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Tranchecaille, Patrick PECHEROT
1917, Chemin des Dames. L’offensive de Nivelle qui envisageait de gagner Laon en 24h, s’enlise durant trois mois. Plus de 200 000 soldats français y trouveront la mort mais c’est le décès de l’un d’eux, le lieutenant Landry, qui intéresse l’armée. Pourtant, un cadavre de plus ou de moins... Mais il semblerait qu’il ait été assassiné. Tout accuse Antoine Jonas, surnommé Tranchecaille suite à sa prise de bec avec le lieutenant pour une histoire d’uniforme trop grand. Présenté comme nigaud par les uns, manipulateur par les autres, Jonas a pour le défendre le capitaine Duparc, qui ne sait que penser.
Commence alors une enquête auprès des camarades du soldat, mais aussi de tous ceux qui l’ont croisé les semaines précédant l’assassinat. Nous plongeons dans le quotidien des tranchées, dans ce conflit qui s’enlise, découvrons les privations, les ordres contradictoires, la faim, la peur... Comment ne pas renâcler, envisager de déserter dans ces conditions ? Insubordination, mutineries, fraternisations apparaissent. Il faut y mettre bon ordre !
Comment aujourd’hui, peut-on admettre qu’un soldat soit passé par les armes parce qu’il a refusé de porter un pantalon ensanglanté, récupéré sur un cadavre ? Comment ne pas avoir pitié de ces soldats qui s’échangent le temps d’un soir, chocolat allemand et tabac français ?
Plongeant dans les faits historiques, ce roman noir évoque Barbusse, Dorgelès, la création du « Canard enchaîné », relate l’épisode du pantalon rouge et d’autres événements historiques.
Tout comme dans le roman de Thierry Bourcy « La cote 512 », nous avons affaire à une blessure mortelle dans le dos. Là où Célestin Louise cherchait un assassin, le capitaine Duparc cherche un mobile. Nous suivons l’enquête, saisissante et minutieuse, cherchant à nous forger une opinion sur la culpabilité du présumé meurtrier.
Un autre attrait de ce roman tient d’une part dans la réflexion qu’il nous livre sur ce conflit et la vie de ceux qui y participent et d’autre part dans ses personnages dont l’auteur s’attache à décrire l’humanité avec un ton juste et une langue rendant avec minutie le parler de chacun, qu’il soit intellectuel, noble ou paysan. Les courts chapitres donnent un rythme soutenu au récit et la diversité de ceux-ci (transcription des interrogatoires, récit du front, lettres...) permet de se faire une idée précise des faits et des pensées de l’inspecteur, de Jonas et des autres protagonistes.
Un bon roman noir intégrant à merveille l’aspect sociologique et historique avec l’enquête en elle-même. A découvrir en cette fin juillet 2014, cent ans après le début de la Grande Guerre.
Tags : Tranchecaille, Première Guerre mondiale, tranchées, meurtre, conditions de vie, Pécherot
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Commentaires
L'auteur était au Salon du livre de Paris, ce fut une rencontre intéressante (je lui ai fait découvrir Xavier Hanotte... indécrottable... et lui m'a parlé de musique liée à la Grande Guerre) ;-)