• La petite femelle, Philippe JAENADAAu mois de novembre 1953 débute le procès retentissant de Pauline Dubuisson, accusée d'avoir tué de sang-froid son amant. Mais qui est donc cette beauté ravageuse dont la France entière réclame la tête ? Une arriviste froide et calculatrice ? Un monstre de duplicité qui a couché avec les Allemands, a été tondue, avant d'assassiner par jalousie un garçon de bonne famille ? Ou n'est-elle, au contraire, qu'une jeune fille libre qui revendique avant l'heure son émancipation et questionne la place des femmes au sein de la société ? Personne n'a jamais voulu écouter ce qu'elle avait à dire, elle que les soubresauts de l'Histoire ont pourtant broyée sans pitié.  

     

    Mon avis :

     

    Ce roman de 700 pages m’a permis de découvrir l’histoire de Pauline Dubuisson que je ne connaissais pas. Moins de dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle est accusée d’un meurtre de sang-froid, celui de son amant. Belle, libre, elle catalyse toutes les rancœurs et frustrations de ceux qui ont subi les privations et les pertes dues à la guerre. On ne voit pas en elle, une jeune femme émancipée, intelligente, qui souhaite vivre comme elle l’entend sans calcul mais bien comme une traitre, une arriviste. D’ailleurs n’a-t-elle pas couché avec des Allemands et été tondue ? Cela suffit à la condamner d’avance sans même écouter ce qu’elle a à dire.

     

    Philippe Jaenada, dans une enquête méticuleuse, retrace l’histoire de Pauline et tente de lui rendre justice. Richement documenté, ce récit éclaire la personnalité et le caractère de Pauline Dubuisson d’un jour nouveau, décrivant une jeune femme instruite, moderne, bilingue et précoce qui, à 14 ans, tombe seulement amoureuse d’un beau jeune homme sans se soucier qu’il soit Allemand. Elle sera aussi une des premières étudiantes en médecine après la Libération.

    J’ai aimé découvrir cette histoire et la plume de Philippe Jaenada. Ce récit se lit facilement comme une enquête et une histoire à suspens. La lecture est intense, haletante. Et après le meurtre, c’est le procès qu’il décrit avec minutie ; un procès perdu d’avance car elle n’a pas le profil d’une repentie, cette jeune femme trop belle et trop indépendante. Que de hargne et de jalousie derrière les mots des uns et des autres, autant parmi les acteurs de la Justice que chez les journalistes.

     

    Si, comme moi vous découvrez l’auteur, sachez qu’il aime les digressions, les remarques, les anecdotes… et que cela peut parfois agacer. Mais j’ai trouvé tout cela très intéressant.

    Une belle découverte.

     

     

     

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  • Qu'à jamais j'oublie, Valentin MUSSONina Kircher, une sexagénaire, veuve d'un photographe mondialement célèbre, passe quelques jours dans un hôtel de luxe dans le sud de la France. Soudain, elle quitte la piscine où elle vient de se baigner pour suivre un homme jusqu'à son bungalow puis, sans raisons apparentes, elle le poignarde dans un enchaînement inouï de violence, avant de s'enfermer dans un mutisme complet.

    Pour tenter de comprendre cet acte insensé, son fils Théo, avec lequel elle a toujours entretenu des relations difficiles, n'a d'autre choix que de plonger dans le passé d'une mère dont il ne sait presque rien. De Paris à la Suisse en passant par la Côte d'Azur, il va mener sa propre enquête, jusqu'à découvrir des secrets inavouables et voir toute sa vie remise en question... 

     

    Mon avis :

     

    Valentin Musso signe ici un roman basé, une fois de plus, sur des faits réels, comme ce fut le cas dans « Les cendres froides ». Dans ce dernier, il nous parlait des Levensborn de triste mémoire. Ici, il s’en prend aux institutions pour jeunes filles qui, en Suisse, s’apparentaient plus à des lieux de torture psychologique et physique, qu’à des centres d’éducation. Ces institutions où l’on enfermait aussi bien les orphelines que les jeunes femmes dont les familles voulaient se débarrasser pour diverses raisons ont existé jusque dans les années 80.

    Mêlant habilement Histoire et secrets de famille, réalité et fiction, Valentin Musso nous entraine sur les traces de Nina, la mère de Théo. Alternant le récit de l’enquête menée par Théo, pour comprendre les raisons qui ont poussé sa mère à tuer un homme, et souvenirs d’enfance de Nina, il échafaude une intrigue complexe et bien ficelée, menée tambour battant, réussissant à nous surprendre quand on pensait avoir compris où il nous emmenait. Nous sommes alors plongés dans l’histoire de Nina, Denise, Danielle et toutes les autres jeunes filles ayant fréquenté l’Institut Sainte Marie de Lausanne. Une époque révolue mais une réalité qui a perduré assez tard en Suisse où les femmes n’avaient guère un statut enviable et n’ont eu le droit de vote qu’en 1978 !

     

    Un texte touchant, une intensité qui croît au fil des pages, et comme d’habitude chez Valentin Musso, une fin surprenante et ouverte. Je me suis laissé happer dès les premières pages et ai aimé à la fois la dimension psychologique de l’histoire de Théo et le côté historique des recherches menées en amont pour donner de la consistance au récit.

    Un coup de cœur pour moi. 

    Merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour cet envoi. 

     

     

     

     

     

     

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  • La fatigue du matériau, Marek SINDELKADeux jeunes frères fuient clandestinement leur pays, après la disparition de leurs parents dans un bombardement. Ils arrivent ainsi séparément en Europe où ils ont prévu de se retrouver. Ce sont alors deux périples qu’entreprend le lecteur dans ce récit court, intense et haletant, au gré des épreuves que traversent les deux frères, dans l’espoir de se voir accorder un nouveau droit à l’existence. Il faut fuir et se cacher, trouver à manger, tenter de se repérer, avancer. Le monde se révèle à travers le prisme de l’angoisse, nous faisant vivre une véritable expérience physique et humaine.

     

    Mon avis :

     

    J’ai été contactée par le Centre Tchèque de Bruxelles qui me proposait la découverte de ce roman au titre intrigant « La fatigue du matériau ». Curieuse, j’ai accepté.

    Marek Sindelka a 37 ans et n’en est pas à sa première publication. Poésie, nouvelles et un premier roman « L’erreur » font de lui un auteur qui compte et a déjà été primé plusieurs fois. A peine traduit, ce roman-ci, paru en 2017 dans sa version originale, a reçu en 2018 le Cutting Edge Award pour le meilleur livre traduit.

    « La fatigue du matériau » est un roman ancré dans la situation géopolitique actuelle. Nous suivons deux frères, Amir et « le garçon » ; nomades et déracinés, ils tentent de survivre après avoir quitté leur communauté pour rejoindre l’Europe, où ils espèrent commencer une vie nouvelle. Nous suivons le parcours de chacun après que le plus âgé, Amir, se retrouve séparé de son frère. Après une première traversée clandestine réussie, il se prépare à une seconde qui doit le mener en Europe. Parallèlement, le plus jeune, jamais nommé, raconte son périple en plein hiver après avoir fugué d’un centre de rétention où il attendait depuis des mois.

    Ces deux récits s’inscrivent dans un cadre spatiotemporel différent (et non géolocalisé) et relatent deux parcours différents. Mais on retrouve en chacun les mêmes souffrances : la peur, la fatigue, la faim, le froid, la douleur et cette angoisse lancinante et permanente de savoir de quoi sera fait demain. L’un est isolé en pleine forêt à la recherche d’une zone d’habitation où se réfugier, l’autre est en pleine mer à la merci des éléments. Deux récits de force, de volonté surhumaine pour rester en vie, deux récits qui ne peuvent que susciter l’empathie et le respect pour toutes les souffrances endurées.

    L’écriture est vive, les phrases courtes, traduisant l’immédiateté, la vivacité de réaction nécessaire pour survivre. Les descriptions sont nombreuses, dans leur solitude, les frères observent ce qui les entoure. Mais ce qui m’a frappé, c’est la distance que l’auteur choisit de mettre entre ses personnages et le lecteur. J’ai eu la désagréable sensation d’être un voyeur observant deux êtres se débattant dans un monde violent et injuste sous le regard indifférent des autres, mieux nantis.

    Ce roman dur décrit la crise migratoire actuelle, crise politique qui ne grandit aucun état et crise humanitaire qui voit chaque jour périr des milliers de personnes. Un sujet sensible mais ô combien indispensable à traiter en ce moment.

    Merci aux éditions des Syrtes pour l’envoi de ce roman. Je ne peux que vous conseiller sa découverte.

     

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  • Kérozène, Adeline DIEUDONNEUne station-service le long de l’autoroute, une nuit d’été. Sous la lumière crue des néons, dans les odeurs d’essence et d’asphalte, quelques tables en plastique jaune délavé.

    23h12. Ils sont quinze à se croiser, si on compte le cheval et le cadavre planqué à l’arrière d’un gros Hummer noir.

    Une minute encore et tout bascule…

     

    Mon avis

     

    Déroutant ce 2e roman d’Adeline Dieudonné. Je ne savais pas à quoi m’attendre mais j’espérais une chute… qui ne viendra pas.

     

    Quinze personnages, dont quatorze vivants se racontent les uns à la suite des autres. On comprend ce qui les a amenés à cette pompe à essence des Ardennes en pleine nuit. Il y a Chelly, une prof de pole dance, Juliette la caissière de la station-service et Sébastien, son collègue, Alika, une nounou philippine loin de chez elle, Julianne qui a vécu un drame épouvantable, Olivier, Monica, Julie et les autres deviennent les héros d’un soir. Chacun a une trajectoire chaotique, tragique, souvent drôle. Parfois des liens vont se tisser entre certains. Mais le plus souvent, on a l’impression de quatorze histoires courtes juxtaposées comme autant de tableaux un peu déjantés pris sur le vif.

    En découvrant ces histoires atypiques et féroces, j’avais en tête un tableau d’Edward Hopper présentant une station la nuit. L’aspect intemporel de ces histoires aurait pu les inscrire dans ce cadre un peu suranné. Mais la violence qui est leur point commun ne cadre pas avec ce décor.

     

    On aimera, ou pas, le côté burlesque de ces récits, l’absurde de certaines situations, les rapports de domination qui traversent le tout et l’apparente déstructuration de l’ensemble. Quoiqu’en y regardant de plus près, on est en droit de se demander si cette fiction en est vraiment une.

    Personnellement, j’ai bien aimé. Pour toutes ces raisons mais aussi parce que cela sort de l’ordinaire et que la plume d’Adeline Dieudonné, comme son univers, me plaisent décidément beaucoup.

     

     

     Kérozène, Adeline DIEUDONNE6e

     

     

     

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  • Sa dernière chance, Armel JOBA trente-neuf ans, Elise, célibataire, vit dans la famille de sa sœur, gynécologue réputée, et de son beau-frère, agent immobilier. Elle tient la maison, s’occupe des quatre enfants du foyer, et son existence s’écoule ainsi, dans une espèce de rythme immuable : depuis toujours, Elise vit dans l’ombre de sa sœur. Aux yeux de l’extérieur, elle passe pour une femme fragile, d’une timidité maladive, incapable de se débrouiller seule.

    Tout à coup, elle se met en quête d’un homme sur Internet – et c’est le grain de sable qui va enrayer la mécanique parfaitement huilée de cette famille de notables. Mais quelle mouche a donc piqué Elise ? Personne ne comprend.

     

    Mon avis :

     

    Une fois encore, Armel Job explore les travers de la société et déjoue le piège des apparences dans son dernier roman. Une famille bourgeoise établie, de bonne réputation vit confortablement à Verviers. Deux sœurs cohabitent depuis toujours. L’ainée est mariée, mère de famille nombreuse et la plus jeune qui vit avec eux sert de nounou dévouée aux enfants et de gouvernante à la famille. Tout le monde semble heureux, parait avoir trouvé son équilibre dans cet arrangement, jusqu’au jour où Elise rêve d’une autre vie. Le bel équilibre familial va alors vaciller et les vrais visages apparaître.

    Il en va de même pour les autres protagonistes de l’histoire qui ne sont pas vraiment ce qu’ils semblent être. Chacun semble se servir des autres et de coups bas en trahisons, ce petit monde complote pour assouvir ses desseins plus ou moins inavouables.

     

    Connaissons-nous bien ceux qui nous entourent ? Savons-nous vraiment ce qu’ils ressentent, quels sont leurs rêves ? Ne les enfermons-nous pas trop vite derrière l’image que nous nous en faisons et qui nous arrange bien ? Ce sont les questions que pose ce roman, nous forçant à regarder derrière les apparences.

     

    Comme toujours, Armel Job s’amuse à nous lancer sur des pistes qui nous font prendre le parti de l’un ou de l’autre pour mieux nous retourner ensuite. Il nous place dans la même posture que ses personnages nous amenant à juger les autres, à les condamner un peu vite. Ce roman agit comme un miroir de nos propres médiocrités.

    C’est brillant !

     

     Sa dernière chance, Armel JOB5e

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  • Tais-toi ! Si la justice m'était comptée, Anne GRUWEZFidèle à son humour corrosif et son franc-parler, Anne Gruwez nous décrit, affaire après affaire, son métier de juge d’instruction. Emaillé de références littéraires, sont récit nous fait parfois passer sans transition du rire à la stupéfaction.

     

    Mon avis :

     

    En Belgique, tout le monde connait Anne Gruwez. Elle a souvent été interviewée dans les émissions télévisées d’investigation et a reçu un Magritte pour sa participation au film « Ni juge, ni soumise », un long-métrage où on la suit durant 3 ans au cours des enquêtes criminelles, auditions et visites de scènes de crime qui font son quotidien.

    Son franc parler plait ou dérange mais elle est honnête, intègre et directe. Pas de langue de bois avec elle mais des propos servis par une ironie caustique savoureuse.

    Dans ce livre témoignage, elle nous relate son travail, les rencontres qu’elle a vécues avec des membres du grand banditisme ou de petits délinquants qu’elle tente toujours de remettre sur le droit chemin. Elle a une expérience réelle des heurs et malheurs de l’espèce humaine et apporte une analyse très fine des personnes et des situations.

     

    J’ai apprécié découvrir la description qu’elle fait du métier de juge d’instruction, le respect qu’elle a pour chaque prévenu malgré ses agissements et l’humour caustique qui est le sien. Sans langue de bois, elle dénonce les lenteurs de la justice, l’insalubrité de certains locaux du palais de justice de Bruxelles, la lourdeur de l’administration et la paperasse à remplir…

    J’ai été dérangée par le côté un peu « foutoir » de l’ouvrage qui manque de structure selon moi et peu desservir la réflexion qu’Anne Gruwez fait sur des sujets sensibles comme les féminicides, la pédophilie…

    Enfin, j’ai apprécié sa plume, son style et les références littéraires qui émaillent l’ouvrage.

    Pour ceux qui ne la connaîtraient pas, une petite recherche sur internet vous permettra de la découvrir et d’écouter ce qu’elle a à dire. C’est toujours frappé au coin du bon sens.

     

    Tais-toi ! Si la justice m'était comptée, Anne GRUWEZ1e

     

     

     

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  • Connaitre et comprendre le judaïsme, le christianisme et l'islam, Isabelle LEVYSociologue et écrivaine, Isabelle Lévy intervient régulièrement dans les médias et associations sur des sujets religieux, culturels ou de santé.

     

    Cet ouvrage est une mise à jour augmentée de l’édition de 2010. Il est paru aux éditions « Le Passeur » et reprend 200 questions que l’on se pose régulièrement sur les origines des trois religions monothéistes. Il les compare en montrant les points communs et les divergences et aborde aussi des thèmes d’actualité comme l’euthanasie, le don d’organes ou d’autres.

    Organisé en 8 chapitres : les croyances, les cultes, les fêtes et traditions, l’hygiène et le corps, l’alimentation, la vie à deux, l’enfance et l’adolescence, la maladie et la mort, cet ouvrage est une mine d’informations et de références accessibles à tous et que chaque enseignant, chaque croyant ou personne curieuse devrait lire. C’est important pour notre culture générale mais aussi pour comprendre notre société multiculturelle, les tensions qui parfois existent et mettre le doigt sur ce qui nous rapproche. Cela ne veut pas dire adhérer mais c’est un pas vers l’autre. Il amène aussi à comprendre que derrière un rituel, il y a un symbole, une tradition, une histoire.

    Cela permet de respecter l’autre dans ce qu’il est. Et cela me semble primordial en ce moment.

     

    Cet ouvrage » répond à des questions aussi diverses que : où se situe l’arche de Noé, pourquoi le peuple juif est-il reconnu comme l’élu, qu’est-ce qui distingue une abbaye d’un monastère, en quoi consistent les prières quotidiennes de l’islam, pourquoi y a-t-il des prescriptions alimentaires et des interdits, le mariage est-il un contrat divin, pourquoi l’autopsie n’est-elle pas admise dans l’islam et le judaïsme … Des questions que l’on s’est tous posées un jour mais pour lesquelles on ne sait jamais très bien où trouver les réponses.

     

    Isabelle Lévy répond avec clarté et précision. Chaque réponse simple et concrète renvoie aux textes sacrés sur lesquels elles s’appuient. Elle a rédigé ce condensé de près de 700 pages avec l’aide de pasteurs, prêtres, rabbins, imams, recteurs de mosquées et professeurs reconnus.

    Très documenté, abordable, historiquement intéressant, facile à utiliser, c’est un ouvrage de référence nécessaire qui nous permet d’être plus en phase avec notre humanité.

     

     

     

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