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On ne touche pas, Ketty ROUF
Joséphine est prof de philo dans un lycée de Drancy. Elle mène sa vie entre Xanax, Tupperware et injonctions de l’Education nationale qui lui ôtent le sentiment d’exister.
Sauf que.
Chaque nuit, Joséphine devient Rose Lee. Elle s’effeuille dans un club de striptease, se réapproprie sa vie, se réconcilie avec son propre corps et met à adorer le désir des hommes et le pouvoir qu’elle en retire, conciliant ainsi glamour et grisaille.
Mais de jouer avec le feu, Rose Lee pourrait bien finir par se brûler les ailes.
Mon avis :
Philosophe, Ketty Rouf a bifurqué vers la danse pour être aujourd’hui professeur d’italien. Elle nous narre dans « On ne touche pas » une histoire tellement vraisemblable, tellement vivante, qu’elle est vraisemblablement la sienne.
Loin des conventions, des bienpensants et de la rigueur attendue d’un prof de philo, Joséphine qui suit des cours d’effeuillage chaque vendredi décide un jour de sauter le pas et de se lancer dans une boite de striptease. L’enseignement la déçoit, le manque d’intérêt et de curiosité des élèves l’éteignent et elle traine les pieds à chaque rentrée minée par une dépression qu’elle ne veut pas nommer. Elle fuit donc ces conditions de vie et de travail en réalisant un fantasme, dans une boite branchée des Champs-Elysées où elle devient Rose Lee. Cette double vie l’épanouit rapidement. Elle se découvre séduisante, sûre d’elle et semble enfin avoir le contrôle sur sa vie. Pour la première fois, elle jette sur elle-même un regard bienveillant et positif et commence même à s’aimer.
On comprend entre les lignes que Joséphine a une revanche à prendre sur la vie, sur son éducation, ses blessures. Le monde de la nuit que d’aucun méprise lui fait découvrir une vraie solidarité féminine, une famille ainsi que les faiblesses et les failles des hommes. Sans jamais juger ces derniers, elle écoute, rassure, donne, vend du rêve et s’épanouit psychologiquement en même temps qu’elle s’éreinte physiquement dans cette double vie.
« On ne touche pas » est un livre généreux et touchant que je ne m’attendais pas à aimer autant. Le début est un peu lent et Joséphine n’est guère avenante, trainant sa misère dès le saut du lit. Son regard sur l’école me paraissait aussi d’une extrême caricature. Mais au fil des pages, le ton change, les clichés se gomment un peu et le portrait déprimant du milieu éducatif prend les allures d’un plaidoyer pour un vrai changement dans l’Education Nationale. Et on ne peut que lui donner raison dans les critiques qu’elle formule sur le système, son extrême bureaucratisation, les programmes incohérents et vidés de leur substance qui poussent au désenchantement de profs désormais désabusés. Sans parler des efforts importants qu’il faut déployer pour continuer à éveiller les jeunes, les pousser à réfléchir, à apprendre pour eux-mêmes et allumer dans leurs yeux l’étincelle d’un avenir positif.
Entre légèreté et profondeur, dans une langue impeccable et cyniquement drôle, ce roman nous incite à l’introspection pour répondre à la question existentielle du sens de la vie. Et comme Marc Aurèle réfléchir à cette sentence pour ne pas avoir de regret : « Ce qui dépend de toi, c’est d’accepter ou non ce qui ne dépend pas de toi. ».
Tags : premier roman, philosophie, enseignement, striptease, sens de la vie, bonheur, introspection
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Commentaires
2JacquelineMercredi 13 Janvier 2021 à 09:14
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Lu il y a quelques semaines - je l'ai trouvé vraiment puissant.
Oui. C'est le mot.