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L'homme qui dépeuplait les collines, Alain LALLEMAND
Ce jour-là, au siège de Mediapart, dans une impasse du XIIe arrondissement de Paris, c’est l’effervescence : soixante millions de documents confidentiels viennent de fuiter. Un leak à l’échelle mondiale. Pour l’essentiel, des données bancaires, dans toutes les langues, mettent au jour la corruption de l’Afrique. Anciennes nations coloniales, la Belgique et la France sont directement concernées. Une seule obsession pour l’équipe : vérifier les infos, puis publier.
Au même moment, dans le maquis de Kipupu, à l’est de la République démocratique du Congo, un gamin laisse derrière lui la mine de Kadumwa et court, le cœur battant, vers un camp de combattants rebelles. Dans sa poche, un diamant. Une autre bombe à retardement.
Mon avis :
Après « Ma plus belle déclaration de guerre » puis « Et dans la jungle, Dieu dansait », j’ai dévoré le dernier roman d’Alain Lallemand.
Une fois encore, il puise dans son expérience professionnelle pour nous raconter un récit plus vrai que nature qui colle au plus près de l’actualité. Grand reporter et journaliste au journal Le Soir, il nous plonge au cœur du Congo et des transactions internationales opaques qui règlent – et dérèglent – la vie de la population.
Pour goûter ce récit dans ses moindres détails, prenez quelques heures au calme pour le lire d’une traite. Ce récit d’aventure picaresque fourmille de personnages et joue sur une alternance de situations simultanées et de rencontres assez denses qui demandent une lecture non hachée. De courts chapitres nous mènent d’un point du globe à un autre et le suspens tient en deux interrogations qui traversent le roman : l’authenticité d’une pierre précieuse et celle de documents arrivés entre les mains de journalistes de Médiapart. De là, nous rencontrons de jeunes orphelins chercheurs d’or au Sud-Kivu, des combattants rebelles à peine plus vieux que ces gamins, un jeune ingénieur-géologue idéaliste œuvrant pour une société minière canadienne, une travailleuse d’une ONG congolaise, un hacker serbe, des mafieux russes et des chefs d’Etat et banquiers d’affaires pas très clean. L’intrigue est très bien ficelée et se base très librement sur des faits vécus par le journaliste d’investigation. Cela reste cependant un roman et le côté romanesque emportera l’adhésion des lecteurs moins sensibles à la politique fiction.
J’étais déjà admirative devant le travail des journalistes qui cherchent la vérité plus loin que dans les apparences, ceux qui se mettent en danger pour la faire éclater ; je le suis plus encore après avoir lu ce livre. Oser défier ceux qui tirent les ficelles du pouvoir, les grands argentiers, les mafieux en col blanc…, ne compter que sur soi, c’est couillu. Vraiment. Et risqué.
A une époque où la désinformation règne en maître, cette plongée sans concession au cœur du journalisme d’investigation est salutaire et donne à voir autre chose que le lénifiant discours de certains médias. Quant à la localisation au cœur du Congo, elle ne pouvait être plus en phase avec l’actualité récente.
Une pépite à ne pas laisser passer.
Dessin : Marcel GROMAIRE, 6 études de têtes, exposition actuellement à la Piscine, Roubaix
Tags : politique fiction, relations internationales, corruption, investigation, Congo, journalisme, Mediapart, trafic d'êtres humains
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Commentaires
Le nom de l'auteur me dit quelque chose... Une pépite? Je retiens alors...
Bon dimanche.
Non seulement il écrit bien mais on sent qu'il maîtrise le sujet. Pour un roman géopolitique de fiction c'est très réussi. Je pense d'ailleurs qu'il a reçu des prix déjà.