• Monsieur Coucou, J. SAFIEDDINE & K. PARK

    Monsieur Coucou, J. SAFIEDDINE & K. PARKAllan est émigré en France. Il a fait sa vie avec Prune, sa compagne, et tous deux veillent sur Thésée, la mère de Prune, en fin de vie. Alors qu’il est heureux dans cette famille entre ces deux femmes et les deux sœurs de Prune, il refuse d’accepter les appels de sa sœur et de son frère, restés au pays, qui téléphonent tous les jours…

    Mon avis :

    Beaucoup d’implicites dans cette BD et de non-dits dans la vie Allan-Abel. Au fur et à mesure que le récit avance, on comprend par bribes ce qu’il en est.

    Exilé en France où il a fait sa vie, il a tiré un trait sur son passé et changé de nom. Un jour, sa belle-mère étant au plus mal, il décide de retourner chez lui, sur cette terre dont il s’est senti banni afin de lui trouver un remède qui la soulagerait un peu. Mais, malgré les décennies d’absence, les souvenirs douloureux sont encore bien ancrés en lui. Ecartelé entre ses origines et sa vie actuelle, Abel va tenter de recoller les morceaux de son identité.

    Il faut du temps avant de comprendre qu’Abel a quitté le Liban où il a vu mourir son père. Il ne parle plus sa langue natale, a abandonné la religion et mis de la distance avec sa famille. Le retour au pays sera initié par sa belle-mère qui, mourante, le pousse ainsi à renouer avec sa propre mère et les siens. Mais ce retour sera douloureux, fera remonter les souvenirs et mettra Abel face à un choix.

    Joseph Safieddine, le scénariste, dépeint un homme tourmenté, déchiré entre deux cultures : une qu’il a reniée, une qu’il a choisie mais n’est pas tout-à-fait la sienne. C’est un être complexe, taiseux, renfermé mais dans lequel on sent beaucoup d’affection, de force et de doutes à la fois. L’auteur, comme le dessinateur Kyungeun Park installent une atmosphère, une ambiance que le rythme lent de l’histoire favorise. Par une foule de petits détails, de situations esquissées ou d’événements plus intenses, la personnalité d’Abel et l’origine de ses blessures se construisent peu à peu expliquant ses ambiguïtés.

    J’ai aimé le dessin de Park, notamment dans les décors qu’il rend à merveille : la justesse et la précision des traits des animaux ou les paysages montagneux du Liban. Thésée dont la santé décline est également dessinée de façon émouvante : traits vieillis, fatigués, visage souffrant…
    Le tout est mis en valeur par Loïc Guyon et Céline Badaroux dans des tons ocre, orange, crème, vert qui rendent bien l’atmosphère chaude du pays.

    En ce qui concerne l’histoire, j’ai aimé la manière dont l’auteur aborde la famille, ses secrets, ses blessures et ses apaisements ou les tensions qui habitent Abel et les thèmes du déracinement et de l’identité ainsi évoqués. Délaissant le côté politique, Safieddine ancre le récit sur un drame familial pour mieux parler de ces thématiques et c’est réussi.

    Beaucoup d’émotions dans cette bande dessinée qui touche à l’intime avec justesse.

     

     

     

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