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Films
Le challenge d'Anne "Des notes et des mots" proposent de rédiger un billet sur des films ayant la musique pour thème.
Il y a longtemps que je pense créer une rubrique pour parler des films que j’ai vus et aimés. Par crainte de me disperser, je ne l’avais pas encore fait. Anne m’en donne l’occasion.
Cette rubrique ne sera pas aussi fournie que les autres. Elle sera secondaire. Mais je veillerai à vous y parler à l'occasion de mes coups de cœur cinématographiques, passés et à venir et des films qui méritent à mes yeux qu'on s'y intéresse.
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Par argali le 11 Juillet 2019 à 00:45
Jerem s’installe dans la maison de sa mémé pour y composer son premier disque. Il y fait la rencontre de So, mystérieuse enquêtrice pour le compte de la start-up Digital Cool. Elle le persuade de prendre à l’essai Yves, un réfrigérateur intelligent, censé lui simplifier la vie...
Mon avis :
Science-fiction, vaudeville, satire, « Yves » est tout cela à la fois. Via un scénario en trois actes assez classique, Benoit Forgeard explore de manière personnelle l’univers de l’Intelligence Artificielle et la marche en avant de la technologie qui semble ne jamais plus devoir s’arrêter.
Jérem (William Lebghil, complice de Kev Adams dans SODA) s’est installé chez sa grand’mère décédée et tente de composer un album de rap sous l’égide de son manager (Philippe Katerine) aussi peu doué que lui. Quand une start-up lui propose de prendre à l’essai un prototype de frigo intelligent, adapté à ses besoins, il accepte pour manger à l’œil pendant la durée du test. Il sera suivi et coaché par So (Doria Tillier) qui doit rendre des comptes à la firme sur le fonctionnement du duo Yves-Jérem. Ce robot est si parfait qu’il devient son nouvel ami, parvenant même à améliorer une de ses chansons pour en faire un tube à la mode et le propulsant ainsi dans la célébrité. Bien que fasciné par cet appareil qui l’accompagne partout, Jérem reste cependant méfiant devant cet objet qui devance ses souhaits et prend peu à peu les commandes de sa vie.
D’un premier abord farfelu, cette comédie est moins loufoque qu’elle n’y parait. Elle pose des questions intéressantes sur la société ultra connectée qui est la nôtre : l’utilisation de nos données personnelles, la surveillance permanente à laquelle nous sommes soumis, les limites de la surconsommation, le formatage des chansons à la mode ou les difficultés pour un jeune artiste de faire sa place dans l’univers musical 2.0
Le ton est mordant, la dérision et l’absurdité assumées, les répliques sont percutantes et le casting parfait. Il y a même de la poésie dans ce film et un zest de naïveté qui lui donne du relief.
« Yves » est une fable moderne intelligente et efficace qui mérite d’être vue. Dommage qu’elle sorte en plein été quand le public se fait rare.
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Par argali le 25 Mars 2019 à 23:00
Grâce au festival Imagésanté de Liège, j’ai pu découvrir ce soir le filme « Duelles » en avant-première.
Mis à part le titre qui me perturbe étant donné qu’un autre roman de Barbara Abel porte le même, j’ai été séduite par l’adaptation qu’Olivier Masset-Depasse a faite du roman « Derrière la haine ».
S’appropriant le texte pour en faire un scénario original où l’action se déroule dans les années 60, il nous propose un bon thriller psychologique filmé à la manière d’Hitchcock avec l’esthétique et l’ambiance propres à ces Golden Sixties. Ce retour en arrière rend plus cohérente encore l’impuissance des femmes en cas de problème (pas de GSM à l’époque) et décuple leurs états d’âme et la tension vécue. En effet, cantonnées aux tâches de ménagère, épouse et mère au foyer, elles vivent leur journée en solitaires ce qui leur donne tout le temps de penser et de ressasser. L’amitié, la mort, la douleur, la culpabilité, le remord, la peur, l’incompréhension sont terriblement bien rendus.Ce n’est pas tout à fait le roman mais on le trouve pourtant largement. Le suspense est présent d’un bout à l’autre, la tension monte imperceptiblement et même si on connait la fin quand on a dévoré le roman, on se surprend à espérer que le réalisateur aura changé quelque chose.
Plus que dans le roman encore, les hommes se font discrets pour laisser toute la place aux deux femmes qui tiennent le film à bout de bras. Veerle Baetens, la blonde, et Anne Coesens, la brune, incarnent avec justesse les héroïnes de Barbara Abel. Elles sont excellentes dans leur rôle, parvenant tour à tour à se rendre sympathiques ou détestables aux yeux des spectateurs qui ne savent plus laquelle des deux est sincère et laquelle ne l’est pas.
Si vous avez lu le roman « Derrière la haine » vous ne serez pas déçus et si ce n’est pas le cas, vous serez emballés par la tension et les rebondissements que vous réserve ce film très réussi.
Maison où le film a été tourné. Jolie, n'est-ce pas ?
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Par argali le 19 Juillet 2016 à 00:00
Julietta, la cinquantaine, s’apprête à quitter Madrid pour suivre son compagnon à Lisbonne, lorsqu’elle rencontre Béa, l’amie d’enfance de sa fille Antia. Cette rencontre fortuite la pousse à changer ses plans. Bea lui apprend qu’elle a croisé Antia en Suisse, une semaine plus tôt. Julieta espère alors renouer les liens avec sa fille qu’elle n’a plus vue depuis le jour de ses dix huit ans. Elle renonce à partir et retourne vivre dans l’appartement qu’elle habitait quand sa fille a pris la fuite. Elle se met alors à raconter sa vie dans un carnet comme un moyen d’exorciser le passé.
Tout commence par la rencontre avec le père de sa fille, un soir, dans un train.Mon avis :
Cette scène du train m’a fait penser à une histoire déjà lue. De même que divers moments dans le récit. Je me suis rendu compte lors du générique, qu’Almodavar s’était inspiré de trois nouvelles d’Alice Munro pour construire son scénario. Nouvelles tirées de « Fugitives » un recueil que j’ai lu il y a un peu plus d’un an.
Les nouvelles d’Alice Munro parlent de fuites, de fugues, de départs. Pedro Almodovar s’est emparé de ces nouvelles pour en faire un thriller psychologique qui vire peu à peu au mélodrame. Julieta est-elle responsable du départ de sa fille ? Peut-elle la faire revenir ? Le récit douloureux que Julieta couche sur le papier (un dramatique incident, une gouvernante qui s’immisce dans la vie de son employeur, une tempête meurtrière...) sera en quelque sorte libérateur. Antia reste cependant absente et Julieta oscille entre ses retours dans le passé et l’envie de partir à la recherche de sa fille. Cette quête vers un avenir incertain est-elle la solution ? Ce conflit intérieur l’amènera à remettre en question sa vie, ses certitudes. Elle se défera alors peu à peu de la culpabilité dans laquelle elle a fini par s’enfermer.
Dans ses textes, l’auteure canadienne dit l’importance des objets dans nos vies ; une statuette d’argile « L’homme assis » sert de fil conducteur au cinéaste. Almodovar campe son film en Galice, en bord de mer ; les histoires d’Alice Munro, elles, se passent au Canada, pays des montagnes et des lacs. Même s’il s’est librement inspiré de l’œuvre de cette dernière, on y retrouve les mêmes thèmes : les femmes, leurs blessures, leurs secrets, les choses cachées derrière les choses... Avec, en point d'orgue, une question lancinante, comme chez Munro : jusqu'où peuvent aller ces femmes qui plaquent tout ?
Un beau film, joué avec brio par Emma Suarez et Adriana Ugarte qui nous parle du destin, de la culpabilité et de la force mystérieuse qui pousse certains à quitter ceux qu’ils aiment. Et de la souffrance que cet abandon brutal cause à la personne quittée.
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Par argali le 25 Septembre 2013 à 00:00
De mes séjours au Canada, j’ai gardé un réel plaisir à visionner des films québécois. Je profite donc de la Semaine québécoise que les Grignoux proposent chaque année dans ma ville, pour en découvrir de nouveaux.
Celui qui m’a le plus bouleversée est indéniablement « Incendies » de Denis Villeneuve (2011) dont j’ai parlé ici. Un scénario sans faille pour une histoire tragique magistralement interprétée. Wajdi Mouawad est l’auteur du livre éponyme que Villeneuve a adapté.Dans un autre genre, j’ai beaucoup aimé « La grande séduction » de Jean-François Pouliot (2003) inspiré par le roman d’Arlette Cousture « Tout là-bas » dont je vous parle aussi. Ce film nous montre comment des villageois se mobilisent pour sauver leur village de l’agonie, en séduisant un médecin de Montréal afin qu’il s’installe parmi eux. Car sans médecin, aucune chance de voir une usine s’implanter sur leur île. Un remake français est en plein tournage avec Denis Podalydès et Elie Semoun, entre autres. Sera-t-il à la hauteur ?
Mais les films québécois qui me séduisent le plus sont les films pour enfants. Intelligents, tendres, ils divertissent sans prendre les enfants pour des idiots. Que ce soit « Les bons débarras », « La guerre des tuques », « Vincent et moi », « La grenouille et la baleine », « Bach et Bottine », « Les aventuriers du timbre perdu », les aventures de Mademoiselle C ou encore « Maman est chez le coiffeur », tous m’ont émue et amusée à la fois.
Deux grandes catégories se dégagent de ces films, les contes modernes à l’imaginaire stimulant et les « films vérité » abordant des réalités sociales et psychologiques pas toujours drôles, souvent dures mêmes. Tous sont des films de qualité, prenant le public enfantin au sérieux. Des valeurs positives et la culture québécoise sont les points communs de toutes ces œuvres.A découvrir et à redécouvrir en ciné club ou en DVD.
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Par argali le 8 Août 2013 à 01:00
Nathalie, chef dans un grand restaurant, n’a jamais eu le temps pour sa fille, encore moins pour les hommes. Elle s’est dévouée entièrement à son travail. Le jour où on lui demande de passer à la nouvelle cuisine, elle plaque tout. Christophe se retrouve seul avec trois petites filles adorables mais qui prennent tout son temps. Joëlle, mal dans son couple et dans sa peau de mère, se donne à fond en tant que bénévole dans diverses associations. Tous sont donc en pleine crise existentielle.
Ces trois personnages ont un point commun : l’amitié de Selma, une vieille dame de 98 ans. Gravement malade, elle passera ses derniers jours sous le figuier de la maison de campagne où tout ce petit monde se retrouvera pour l’été.Mon avis :
« Sous le figuier » peut paraître une fable gentille et simple. Le scénario n’est pas hyper original et apporte peu de surprise. Pourtant, il m’a beaucoup touchée.
D’abord parce que les thèmes de la vieillesse et de la mort sont abordés avec tendresse et humour –ici la vieillesse n’est pas vue comme un naufrage- et que certaines situations sont l’occasion de se remettre aussi en question. Ensuite parce que Gisèle Casadesus, qui aura cent ans en juin 2014, est tout simplement magnifique dans ce rôle. Elle est la sève de ce figuier. Centenaire, assoiffée de vie, de chaleur humaine, drôle et forte malgré le temps, elle est Selma. Elle l’incarne parfaitement. Et on ne peut qu’admirer son talent et son dynamisme.
Enfin, parce que cette histoire fait du bien, tout simplement. Chacun y affronte ses peurs et ses soucis, la cohabitation est parfois difficile mais c’est aussi l’occasion de vivre détente, humour et émotion. Alors que Nathalie, Joëlle et Christophe voulaient entourer Selma, c’est elle qui leur donnera une leçon de vie et d’ouverture aux autres.
Un film sincère, optimiste et apaisant ainsi qu’une belle leçon de vie qui fait oublier les faiblesses de la réalisation.
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Par argali le 10 Mai 2013 à 05:00
M’intéressant à la Seconde Guerre mondiale depuis longtemps, je connaissais les opinions d’Hannah Arendt sur Eichmann et sa théorie sur la « banalité du mal ». Mais j’ignorais à quel point cela avait été mal reçu dans l’opinion publique à l’époque.
Dans son film, Margarethe von Trotta s’attache à reconstruire les années-charnières où Hannah Arendt a développé sa célèbre théorie. Elle cherche à montrer la genèse d’une pensée politique forte, à contre courant d’une époque, et en observe les conséquences sur un milieu intellectuel borné et frileux.
En 1961, Hannah Arendt enseigne dans une université américaine. Par ses ouvrages dont « Les origines du totalitarisme », elle est une intellectuelle reconnue et respectée. Le procès d’Eichmann, enlevé par les services secrets israéliens, va débuter et elle propose au journal « The New Yorker » de couvrir l’événement. Elle part alors à Jérusalem assister au procès.
De longs extraits du vrai procès nous plongent au cœur de la psychologie et de la personnalité d’Eichmann. On perçoit tout le processus mental qu’il déploie devant les juges et son absence totale de regret. Il n’a fait qu’obéir, il n’a pas de sang sur les mains, il n’est qu’un petit rouage, il a respecté son serment d’allégeance. Hannah va prendre conscience de la fadeur de ce fonctionnaire qui se retranche derrière des arguments administratifs et l’obéissance aux ordres de sa hiérarchie. Devant tant de petitesse et de bassesse, elle va chercher à affiner sa vision de cet homme présenté comme un monstre, alors qu’il est juste insignifiant, veule, irréfléchi. De là va naître sa théorie sur la banalité du mal. Elle estime en fait qu’Eichmann est juste un homme tristement banal, un bureaucrate zélé et médiocre qui ne pense pas par lui-même et est incapable de distinguer le bien du mal. Dès la parution des premiers articles dans « The New Yorker », une violente controverse naîtra lui valant le rejet de ses pairs et la défection de ses amis.
On découvre comment les milieux intellectuels, juifs et non juifs, de l’époque étaient particulièrement hostiles à toute pensée s’éloignant un tant soit peu de la ligne officielle (c’est-à-dire la condamnation sans retenue des faits et des hommes les ayant perpétrés).
Déjà avant elle, même si le film ne l'évoque pas, Avner Less, jeune policier israélien chargé d’interroger Eichmann avait été critiqué par l’intelligentsia israélite. Son tort avait été de déclarer qu’il était déçu de voir à quel point cet homme présenté comme un monstre était un homme ordinaire. Ce qui était en fait impensable, inacceptable pour l’époque, et notamment pour les survivants de l’Holocauste, c’était de se dire que chacun peut devenir un serviteur docile d’un système aussi monstrueux que celui-là.
Le film n’est pas une biographie d’Hannah Arendt. Il se concentre essentiellement sur quatre années, de 1960-1964. Il tente juste de montrer la genèse d’une réflexion, d’une pensée politique. (Une manière d’ouvrir les yeux des Allemands sur leur lourd passé ?) Mais le cadre historique, la reconstitution de l’ambiance de l’époque, du milieu intellectuel sont particulièrement minutieux et éclairants. Magistralement interprétée par Barbara Sukowa, Hannah Arendt est jouée avec beaucoup de nuances et présentée comme une femme forte, qui ne transige pas sur sa pensée et ne s’écarte pas de sa ligne de conduite malgré ce que son entourage attend d’elle. Elle n’hésite pas à risquer sa carrière et sa réputation pour défendre ses idées jusqu’au bout.
Malgré certains défauts, dont une lenteur exagérée, et une facture classique, le film vaut vraiment la peine d’être vu pour découvrir (ou redécouvrir) la pensée de cette philosophe allemande qui a marqué le vingtième siècle. Pensée parfaitement replacée dans le contexte historique explosif des années 60. « La pensée peut peut-être nous sauver des catastrophes. »
Si vous désirez en savoir plus, je ne peux que vous conseiller de lire « Eichmann à Jérusalem » de Hannah Arendt, chez Folio.
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Par argali le 8 Mai 2013 à 05:00
Adapté le roman de Boris Vian n’est pas une mince affaire. Cette œuvre aussi touchante et fascinante qu’étrange est reconnue comme un chef d’œuvre.
Une fois le livre refermé, je me suis demandé comment on pouvait adapter à l’écran la kyrielle d’objets bizarroïdes cités et les concepts délirants. Michel Gondry y est parvenu, en s’appropriant « L’écume des jours » et en y ajoutant sa touche personnelle. Il ne m’a cependant convaincue qu’à moitié.
J’ai été surprise qu’il ne joue pas davantage le jeu du numérique pour rendre la fantasmagorie de l’œuvre de Vian. Il a choisi, au contraire, de privilégier les effets spéciaux réalisés avec deux bouts de ficelle (le nuage, la souris, les rayons de soleil…) Le début du film est pourtant enchanteur, rythmé, léger et poétique. On se prend au jeu. Mais lentement, on se lasse un peu devant tous ces gadgets répétitifs. Il prend tout au pied de la lettre et crée un monde alternatif où chaque objet est doué de vie, et à mon sens, perd un peu l’histoire de vue.
Dans un sursaut, il nous offre un peu d’émotion. Il parvient à rendre l’atmosphère oppressante lorsque la maladie de Chloé dérègle le quotidien. Une angoisse monte à travers le pourrissement des choses. L’addiction de Chick et la progression de la maladie sont presque palpables. Gondry nous montre comment tout un monde s’écroule en passant progressivement de la couleur au noir et blanc. Le décor se distord et préfigure un monde dénué de sens, voire d’humanité. Mais l’émotion n’est pas assez présente à mon goût. L’histoire d’amour tragique n’émeut pas autant que dans le roman, elle semble passer au second plan, après le souci esthétique et visuel du réalisateur.
Enfin, même si les acteurs sont cohérents et complices, et si je les apprécie en général, je regrette un peu qu’ils n’aient pas la jeunesse des personnages de Vian. De jeunes inconnus débutants auraient donné au film toute la fraîcheur initiale.
Un avis mitigé, en conséquence, comme souvent quand un roman m’a plu et qu’il est adapté au cinéma.
Le billet sur le livre est ici.
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