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Le plongeur, Stéphane LARUE
Nous sommes à Montréal au début de l’hiver 2002. Le narrateur n’a pas vingt ans. Il aime Clive Barker et Lovecraft, le métal, les comic books et les romans de science-fiction des années soixante et soixante-dix que lui prête son père.
Étudiant en graphisme, il dessine depuis toujours et veut devenir bédéiste et illustrateur, comme ses idoles Moebius et Tibor Csernus. Mais depuis des mois, il évite ses amis, ment, s’endette, aspiré dans une spirale qui menace d’engouffrer sa vie entière : c’est un joueur
Il joue aux loteries vidéo et tout son argent y passe, de même que celui qu’il emprunte à sa copine Marie-Lou et à son cousin Malik. L’hiver installé, il se retrouve à bout de ressources, sans appartement.
Il devient plongeur au restaurant La Trattoria, projeté dans un rush dès le premier soir.Mon avis :
Dans un quartier de Montréal, Stéphane est devenu plongeur dans un restaurant. Lui, le jeune étudiant, fan de Lovecraft, a décroché des études et claqué son fric au jeu. Il ment à ses proches, emprunte de l’argent qu’il ne pourra jamais rembourser et se coupe du monde. Alors qu’il croyait toucher le fond, il trouve un job de plongeur et se rend compte qu’il y a encore pire que ce qu’il a connu jusqu’ici. Il y rencontre Bébert, un cuisinier au bagout de rappeur.
Ce roman sombre fait de descente aux enfers, de crises, d’améliorations et de rechutes rend admirablement bien l’atmosphère de la nuit et celled’un restaurant en plein coup de feu : la course, les bousculades, les cris… pour ensuite, après le service, tomber dans une torpeur d’après fièvre où se côtoie une faune fascinante d’hommes de l’ombre, serveurs, barmans, cuisiniers, plongeurs.
Premier ouvrage d’un auteur de 36 ans, c’est aussi un roman autobiographique. La justesse du ton, les descriptions des lieux et des atmosphères s’en ressentent positivement. Tout sonne vrai dans le récit que nous fait Stéphane Larue des combats qu’il a menés pour refouler sa dépendance de joueur compulsif et se perdre dans le monde stressant au rythme endiablé de la restauration. Loin de l’image idyllique qu’on se fait parfois des restaurants aux salles cosy au ton feutré, nous découvrons l’envers du décor. Le stress et l’urgence se heurtent à l’exigence de la qualité dans une cuisine où se mêlent mets délicats, odeurs de friture, de vaisselle sale et de sueur. C’est un monde à part, souterrain, nocturne, un monde en décalage avec les travailleurs du jour. On y est confronté aux excès, à la débauche, à la noirceur mais il s’y noue aussi de belles amitiés.
Depuis sa sortie, ce roman a reçu de nombreux prix et notamment le Prix littéraire des collégiens, ce qui est souvent un critère de qualité ; les jeunes étant très exigeants avec leurs lectures.
Publié en 2016, ce roman m’a été dédicacé par l’auteur à la FLB qui a suivi. Depuis je me dis sans cesse qu’il faut le sortir de ma pile à lire mais ce pavé de 568 pages m’a longtemps tenue à l’écart. J’ai profité de ces congés de Toussaint pour m’y plonger. Et j’ai bien fait.
J’ai vraiment beaucoup aimé ce récit à l’écriture incisive et enfiévrée, à l’atmosphère lourde et sombre où suspense et introspection se disputent l’attention du lecteur d’un bout à l’autre. J’ai aussi aimé les personnages si humains, merveilleusement dépeints par l’auteur, et la description de Montréal et de ses quartiers moins prisés par les touristes. Une fois entrée dans l’histoire, je n’ai plus lâché ce récit bouleversant et résilient terriblement réaliste.
Un récit magnétique a découvrir si ce n’est déjà fait.
Tags : Québec en novembre, Montréal, plonge, dépendance, roman initiatique, roman noir
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Commentaires
Au fait pour répondre à la question que tu as posée chez Karine, les catégories sont dans nos billets de présentation et je récapitule par catégorie sur mon blog... Celui-là je l'ai classé dans Grand Chmapion : livres qui ont reçu un prix littéraires :-D
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Samedi 7 Novembre 2020 à 14:01
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Moi aussi il serait temps que je le sorte de la pile ! Mais j'attendrai sans doute les vacances d'été. Pourvu que j'aime autant que toi !
C'est particulier, effectivement. Mais fort.