevient un loup.

     

    A travers les aléas de la vie de Buck, l’auteur met en lumière le courage d’un chien. A travers le symbole de cette vie animale, il exalte une volonté indomptable, un courage infini et un besoin vital de liberté, dans la société impitoyable de l’Amérique du début du siècle dernier.

     

    Malgré la nécessité d’élaguer le récit pour passer de 230 pages à 46 planches, Pierre-Emmanuel Dequest reste fidèle à l’œuvre. Bien sûr, l’histoire se focalise surtout sur Buck (les personnages humains sont très secondaires) mais l’auteur parvient par ses dessins à rendre la beauté et la grandeur de la nature. J’ai beaucoup aimé les dessins, magnifiques paysages glacés, et le rendu des sentiments canins, très expressifs.

     

     

     

     

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  • La librairie sur la colline, Alba DONATIAlba Donati menait une vie trépidante. Pourtant, à la cinquantaine, elle décide de tout quitter pour retourner à Lucignana, le village de Toscane où elle est née, et ouvrir sa librairie dans une jolie bâtisse à l’orée des bois, sur la colline.

    Avec seulement 180 habitants dans les environs, son entreprise semble vouée à l’échec. Ouverte en 2019 grâce à un financement participatif, la librairie affronte un incendie qui la détruit en partie, puis, un mois plus tard, les restrictions du confinement. C’est alors que s’organise autour d’Alba un étrange et vertueux mouvement de solidarité.

     

    Mon avis :

     

    Quel merveilleux récit !

    La narratrice a décidé de changer de vie, de respirer. Elle quitte son métier d’éditrice pour ouvrir sa propre librairie. Le lieu de son choix laisse perplexe : elle l’installe au cœur d’un petit village de Toscane, lieu de son enfance. Sa librairie, elle la rêve différente et va miser sur le service, les conseils, les produits dérivés de qualité et surtout mettre en place un service de commandes en ligne. Très vite, cette improbable décision fera connaître le village dans tout le pays et au-delà. Des bénévoles viendront l’aider, de vraies relations amicales se noueront avec les clients…

     

    Durant une année, Anna Donati a tenu un journal. Elle y raconte cet incroyable coup de poker, son changement de vie et d’habitudes, son enfance, son amour de la lecture, … Chaque journée se conclut par l’énumération des titres vendus et commandés ce jour-là. J’y ai croisé avec plaisir des amis de passage ou de longue date (Tracy Chevalier, Jane Austen, Emily Dickinson, Michela Murgia, Pia Pera, Dario Franceschini…) et noté d'autres à découvrir.

     

    L’auteure partage avec tellement de simplicité et d’intelligence son histoire et ses coups de cœur littéraires que l’on ne peut qu’être séduit par cet essai lumineux. Elle parvient en six chapitres à nous donner l’envie irrépressible de visiter cette librairie toscane, petit coin de paradis.

    Moi qui aime les récits qui parlent de littérature, de librairie, d’amour des livres… j’ai particulièrement goûté cet essai.

     

     

     

     

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  • Norilsk, Caryl FEREYNorilsk, nord de la Sibérie. La ville la plus peuplée de cette région du globe. L’une des plus polluées de la planète. Un ancien goulag où les bâtiments soviétiques s’effondrent. On ne peut s’y rendre qu’avec l’autorisation du FSB – le KGB d’aujourd’hui. Une énorme mine tenue par des oligarques. Une population majoritairement constituée de mineurs. Espérance de vie lamentable. Deux mois par an de nuit totale. Un froide qui, l’hiver, peut atteindre – 60°.

    Pour affronter cet enfer, Caryl Férey avait sa botte secrète : La Bête.

     

    Mon avis :

     

    Après avoir sillonné l’hémisphère sud, le grand voyageur qu’est Caryl Férey s’est aventuré en terres hostiles de Sibérie (-20° quand il arrive à Norilsk). Rien ne l’y destinait au départ mais il a accepté la proposition des éditrices de la maison d’édition Paulsen, spécialisée dans les récits de voyage. A lui qui déteste le froid, elles proposent ni plus ni moins de se rendre dans « la ville la plus pourrie du monde ? Une cité minière qui pollue à elle seule autant que la France ». Avec son compagnon de voyage, borgne et bourru, qu’il surnomme « La Bête », il part donc affronter les grands froids et la Russie de Poutine.

    L’écriture de Férey reste énergique et nerveuse, malgré l’engourdissement dû au froid. Le récit humoristique de ses sorties bien arrosées alternent avec ses rencontres avec les autochtones et la relation sérieuse de leurs commentaires sur la vie, le travail, la rudesse du climat à Norilsk. Cette cité minière aux mains d’oligarques, un ancien goulag de Staline qui n’est accessible qu’avec une autorisation du FSB. On y exploite depuis les années 30 des gisements de nickel, de cuivre et de palladium.

    Philosophe, il met en perspective ces confidences avec la réalité politique de la Russie. Les Russes rencontrés n’aiment pas Poutine mais sont contents qu’il les ait débarrassés de la Mafia et des dangers quotidiens qu’elle représentait. De deux maux finalement, il faut choisir le moindre. Au fil des pages, on sent qu’il abandonne peu à peu ses préjugés sur les Russes qui accueillent chaleureusement ces deux touristes français égarés dans leur froid polaire.

    Ce récit de voyage improbable est agréable à lire. La sensibilité de l’auteur pour ces oubliés, ces forçats qui ne font pas de vieux os nous le rend attachant et on s’étonne de tourner si vite la dernière page.

    Paru en 2017, il est prémices au roman Lëd, sorti lui en 2021. Je pense le lire prochainement car je suis sûre d’y trouver d’autres souvenirs de cet incroyable voyage.

     

     

     

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