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Le dernier bain, Gwenaële ROBERT
Paris, an II. La France vibre sous le souffle de la Terreur.
Jane, une jeune Anglaise cachée dans l’appartement d’aristocrates émigrés, Théodose, un moine qui a renié sa foi par peur de la guillotine, Marthe, la lingère de Marie-Antoinette emprisonnée au Temple, David, le fameux peintre et député de la Convention, ou encore une Normande du nom de Charlotte Corday, tout juste arrivée à Paris… Ils sont nombreux, ceux qui tournent autour du logis de la rue des Cordeliers où Marat, cloîtré, immergé dans des bains de soufre, traque les suspects hostiles aux idées de la République.
Il ignore que certains d’entre eux souhaitent sa mort et qu’il ne lui reste plus que trois jours à vivre.
Mon avis
Cette lecture s’inscrit à la fois dans le challenge #Marsauféminin et dans le Prix Horizon du 2e roman. Je serais probablement passée à côté si je n’avais pas fait partie du jury de ce Prix et cela aurait été dommage tant ce roman est intelligent et bien construit.
Gwenaële Robert est professeur de lettres. Avec une plume élégante et fine, mais simple à appréhender, elle dépeint avec précision l’ambiance du Paris de la Terreur, des violences d’Etat, des exactions de ceux qui revendiquent son autorité, des délations de « bons » citoyens… On ne peut pas parler à proprement parler de roman historique même si son récit s’appuie sur des faits réels, car la plupart des personnages sont des personnages de fiction. Ce qu’elle tend à nous montrer c’est davantage une époque dont parlent peu les manuels scolaires et qui est bien loin des idéaux de la Révolution. Et le contexte historique est intégré de manière très réussie au récit. Elle nous montre aussi le vrai visage de Marat à la fois craint et adulé et donc cible de choix pour les opposants au régime.
Ses personnages nous font entrer de plein pied dans le Paris de la Terreur, chacun par un chemin différent. L’un rêve de vengeance, l’autre de réparation, un troisième culpabilise d’avoir été faible et lâche et un quatrième agit par idéal espérant faire cesser les massacres. L’auteure nous laisse penser que c’est le hasard qui a fait de Charlotte la meurtrière car d’autres auraient tout aussi bien pu se charger de cette tâche, tant leur haine du révolutionnaire était forte.
A travers ce roman polyphonique, l’auteure nous fait entendre des voix de femmes pour lesquelles la Révolution a ouvert des possibles. Deux d’entre elles voyagent seules, vivent seules, impensable à l’époque ; une troisième ose s’affirmer contre les idées de son mari et l’on sent planer l’ombre d’Olympe de Gouges. Les interventions des hommes lors du procès de Charlotte Corday donnent à voir ce qu’est alors la condition de la femme et l’on comprend que l’acte de cette dernière fait peur parce que, par lui, la femme apparaît comme dangereuse, à l’instar des hommes.
Partant du tableau célèbre de David, Gwenaële Robert remonte le temps pour nous permettre d’imaginer comment on en est arrivé là et pourquoi. Peu à peu, par petites touches, elle peint à son tour l’Histoire autour de l’œuvre.
Enfin, « Le dernier bain » m’a appris aussi que la baignoire de Marat n’était pas celle du tableau et que la vraie était conservée au Musée Grévin et le tableau aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles, choses que j’ignorais.
Habillement construit, tenant en haleine jusqu’au bout malgré l’issue connue, ce roman m’a beaucoup plu. Cette déconstruction d’un mythe, s’appuyant sur des faits historiques, fut une très belle et agréable lecture.
Tags : roman polyphonique, Histoire, Terreur, femmes, vengeance, liberté, Marsauféminin, Prix du 2e roman
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Commentaires
Oui et vue d'un autre point de vue. J'ai beaucoup apprécié.