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Par argali le 8 Novembre 2022 à 00:00
« Athènes du Nord ? Chicago-sur-Meuse ? Cité ardente ? Ville en déglingue, ou qui redresse sa crête ? Soeur ennemie de Bruxelles ? Petite France de Meuse ? Depuis plus d'un millénaire, Liège est une ville qui se parle. » Tels étaient les mots qui ouvraient le texte de quatrième de couverture de la première édition des Petites Mythologies liégeoises, qui date de 2016 et dans laquelle, exploitant la formule littéraire des mythologies lancée par Roland Barthes, les auteurs portaient un regard critique, ironique ou amusé sur le discours que Liégeoises et Liégeois tiennent sur leur ville - tout en se laissant aller, parfois, à prolonger eux-mêmes ces discours mythologiques.
Mon avis :
Les éditions Tétras Lyre viennent de réimprimer « Petites mythologies liégeoises » de Laurent Demoulin et Jean-Marie Klinkenberg. Ces auteurs sont très connus à Liège. Professeurs à l’université en littérature française, ils ont aussi écrits plusieurs ouvrages, « Robinson » notamment de Laurent Demoulin, prix Rossel 2017.
Cet ouvrage est une adaptation complétée de celui de 2016. Même si les mythes sont éternels, les petites mythologies évoluent. Certains aspects de Liège ont changé d’où la nécessité de cette nouvelle édition, revue et augmentée. Elle est aussi agrémentée des illustrations de Philippe Sadzot, naïves, dynamiques et colorées.
Les auteurs décrivent avec bienveillance et poésie ce qui fait Liège, sa réputation, sa bonhomie et ses côtés négatifs. Ils nous parlent de son fleuve, des inondations, des bus, de la place St Lambert, de la gare, de la foire d’octobre, de ses spécialités culinaires, de son club de foot ou des rivalités avec les villes voisines.
Ils attirent aussi l’attention des lecteurs sur les petites choses que l’on ne voit pas au premier regard : une cigogne sur une façade, des indications du GR, la plus étroite et plus ancienne maison d’un quai en bord de Meuse, la rue la plus étroite de la ville, le nom d’une place ou d’une rue… Les Liégeois prendront sans doute plaisir à lire des anecdotes qu’ils ignorent, de petites histoires ayant façonné la Grande Histoire et les non-Liégeois à découvrir cet ouvrage atypique et à faire vraiment connaissance avec la Cité Ardente loin des clichés.
Plus de 65 petites mythologies à parcourir en ligne droite ou au gré de nos envies. Un bon moment de lecture en perspective.
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Par argali le 4 Novembre 2022 à 00:00
Les premiers temps suivant sa réorientation, superviser le groupe des petits au service de garde de son école de quartier a été pour Diane une source de bonheur immense, mais là… les derniers mois ont été longs. Rien de tel pour se requinquer qu’un séjour au chalet. Surtout si celui-ci nous appartient (ou presque).
Mon avis :
Madeleine, 91 ans, vit en maison de retraite. Elle aime les compotes en pot individuel même si c’est mauvais pour la planète. Son amie Diane vient la voir régulièrement. Elle lui fait part de son envie de partir quelques jours en vacances avec Claudine, son amie, mais on est en pleine période de Covid. Madeleine lui propose une semaine dans son chalet familial au fond des bois. Elles partiront à trois.
Cette nouvelle met en présence Diane de « L’autopsie d’une femme plate » et son amie Claudine. C’est avec plaisir que je les ai retrouvées même si c’est pour un court moment. L’écriture de Marie-Renée Lavoie est vive et drôle comme toujours et le ton est dynamique et joyeux. Ces vingt pages sont emplies de sensibilité et d’amitié et de quelques scènes pleine de saveur et de drôlerie.
J’espère qu’il y en aura d’autres.
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Par argali le 2 Novembre 2022 à 00:00
Un pendu à la tour Reyers, des vacances de cauchemar dans une station balnéaire espagnole peuplée de Belges en déshérence, ou encore un politicien bien de chez nous coincé dans une histoire de harcèlement… Voilà les Belgiques cyniques et grinçantes de Myriam Leroy !
Mon avis :
Après Luc Baba, Frank Andriat et Michel Torrekens, je viens de lire le recueil signé Myriam Leroy.
Comme toujours, le ton de Myriam Leroy est caustique et morose à l’image de la première nouvelle du recueil : Vomir. Elle critique, dézingue, déteste et l’écrit noir sur blanc. Tout y passe : les Belges, leurs habitudes de vie, Dutroux, la politique, la bourgeoisie belge « moche et démodée » …
De livre en livre, on a l’impression que Myriam Leroy n’aime rien et n’aimera jamais rien. On dirait qu’elle a une revanche à prendre sur la vie, des comptes à régler et se complait dans les écrits noirs, méchants, cyniques…
J’ai vraiment rencontré des difficultés à finir. Trop c’est trop, cela en devient lassant.
On ne sait pas exactement où se situe l’action de ses nouvelles, on devine Bruxelles pour quelques-unes. Visiblement, la Belgique de Myriam Leroy se limite à la capitale. Peut-être devrait-elle sortir davantage en province. Elle verrait que la Belgique n’est pas seulement l’image qu’elle en a.
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Par argali le 30 Octobre 2022 à 00:00
Appelés par son frère Olivier, Isabelle rejoint le village des Alpes où ils sont nés. La santé de leur père, ancien guide de montagne, décline, il entre dans les brumes de l’oubli. Après de longues années d’absence, elle appréhende ce retour. C’est l’ultime possibilité, peut-être, de comprendre qui était ce père si destructeur, si difficile à aimer.
Entre eux trois, pendant quelques jours, l’histoire familiale va se nouer et se dénouer. Sur eux, comme le vol des aigles au-dessus des sommets que ce père aimait par-dessus tout, plane l’ombre de la grande Histoire, du poison qu’elle infuse dans le sang par-delà des générations murées dans le silence.
Mon avis :
Gaëlle Josse nous offre à nouveau un récit court mais dense, une histoire intense et des personnages authentiques, marqués par la vie.
On découvre un homme bougon, colérique, fermé ; des enfants qui ont vécu dans son ombre avec la peur de mal faire et de provoquer sa colère ; une mère aimante et douce, une épouse patiente qui a toujours joué les médiatrices pour apaiser chacun. Devenus adulte, les enfants ont pris leur envol. Mais leur histoire est restée gravée en eux, de manière différente mais elle a marqué profondément chacun et déterminé leur choix de vie. Olivier est resté au village. Isabelle a pris sa liberté. Elle n’est plus revenue depuis des années. Que seront ces ultimes retrouvailles ?
Ce récit nous parle de violence, d’absence, de perte. Et chacun en est impacté. La narration mêle présent et passé, les souvenirs d’Isabelle qui se raconte et parle de sa famille un peu bancale, la réalité quotidienne du père et d’Olivier qui le soigne et voit sa mémoire s’effriter lentement, le père qui se raconte. Enfin ! Et puis Olivier clôture leur histoire dans un dernier chapitre émouvant.
On assiste à un récit en vase clos, celui d’une famille chez qui personne ne venait, dont personne ne soupçonnait le quotidien. Des relations se sont tissées entre eux, nouées, tendues à se rompre parfois et ces quelques jours passés ensemble seront l’occasion de démêler tout ça avec pudeur et amour… malgré tout.
L’écriture vive de Gaëlle Josse fait mouche une fois encore. Cette longue adresse au père nous fait entrer dans l’intimité de la famille ; elle est parsemée de petites phrases lumineuses et poétiques qui rythment l’avancée du récit. L’auteure nous interroge sur nos propres choix, nos fragilités. Sur l’héritage que nos parents nous laissent émotionnellement.
J’aime vraiment beaucoup l’écriture de Gaëlle Josse et je ne peux que vous conseiller ce récit bouleversant qui se clôt sur une note d’espoir et d’apaisement. C’est un livre auquel on pense longtemps.
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Par argali le 11 Octobre 2022 à 12:00
Ce roman d’Amélie Nothomb raconte l’enfance de deux sœurs. On pourrait croire qu’il va s’agir d’un livre autobiographique mais il n’en est rien. Amélie Nothomb y laisse libre cours à son imagination.
Nora et Florent vivent un amour tellement fusionnel et idyllique qu’ils se suffisent à eux deux. Ils auront pourtant un enfant pour répondre à la pression sociétale, Tristane et cinq ans plus tard une seconde, Laetitia. Mais jamais les enfants ne trouveront de réelle place dans ce couple. Ils s’en occupent matériellement mais ne les aiment pas. Il ne faut surtout pas qu’elles dérangent leur bulle fusionnelle. Tristane, brillante et clairvoyante enfant, va développer un duo fraternel avec sa jeune sœur et lui apporter tout l’amour qu’elle-même n’a jamais reçu. Une complicité forte et un amour inconditionnel naitront entre les deux fillettes.
D’un humour féroce, parsemé de scènes hallucinantes, ce récit dépeint une famille normale en apparence où tout dysfonctionne. A bien y regarder, on découvre trois duos : le premier formé de Nora et Florent, le second de Tristane et Laetitia et le troisième de Nora et sa sœur Bobette, le vilain petit canard de la famille mais bien plus riche en humanité que son ainée. Et chaque personnage va forger la personnalité des autres, lui renvoyer de lui-même une image dérangeante, trompeuse, de force ou de mépris selon les cas. C’est là ce qui est intéressant dans ce jeu de miroirs.
Encore une fois, l’auteure aborde les relations familiales. Toxiques ou épanouissantes, elles marquent ici encore le destin de chacun des membres. On y découvre aussi comment une petite phrase entendue par hasard va influencer l’estime de soi d’une enfant pour toujours.
Si le propos de ce roman est intéressant et développé, si l’empreinte des relations familiales sur l’évolution et le caractère des enfants est pertinent, je me suis ennuyée à cette lecture. Peut-être la période n’était-elle pas propice. Peut-être l’invraisemblance de certaines situations y est-elle pour quelque chose. Ou les nombreux dialogues. Je l’ignore. Mais je n’ai pas été enthousiaste comme lors de ma lecture précédente d’un Amélie Nothomb.
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Par argali le 18 Septembre 2022 à 17:22
A quatorze ans, Dita Adlerova vit dans le ghetto de Terezin, à Prague. Déportée avec sa famille dans le camp de concentration le plus meurtrier de la Seconde Guerre mondiale, Auschwitz, elle rencontre Fredy Hirsch, éducateur juif qui lui propose de devenir la « Bibliothécaire d’Auschwitz ». Risquant sa vie pour que petits et grands puissent s’évader, Dita accepte de cacher et protéger les huit précieux volumes que les prisonniers ont réussi à dissimuler aux gardiens du camp. Mais elle doit faire preuve d’une extrême prudence car le docteur Mengele, célèbre pour ses atrocités, la surveille de très près.
Mon avis :
Edita vit heureuse dans la Tchécoslovaquie des années 30. A 14 ans, elle vit entourée de ses parents et est passionnée de livres et de culture, ce qu’ils voient d’un bon œil. Après l’invasion des Sudètes, la partie nord du pays, qui se conclut par les accords de Munich, la vie change pour la jeune fille et sa famille. Son père perd son travail, elle ne peut plus aller à l’école, ils doivent porter l’étoile jaune et enfin, c’est la déportation.
La BD, adaptation du roman éponyme, se déroule principalement dans le camp d’Auschwitz Birkenau. Dans le block où Dita arrive avec ses parents, le gestionnaire s’appelle Fredy Hirsch, un séduisant jeune homme d’une vingtaine d’années. Il désigne Edita comme bibliothécaire. Elle devra régner sur huit ouvrages sauvés par des prisonniers alors que tout livre est interdit dans le camp. Elle fait plus que les garder, elle les restaure comme elle peut. Ses livres sont le seul trésor du camp et elle veille sur eux comme on lui a demandé, consciente de la responsabilité qui lui est donnée.
Plus qu’un témoin d’une époque, cet album met en avant la préservation de la culture, seul moyen d’évasion devant la mort. Cet ouvrage, de même que le roman dont il est tiré, n’a pas la prétention de dire Auschwitz. Auschwitz ce n’était pas que ça, c’était le travail, la mort, l’extermination de masse, l’horreur quotidienne… Tout le monde le sait. Mais ce témoignage d’une rescapée de ce camp de l’horreur, qui y a perdu ses parents, montre une infime partie d’une histoire vraie. Comme un carré d’humanité dans un monde de brutes sanguinaires.
L’adaptation graphique m’a plu. Les dessins sont sobres, les tons sont des dégradés d’ocre et d’orange, comme la terre du camp qui s’insinuait partout et la douleur est présente sur les visages qui se fanent au fil des jours.
Ce récit est l’adaptation du roman de Antonio G. Iturbe. Une histoire vraie empreinte de simplicité, de pudeur et d’espoir qui joue son devoir de Mémoire en rappelant que les vrais héros sont parfois une simple jeune fille.
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Par argali le 10 Septembre 2022 à 14:45
Les années 1990, l’URSS a cessé de vivre. Son utopie appartient au passé, tout juste bonne à figurer dans les livres d’histoire.
Maintenant, la loi du marché va pouvoir faire son œuvre !
Mon avis :
Peintre idéaliste, peu vendeur et dégouté par le rapport des spéculateurs à l’art, Slava Segalov suit Dimitri Lavrine, trafiquant sans scrupule. De nombreux domaines ont été abandonnés par le pouvoir d’hier et ces riches demeures recèlent des biens qui se négocient au prix fort auprès d’investisseurs non regardant. Sa devise est : tout s’achète et tout se vend. Slava, débiteur de Lavrine, le suit à contrecœur, son éthique lui donnant mauvaise conscience face aux pillages.
A travers le parcours de ces deux personnages, l’auteur nous plonge dans la Russie qui tente de naître sur les vestiges de l’URSS. Trafics, magouilles, luttes d’influence, apparition des oligarques… sont la toile de fond de ce récit qui s’attache aux Russes lambda, attachés à leurs valeurs, leur histoire, leur métier et qui luttent pour survivre dans cette société post-communisme dont ils n’ont pas les codes.
Je ne suis pas fan de la police de caractère choisie ni des dessins, sombres aux traits grossiers, mais il faut reconnaitre que Pierre-Henry Gomont sait rendre le dynamisme de l’action et a le souci du détail dans ses décors. Et le propos est intéressant et pertinent.
Premier tome de trois, cet album dépeint un pays d’incertitude, annonciateur de la Russie d’aujourd’hui. J’ai hâte de découvrir la suite.
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