-
Tenir sa langue, Polina PANASSENKO
"Ce que je veux moi, c'est porter le prénom que j'ai reçu à la naissance. Sans le cacher, sans le maquiller, sans le modifier. Sans en avoir peur."
Elle est née Polina, en France elle devient Pauline. Quelques lettres et tout change.Mon avis :
Ce roman sur l’exil et l’identité raconte le parcours du combattant d’une jeune femme pour retrouver son prénom de baptême, francisé à son arrivée en France. Née en Russie, Polina suit ses parents à Saint Etienne après la chute du mur de Berlin.
Les chapitres alternent entre la Russie et la France. La narratrice nous raconte son enfance, l’histoire de l’URSS puis de la Russie, ses traditions, croyances et vie de famille où elle partageait deux pièces avec ses parents, sa sœur et ses grands-parents. Elle relate aussi son arrivée en France, la découverte de la maternelle, des brimades enfantines, des insultes… mais aussi des dessins animés qu’elle regarde et qui la familiarise avec le français.
Polina butte contre l’entêtement de la justice qui ne voit pas d’urgence ou de bien fondé à sa demande. Mais elle, elle a un besoin viscéral de renouer, par son prénom russe, avec l’histoire de sa famille, ses exils, ses difficultés de vie et ses joies.
Elle se souvient de l’insouciance de l’enfance mais aussi des mots murmurés qui ne font pas sens pour elle, des superbes fontaines qui n’ont jamais craché d’eau, des « boites kaki avec une sorte de kaléidoscope intégré » qui ont envahi les rues en août 1991… Spectatrice d’un monde en mutation, elle ne comprend pas ce qui se déroule et les enjeux que cela représente. Elle n’a pas les mots pour nommer les choses. Puis « des blocs de béton plein d’orphelins sourds-muets » qu’elle devra apprivoiser. Elle apprendra le français, apprendra à se positionner face à lui ; russe à l’intérieur, français à l’extérieur.
Ce roman a reçu le prix Femina des lycéens 2022. Cette histoire d’identité est celle de nombreux jeunes d’aujourd’hui. Elle est racontée avec humour et profondeur dans un texte intime et fort faisant appel aux souvenirs d’enfance. La langue est vivante, inventive et la plume de l’auteure agréable. Cependant le récit n’est pas anecdotique ; le texte est empreint d’une puissance politique et symbolique comme le sont les deux lettres du changement qu’elle revendique.
Comédienne, traductrice et autrice de ce premier roman Polina Panassenko nous offre un récit autobiographique vivace et fort. Tenir sa langue, c’est à la fois la préserver et se préserver.
Tags : langue, enfance, identité, exil, intégration
-
Commentaires
4VirginieSamedi 21 Janvier 2023 à 00:36Merci pour cette idée lecture.
Ce que j'aime chez vous c'est que vous lisez de tout et cherchez toujours le positif d'un livre même s'il vous a moins plu.
C'est chouette.
Ajouter un commentaire
Un bon souvenir de lecture pour moi, de l'humour en effet. et sans doute des situations que d'autres ont vécues!
Je ne serais pas venu à cette auteure si elle n'était pas de Saint-Etienne, dont je hante la Fête du Livre année après année. Bonne pioche!
Je te souhaite une bonne année 2023, pleine de bonheur. Qu'elle te garde en bonne santé!