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Berlin, La cité des pierres, Jason LUTES
Berlin, la cité des pierres, est la première partie d’un captivant récit imaginé par Jason Lutes. Les personnages principaux, le journaliste Kurt Severing et l’artiste peintre Marthe Müller, évoluent au milieu d’événements historiques dramatiques, au temps des heures sombres de la république de Weimar. La cité des pierres couvre une période de huit mois passés à Berlin et reconstitue méticuleusement les espoirs et les combats de ses habitants au moment où leur futur semble s’obscurcir devant la montée d’une ombre menaçante.
Mon avis :
Ce roman graphique nous entraine dans le Berlin de la fin des années vingt, plus précisément de septembre 1928 au 1er mai 1929, au temps de la république de Weimar. Son auteur, Jason Lutes, est né en 1967 dans le New Jersey. Il a vécu plusieurs années à Berlin avant de réaliser son album, afin de découvrir l’Histoire qu’il n’avait pas apprise à l’école.
Nous suivons l’histoire parallèle d’une jeune femme, Marthe Müller, montant à Berlin pour y suivre des cours aux Beaux-arts et celle de Kurt Severing, un journaliste dans la quarantaine. Ils se rencontrent dans le train qui les emmène à la capitale, échangeant sur la situation politique chaotique que Kurt, homme lucide sur la tournure des événements, relate à cette jeune femme qui ne connait pas la ville.
Nous les regardons évoluer ensuite chacun dans leur cercle professionnel ou privé en même temps que David, Anna, Gudrun, des personnages aux antipodes économiques et sociaux, qui vont croiser leurs routes et se trouver aux prises avec les soubresauts de l’Histoire. L’occasion pour l’auteur de nous confronter à la violence de cette époque. Sa reconstitution du Berlin des années 20, plus vraie que nature, nous permet de croiser une foule de personnages hauts en couleurs auxquels se mêlent des figures historiques telles Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht, Frans Masereel...Les dessins, dans la continuité de la ligne claire, sont épurés et nous présentent une ville très esthétique -même dans ses ruines, vestiges de la 1e Guerre mondiale- dans laquelle on perçoit bien l’âme berlinoise. J’ai beaucoup aimé me retrouver dans les rues et places que je connais, à quatre-vingt ans d’intervalle. Les vues de la ville sont magnifiques et témoignent d’un travail de recherche minutieux. Le noir et blanc confère à l’ensemble un côté document historique un peu désuet qui lui sied à merveille.
Alternant vaste plan d’ensemble urbain et prise de vue rapprochée, Jason Lutes a joué de tous les aménagements de cases possibles. Cela donne de la consistance et un rythme au scénario tout en plaçant Berlin au cœur des événements et des faits divers racontés par l’auteur et c’est un réel plaisir.Ce premier tome de 213 pages prend le temps d’installer le cadre, la situation et les personnages, créant la densité et la force de l’histoire. Les tensions, la superficialité des uns, la misère des autres, les oppositions partisanes, la colère qui gronde… sont particulièrement bien rendues. Ce récit de fiction ancré dans des faits historiques et une ville en évolution est tout à fait crédible. Il se termine sur une note tragique n’augurant rien de bon pour la suite. Mais ça, on le savait déjà…
Paru en 2001 et réédité en 2009 chez Delcourt, ce magnifique roman graphique dont il est difficile de se détacher est pour moi un vrai coup de cœur.
Tags : Berlin, La cité des pierres, roman graphique, années 20, Jason Lutes
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Commentaires
Il y a donc une suite.