• Le garçon qui ne pouvait pas voir les livres en peinture, Ellen WILLERLire, Etienne a toujours détesté ça. Les livres, c'était bon pour les autres, les premiers de la classe, sa mère, les filles, les profs. Lui, il avait mieux à faire. Mais voilà que ses parents divorcent. Rien ne sera plus jamais comme avant. Alors, tant qu'à changer... Le soir de l'annonce, seul, perdu, enfermé dans le bureau de sa mère, Etienne attrape un livre. Un recueil de nouvelles. Le titre de la première le fait sourire: Un jour rêvé pour le poisson-banane. A la cinquième page, le mot « sexe » l'accroche. Et c'est parti. Etienne plonge dans l'histoire. Il se distrait de la sienne. Il devient curieux des livres, amoureux des livres. Au point d'avoir envie d'en écrire un.

    Mon avis :

    Etienne a 16 ans et contrairement à Louise, sa jumelle, il n’aime pas lire. Un soir, alors qu’il a une insomnie et cherche du réconfort, il plonge dans la lecture du premier recueil qui lui tombe sous la main. Et là, c’est la révélation : « je me suis rendu compte que les mots ajoutés aux mots faisaient des phrases. Que les phrases ensemble décrivaient des situations, ou des gens, ou des sentiments. Et que, si j’additionnais les gens, les situations et les sentiments, j’avais exactement ce que je regarde à la télévision, sans avoir besoin de baisser le son pour ne pas déranger ceux qui dorment à côté. »

    Chaque chapitre porte en titre le nom d’un auteur, chaque auteur retrace une étape de la vie d’Etienne, de l’avant divorce à l’après.

    Adolescent sensible, sans réel passion dans la vie, Etienne va trouver dans la littérature le remède au chagrin qu’il n’exprime à personne. C’est l’échappatoire idéale. Il en fera ensuite une arme de séduction et finira par ne plus pouvoir s’en passer. On ne sait pas très bien si ce sont les lectures qui ont un impact sur sa vie ou si ce sont les événements qui le mènent vers ces livres. Tout est lié. Pour notre plus grand plaisir, il raconte ces rencontres littéraires, ses impressions, ses coups de cœur et on y prend goût jusqu’à regretter d’avoir trop vite atteint le mot fin.

    Ce récit initiatique mêlant littérature et découverte de soi est teinté d’humour et plaira aux adolescents qui s’y reconnaitront. Un court récit qui, je l’espère, les poussera à découvrir par eux-mêmes, ce qu’Etienne leur confie sur la lecture et ses plaisirs.

     

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  • Terminus Belz, Emmanuel GRANDIl s'appelle Marko Voronine. Il est en danger. La mafia le poursuit.
    Il croit trouver refuge sur Belz, une petite île bretonne au large de Lorient coupée de tout sauf du vent. Mais quand le jeune Ukrainien débarque du ferry, l'accueil est plutôt rude. Le métier du grand large en a pris un coup, l'embauche est rare sur les chalutiers et les marins rechignent à céder la place à un étranger. Et puis de curieuses histoires agitent en secret ce port de carte postale que les locaux appellent "l'ile des fous". Les hommes d'ici redoutent par dessus tout, les signes de l'Ankou, l'ange de la mort, et pour Marko, les vieilles légendes peuvent se montrer aussi redoutables que les flingues de quelques tueurs roumains

    Mon avis :

    Avec ce premier roman Emmanuel Grand nous plonge au cœur de la Bretagne profonde, de ses légendes et superstitions. Fuyant un pays sans avenir, recherché par des Roumains auxquels il a faussé compagnie, Marko croit trouver asile et paix sur l’ile de Belz. C’est sans compter sur la méfiance des iliens pour l’étranger. Se faire engager comme marin quand le travail manque pour les autochtones, même si sa vie en dépend, n’est pas du goût de tous. Jugand sera le premier à le crier haut et fort. Le danger que Marko croyait fuir sur le continent prend un autre visage sur l’ile. Parviendra-t-il à échapper à ces deux menaces ?

    Ce premier essai est un coup de maître. Le roman d’Emmanuel Grand tient la route d’un bout à l’autre. Qu’il nous parle de la mafia de l’Est, des difficultés de vie des Ukrainiens, des passeurs sans morale ou des superstitions et conditions de vie précaires des marins bretons, l’auteur maitrise la complexité des situations. Il crée une atmosphère tendue où une macabre réalité se mêle aux croyances populaires dans un huis clos impeccablement mené. La rude vie des pêcheurs, la précarité des familles, la promiscuité due à l’isolement... tout sonne vrai et concoure à créer non seulement une ambiance électrique et étouffante mais aussi un regard empathique envers cette population oubliée de tous.

    De tous les personnages, Marko est bien sûr celui dont la psychologie est la plus travaillée mais les pêcheurs de Kelz ont également une personnalité complexe et riche qui amènera nombre de péripéties faisant de ce récit à la fois un thriller palpitant et un roman noir intéressant.

    Bonne surprise que ce roman qui dépoussière quelques thèmes classiques du thriller. Emmanuel Grand est un conteur de talent et j’ai passé un très bon moment à le lire.

     

     

     

     

     

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  • Autoroute du soleil, Grégoire POLETLe départ, le long voyage solitaire, le sauvetage imaginaire par l’amour et la dure réalité. Voilà tout. C’est la vie et le rêve de mon personnage. Qui s’en va. Seul, au volant. Sur les infinies autoroutes. Il y a peu d’objets aussi poétiques dans la vie moderne et quotidienne qu’une autoroute. Sa longueur, son rythme, c’est de la musique, c’est du défilement, c’est en sens unique – une tragédie.

    Mon avis :

    Il – on ne connait pas son nom – roule vers le sud : Lyon, les Pyrénées, Burgos... Il a décidé de changer de vie. Il roule vers un amour de jeunesse, vers la liberté. Du moins le croit-il. 

    Son voyage intérieur, seule sa voiture en est témoin. Par essence, ce voyage ne peut mener à un retour au point de départ, il le sait. A défaut de changer sa vie, il changera le regard qu’il porte sur celle-ci. Sa méditation lui ouvre des chemins intérieurs mettant tous ses sens en éveil.
    Schumann ponctue son trajet, l’émeut, rouvre les souvenirs... Immobile au volant, il laisse défiler le temps. Il la revoit enfant, retrouve les sentiments qu’elle faisait naitre en lui. Il roule vers son destin et cela l’angoisse, lui qui fantasme ce que la vie de Katherine (avec un K agressif et insolent) a pu être durant ces longues années.

    Ce récit de voyage initiatique et solitaire est raconté à la 3e personne. Construit de phrases courtes et vives qui donnent du rythme au voyage, il est plaisant à lire. Trop bref, il ouvre de nombreuses questions qui resteront sans réponse. On aime ou pas.

    Je retiendrai l’écriture poétique de l’auteur et les images qu’elle fait naître.

    Je regretterai, de manière bassement matérielle, les 7,85 € que coûtent ces 35 pages.

    Romancier, né à Bruxelles en 1978, Grégoire POLET vit aujourd’hui à Barcelone

     

     

     

     

     

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