• Ces femmes debout

    Ces femmes deboutColette Braeckman est journaliste au journal Le Soir et Guy-Bernard Cadière est médecin à l’hôpital St Pierre à Bruxelles. Il est aussi le collègue du Docteur Denis Mukwege. Il part d’ailleurs ce samedi le rejoindre au Congo.

    Rencontre autour du livre « Le viol, une arme de terreur » édition Mardaga.
    Depuis 20 ans, une violence inouïe frappe l’est du Congo et les femmes paient un lourd tribut. Cette situation cauchemardesque, inconnue avant 1994, a pris ses racines au Rwanda. Le viol tacitement accepté sur les champs de bataille depuis la nuit des temps y a pris une nouvelle dimension : il est maintenant utilisé à des fins stratégiques, une véritable arme de guerre.

    En quoi ces femmes sont-elles debout ?

    CB : Les femmes victimes de ces viols atroces ne veulent pas rester victimes et le Dr Mukwege veut leur donner un avenir. Elles repartent dans la vie après l’intervention. C’est pour elles un impératif de survie.

    Les femmes sont actives aussi pour dénoncer et empêcher ces viols de se reproduire, de continuer. Elles ne peuvent pas compter sur les hommes qui ne font pas grand-chose pour les aider dans cette société machiste.

    GBC : Mon expérience me met face à des femmes mutilées, détruites physiquement et psychologiquement. Elles sont debout pourtant. Elles ont des personnalités extraordinaires. Elles se projettent dans l’avenir et sont porteuses d’espoir. Elles savent qu’elles ne peuvent compter que sur elles. Souvent rejetées par les époux, montrées du doigt, elles doivent travailler pour vivre et élever leurs enfants. Je les trouve extraordinaires. C’est enthousiasmant de les voir et porteur tant on reçoit de reconnaissance.

    Est-ce que la situation change ?

    CB : oui au plan macro (dans l’armée congolaise par exemple) car il y a eu des procès et des punitions ; depuis le nombre de viols de soldats congolais de l’armée a diminué. Non pour ce qui est des groupes armés, même s’ils sont en baisse. Il y a dix ans, le viol était le monopole des groupes armés mais ce phénomène commence à se « populariser » et à être commis par des civils.

    GBC : Il y a moins de femmes qui arrivent victimes de bandes armées par contre, les viols se diluent dans la société civile car la loi n’existe pas en matière de viol. On n’a jamais légiféré. Les mineurs victimes d’abus sexuels sont de plus en plus nombreux. Au point de vue physique, la médecine a beaucoup évolué et on peut les sauver mais au niveau psychologique, on ne sait pas ce que donnera l’avenir de ces enfants.

    Le film « La colère d’Hippocrate » a été présenté au Congo et dans la capitale, les habitants disaient qu’ils ne se rendaient pas compte de la situation à l’est. Les femmes ont dit que cela ne se limitait pas à l’est mais dans la capitale même, cela se produit tous les jours ainsi qu’au Katanga. A Bukavu, cela n’existait pas auparavant. D’ailleurs le mot viol n’existe pas en swahili.
    Ces femmes debout

    CB : On a intégré dans l’armée nationale des personnes venant de bandes rebelles et cela a influencé sur la mentalité. Les démobilisés portent en eux cette pratique et rien n’est fait pour les encadrer dans la vie civile et les empêcher de recommencer.
    La guerre vient des richesses minières du nord Kivu et c’est là que les premiers viols ont été commis. Faire fuir la population permettait de piller les ressources. Le viol a donc été instrumentalisé comme stratégie de guerre car le viol déstructure le tissu social.

    Cela a le même effet qu’une guerre et c’est moins couteux. Si on touche la femme, on touche à la société, structure de base et force de celle-ci.

    Y a-t-il des solutions d’avenir ?

    CGB : Dans le monde, il y a une prise de conscience formidable. Au Congo, on mesure seulement l’ampleur de ce phénomène. Heureusement, le film va être autorisé partout et les gens seront informés. On s’est rendu compte lors de la projection privée à Kinshasa que les Kinois ne connaissent pas Denis Mukwege !

    GBC : A Bukavu, les femmes s’organisent. Après l’attentat dont sa famille et lui ont été victimes, Denis Mukwege a été exilé. Les cultivatrices de Bukavu se sont cotisées pour payer son billet d’avion et se sont rangées par milliers le long de la route pour le protéger ! Tout au long de son travail, elles se sont relayées comme garde du corps et continuent aujourd’hui encore.

    La situation chez nous est-elle meilleure ?

    GBC : En Europe, 4 femmes par jour se font violer. La violence faite aux femmes est le grand défi du 21e siècle (physiquement et par appropriation de leur corps dans la pub…) Nous sommes confrontés à la violence extrême mais cela se voit à tous les niveaux, dans toutes les sociétés… Notre société machiste doit cesser. Dans l’éducation, il y a encore des progrès à faire  ainsi que dans le respect dû à la femme. Banaliser le viol, comme je l’ai entendu ces derniers temps, c’est incroyable et honteux. Il doit y avoir des sanctions exemplaires pour les violeurs.

    CB : Le machisme sévit partout. Le manque de respect, le mépris sont le quotidien de toutes les femmes. Ne nous voilons pas la face.

     

    Foire du Livre de Bruxelles, 19 février 2016

     

     

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Jacqueline
    Jeudi 25 Février 2016 à 10:10

    Que dire ? J'en ai le ventre noué..... et les mâchoires serrées de révolte .....

    Le viol = l'acte bestial par excellence .... qui doit être jugé comme un crime .....

      • Jeudi 25 Février 2016 à 19:07

        Je suis tout à fait d'accord.

    2
    Jeudi 25 Février 2016 à 21:00

    Merci de partager avec nous cet interview qui permet une belle prise de conscience

    3
    Vendredi 26 Février 2016 à 16:16

    Merci pour ce compte-rendu que nous avons relayé sur notre page facebook ! :-)

    Éditions Mardaga

      • Vendredi 26 Février 2016 à 20:11

        De rien. Ce fut un moment très fort de cette Foire du Livre.

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    4
    Vendredi 26 Février 2016 à 16:49
    Alex-Mot-à-Mots

    Quel privilège de vivre dans un pays en paix.

      • Vendredi 26 Février 2016 à 20:12

        Tu as tout à fait raison. Je le dis souvent à mes élèves.

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