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Philip Kerr
Dans le cadre du festival « Quais du polar » de Lyon, j’avais gagné un concours me permettant de rencontrer Philip Kerr, presqu’en tête à tête. (Nous étions 8). Plongée justement dans « La mort entre autres » et ayant encore bien à l’esprit « La trilogie berlinoise », j’avais en tête quelques questions que j’aurais aimé lui poser.
Hélas, après près de quatre heures de dédicaces, Philip Kerr est rentré à son hôtel, oubliant notre rendez-vous. - Vous imaginez bien ma déception et celles des autres heureux gagnants. – Embarrassée, son éditrice est venue nous rejoindre, s’excusant de cet imprévu, l’appelant sur son portable – lui-même étant très confus mais hors de Lyon – et se demandant comment réparer.
Ce fut vite trouver. Nous étions huit passionnés des aventures de Bernhard Gunther, le libraire de la librairie « Passages », qui devait animer le débat, et l’éditrice de Philip Kerr. Nous avons donc entamé la conversation comme nous l’aurions fait en la présence de l’auteur.
Et bien ce fut une très heureuse rencontre, riche en confrontation d’idées et en informations. Ainsi, j’ai appris que Philip Kerr vivant à Londres avait d’abord écrit des romans mettant en scène de jeunes londoniens de la City, sans rencontrer le moindre intérêt chez les éditeurs. Avocat de formation, il avait, pendant ses études, choisi un cours de littérature allemande qui le passionnait. Lors d’un voyage à Berlin dans les années 80, il s’est dit qu’il pourrait allier sa passion passée et l’écriture pour raconter l’Histoire et comprendre comment était née l’horreur. Comme les Allemands de l’époque ne semblaient pas enclins à parler de ça, il a entrepris ses propres recherches, en bibliothèques, dans les archives, et sur place pour s’imprégner des lieux. C’est seul qu’il rassemble la documentation qui lui servira de trame aux aventures de Gunther. Méticuleux, il veut tout diriger lui-même.
Au départ, il ne pensait pas écrire de policier, mais le personnage de Bernie s’est imposé peu à peu. Qui donc mieux qu’un détective peut mettre le nez partout et avoir accès aux documents les mieux gardés ? D’après son éditrice, Bernie c’est un peu lui. Il a mis beaucoup de sa personnalité dans ce héros atypique (si ce n’est que l’auteur est marié et père de famille nombreuse), drôle, cynique et déterminé. Sympathique et distant.
Paru au début des années 90, « L’été de cristal » (puis la suite de la trilogie) a connu un succès d’estime. La Glasnost puis la chute du mur de Berlin ne donnaient sans doute pas envie de se replonger dans un passé douloureux. Réédité en 2009, les trois tomes trouveront alors leur public, phénomène amplifié par Internet et les blogs littéraires qui encensent littéralement cette trilogie et en font un formidable succès de librairie.
Nous avons beaucoup parlé de Berlin aussi, cette ville honnie par les nazis qui lui préféraient Munich, et des Berlinois. Certains d’entre nous connaissant très bien cette ville pour y avoir vécu. D’autres romans d’autres auteurs ont été cités pour ceux qui souhaitaient la voir à nouveau mise en scène. J’ai noté au vol : Seul dans Berlin de Fallada, L’histoire de l’Histoire de Ida Hattemer-Higgins, Berlin Café de Nebenzal, Mon enfant de Berlin de A.Waziemski, Les démons de Berlin et Deux dans Berlin, dont je n’ai pas eu le temps de noter les auteurs. J’ajouterai aussi Jonathan Rabb.
Finalement, la déception première s’est estompée et nous avons tous passé un très bon moment. Près de ¾ d’heure a discuté de littérature, quoi de plus plaisant ?
Quant aux photos qui illustrent l’article, elles ont été prises lors de ma rencontre-dédicace avec l’auteur, le matin même. Hélas, le monde et l’absence de l’interprète ne m’ont pas permis de discuter fort longtemps.
Tags : philip kerr, quais du polar
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Commentaires
4FranCalLundi 28 Mai 2012 à 00:06Quelle bonne revue des ouvrages de Philippe Kerr. Merci. A propos de Berlin et la naissance de l' horreur : pour ceux intéressés par l'histoire et qui peuvent lire en anglais : je recommande "In the garden of the beasts", de Eric Larson. Le titre "The garden of the beasts" est une traduction littérale anglaise du nom du grand parc berlinois Tiergarten - Le jardin des animaux.; je ne crois pas qu'il y ait encore de traduction française de cet ouvrage, j'espère que cela viendra vite. Le Tiergarten et son voisinage des années 1930, était le quartier des ambassades et de certains grands ministères allemands, ainsi que des différentes forces de l'ordre. "In the Garden of the beasts" concerne les années 1932-1933-1934. On y suit William Dodd qui fut nommé ambassadeur des USA à Berlin, parallèlement à notre ambassadeur à Berlin André François-Poncet. C'est à cette époque que se passe l'épisode hitlerien de la "nuit des longs couteaux" Ce livre est une narration historique, non romancée, mais se lit comme un roman, y compris la vie sentimentale un peu compliquée de la fille de l'ambassadeur, Martha Dodd. C'est un livre passionnant On y comprend un peu plus comment on en est arrivé à ces temps d'horreurs, et comment certains - allemands ou autres - erntrèrent en contact avec ce qui deviendra plus tard des réseaux d'espionages, soviétiques en particulier. Comme je vis la plupart du temps aux Etats Unis, j'ai trouvé cet ouvrage, que je termine maintenant, absoluement fascinant.
Grand merci pour ces informations très intéressantes. J'espère que la parution en français se fera prochainement.
Il est depuis paru en français et je l'ai lu avec grand intérêt. C'est effectivement un ouvrage très intéressant.
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Rencontre intéressante mais quel dommage que l'auteur ne soit pas venu.