• Si c'est un homme, Primo LEVI

    Si c'est un homme, Primo LEVI"On est volontiers persuadé d'avoir lu beaucoup de choses à propos de l'holocauste, on est convaincu d'en savoir au moins autant. Et, convenons-en avec une sincérité égale au sentiment de la honte, quelquefois, devant l'accumulation, on a envie de crier grâce.
    C'est que l'on n'a pas encore entendu Levi analyser la nature complexe de l'état du malheur.
    Peu l'ont prouvé aussi bien que Levi, qui a l'air de nous retenir par les basques au bord du menaçant oubli : si la littérature n'est pas écrite pour rappeler les morts aux vivants, elle n'est que futilité."
    Angelo Rinaldi

    Mon avis :

    Primo Levi raconte ici les treize mois qu’il a passés dans le camp d’Auschwitz III, à 24 ans, après son arrestation par la milice fasciste. Comme il le précise dans la préface écrite en 1947, ce sont des souvenirs, parfois désordonnés, qui caractérisent la vie au camp et l’état d’esprit qui y régnait. Ce témoignage poignant est un des premiers à avoir décrit l’horreur. Depuis, nous sommes bien sûr au courant de tout cela, mais jamais nous ne pourrons appréhender dans notre chair ce que ces hommes et ces femmes ont vécu.
    Primo Lévi évoque le long voyage dans les wagons de marchandise, la faim, la fatigue, l’arrivée au camp et le hasard qui fait que certains prennent la « bonne » file et d’autres non. Il décrit ensuite la structure du camp et ses règles qui séparent les prisonniers selon leur origine et leur religion. Puis viennent les conditions de vie dans les baraquements et le travail éreintant, l’infirmerie où il reste vingt jours et où il prendra conscience que seuls ceux qui sont aptes au travail seront gardés.
    Au-delà des descriptions, il nous livre ses réflexions sur la manière dont certains se blindent pour résister à l’horreur ou au contraire deviennent des loups. Et puis il y a, parfois, les combines, les petits riens qui rendent un peu d’espoir dans cette noirceur permanente.

    Sur les nonante-six juifs italiens arrivés avec lui, il n’en reste que 21 à l’hiver 44. Les autres sont morts dont huit envoyés à la chambre à gaz. Noël arrive, la nervosité se fait sentir de part et d’autre, une mutinerie est déjouée, les punitions tombent. Primo Lévi attrape la scarlatine, ce qui lui sauvera probablement la vie ; les Russes approchent, le camp va être évacué. Et puis le 18 janvier 45, les Russes pénètrent dans le camp...

    Ce texte percutant a mis près de quarante ans à trouver son public. Paru en 1947 chez un petit éditeur, il était sans doute trop précoce. Les gens voulaient oublier pas savoir. Les Alliés avaient commandé à Primo Lévi un rapport technique sur le fonctionnement du camp d’Auschwitz. Il s’en est ensuite servi comme base à son livre, y adjoignant les notes qu’il avait rédigées au camp. Aujourd’hui, ce récit est traduit en une quarantaine de langues et est devenu un best-seller.

    Ce qui m’a frappée, c’est le ton neutre employé par l’auteur. Il raconte l’inhumanité de l’univers concentrationnaire de manière détachée, sans émotion. Alors que certains récits évoquent des moments d’entraide ou de furtifs instants de joie, Primo Lévi ne confie que noirceur, ruse et bestialité. Lui-même a compris comment s’adapter pour survivre et ne tente rien pour résister. Il est docile et compose avec le système, lâchement comme il le dit lui-même.

    Ce témoignage d’une grande puissance évocatrice est primordial, pour ne pas oublier l’indicible horreur. Primo Lévi s’est acquitté de ce devoir de mémoire mais son suicide en 1987 démontre sans doute qu’il n’avait pas réussi à vivre avec les fantômes du passé.

    A nous d’être des passeurs de mémoire pour que cela ne se reproduise jamais.

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 27 Mars 2017 à 21:28

    Un classique que je n'ai pas encore lu. Un jour sans doute...

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