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Nous, Patrick ISABELLE
Dans Nous, on retrouve l’adolescent de « Eux », condamné et incarcéré pour crime. On pénètre avec lui dans le centre jeunesse où il purge sa peine, et, petit à petit, se révèle l’humanité de certains délinquants et intervenants. Malgré la violence qui y règne, on décèle entre ces murs une tendresse contenue, compactée comme de la poudre dans un bâton de dynamite.
Mon avis :
Nous suivons le personnage principal dans sa descente aux enfers. Après avoir été victime de harcèlement trop longtemps, il a un jour pété les plombs et est venu à l’école avec une arme. Il voulait que ça s’arrête, il voulait obliger son agresseur à s’excuser et stopper son acharnement. Mais cela a dérapé.
Aujourd’hui, le criminel est dans un centre de jeunes délinquants en attendant son procès. Là, il côtoie d’autres jeunes, tous plus fragilisés les uns que les autres, plus sauvages les uns que les autres. En entrant là, on perd son identité, on est « neutralisé ». Chacun porte les mêmes vêtements, se voit raser les cheveux et vit en cellule individuelle, sans fenêtre. On ne se côtoie que dans la salle de classe, pour ceux qui y ont droit. Et là, il faut à nouveau montrer qui on est si on ne veut pas se faire manger. Cercle vicieux.
Nous sommes immergés dans cet univers carcéral où les jeunes délinquants, parfois très dangereux, sont parqués, parfois oubliés de tous. Le narrateur a encore épisodiquement la visite de son père mais beaucoup ne voient personne. On vit de l’intérieur cet enfermement grâce au récit qu’il nous livre. Car pour résister, calmer ses peurs et sa violence, il écrit. Il noircit des dizaines de pages au fil des jours, confiant son quotidien, son ressenti, ses angoisses et ses petites joies. Il nous présente ses codétenus, les surveillants, le docteur Psycho, son avocate et Sophie. La seule qui est nommée, avec Cynthia la surveillante en chef. Sophie est enseignante et elle pose sur ce jeune un regard différent. Elle l’encourage, le pousse à écrire et développer ses talents. Cynthia, elle, représente le respect de l’ordre, la force. Mais derrière son rôle, on perçoit sa tendresse pour le narrateur, l’espoir qu’elle met en lui, pour qu’il s’en sorte. Cela en ferait au moins un.
Dans un style dur et épuré, Patrick Isabelle nous plonge dans la noirceur de ces vies d’ados, dans la violence du centre de jeunesse et il y va franco. On s’immisce dans les pensées les plus intimes du personnage principal, ses questionnements et sa profonde détresse. Son passage à l’acte a libéré sa colère et toute la violence qu’il contenait jusque-là. Comment éviter d’y replonger à la moindre provocation ou contrariété ?
Nous, comme Eux, devrait être lu par tous les adolescents. C’est un roman essentiel.
Tags : Nous, littérature jeunesse, littérature québécoise, délinquance, IPPJ, enfermement, rédemption, Isabelle
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Commentaires
Ça m'intéresse !
L'auteur a-t-il été enfermé dans ce genre de centre? Pour pouvoir bien décrire la vie qu'on y mène, il faut y avoir vécu, non?
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Samedi 4 Novembre 2017 à 21:40
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ça a l'air vraiment fort!
Oui. Fort et beau.