• Soirée québécoise en compagnie de Juliana LEVEILLE-TRUDEL et Simon Philippe TURCOT

    Soirée québécoise en compagnie de Juliana LEVEILLE-TRUDEL et Simon Philippe TURCOT

    Le 18 octobre dernier, j’ai rencontré Juliana Léveillé-Trudel et Simon Philippe Turcot à la librairie L’Oiseau-Lire de Visé.

    Auteure de « Nirliit » roman paru en 2015 au Québec et que j’ai lu à sa sortie, Juliana Léveillé-Trudel était chez nous pour la sortie européenne de son roman. Son éditeur l’accompagnait.

    Simon Philippe Turcot a présenté sa maison d’édition « La Peuplade » et parlé du foisonnement de l’édition québécoise qui est malheureusement peu représentée en Europe. Depuis 2000 ans, de nombreuses maisons d’édition ont vu le jour au Québec (Quartanier, Mémoire d’Encrier, les Allusifs, Alto, Marchand de Feuilles, Héliotrope et tant d’autres) renouvelant le genre et réjouissant un public demandeur. Née en 2006 à Chicoutimi, « La Peuplade » a choisi de se tourner résolument vers des auteurs peu lus et peu publiés afin de les mettre en lumière.

    Très vite, les médias se sont intéressés à leurs auteurs, aidant de jeunes carrières à débuter. Hélas, cela restait confidentiel car Paris bloquait, par sa propre diversité de publications et son importance, la diffusion des maisons d’édition québécoises en Europe. Parfois, les droits étaient vendus à des ME françaises mais très vite, « La Peuplade » a eu besoin de s’introduire elle-même sur le marché, notamment lorsqu’il était question de traduire des auteurs anglophones ou autochtones, ce qui a un coût. C’est aujourd’hui chose faite.

    A la sortie de « Nirliit », les critiques quasi unanimes et l’accueil réservé au roman par les lecteurs, ont surpris Juliana dont c’était le premier roman. Et il continue à faire son chemin.

     

    Soirée québécoise en compagnie de Juliana LEVEILLE-TRUDEL et Simon Philippe TURCOTSoirée québécoise en compagnie de Juliana LEVEILLE-TRUDEL et Simon Philippe TURCOT

    Juliana Léveillé-Trudel a lu des extraits de son roman et répondu aux questions d’Anne qui l’interviewait. L’histoire a été peu déflorée pour laisser place à la découverte d’un peuple méconnu ici et à son histoire.

    « Ce roman est inspiré de mon expérience au Nunavik, où j’ai travaillé et vécu. Durant quatre étés, je me suis occupée à Salluit, tout au nord, d’une colonie de vacances et j’ai vécu au plus près les conditions de vie des Inuits. La narratrice me ressemble beaucoup et l’histoire est une fiction inspirée d’un fait réel. J’ai eu envie de parler de la beauté de cet endroit, des conditions de vie très dures et de la violence faite aux femmes là-bas.

    « Nirliit » signifie « oies sauvages » en inuktitut. Les bernaches passent l’été très au nord du Canada avant de descendre vers le Mexique en hiver. Un peu comme moi qui n’y passait que mes étés.

    En 2013, une autochtone a été assassinée dans la région et son corps n’a jamais été retrouvé. Le roman part de là. Dans la première partie, je m’adresse à Eva, la disparue. J’ai choisi le tutoiement car c’était plus simple pour moi d’écrire une lettre, une confession. Cela me permettait d’apporter plus d’émotions. Dans la seconde, le récit est plus romanesque, plus clair car on y découvre l’histoire du fils de Lizie.

    Le roman comprend des mots en anglais et en inuktitut. C’est une langue vivante, une des trois langues autochtones les plus parlées. Les Inuits sont forcés de parler en plus une des deux langues nationales et peu de blancs parlent inuktitut. Au Québec, petite enclave en terre anglophone, nous craignons de perdre notre français et là, ils parlent plutôt anglais. D’abord parce que c’est une langue plus facile à apprendre ensuite parce qu’ils gardent un ressentiment envers les Québécois. En effet, depuis 1912, ils sont Québécois or le Québec ne s’intéresse pas à eux. Le territoire les intéressait, pas les gens qui y vivaient. Je voulais que cela se sente, qu’on perçoive ces changements de langues, les rythmes différents. Je voulais aussi partager la beauté de cette langue, son humour aussi. (En inuktitut, le mot qui signifie hôpital se traduit par « l’endroit où on est souffrant longtemps » et le mot bar par « lieu où s’échouer ») C’est très réaliste.

    J’avais aussi envie de montrer les différents préjugés qui existent entre les communautés, les conditions de vie, les espoirs et les déceptions de ces gens que j’ai côtoyés.

    Il faut savoir que les communautés inuites ne sont accessibles qu’en avion. Elles ont peu de contact les unes avec les autres et encore moins avec le Québec et le coût de la vie est élevé vu le prix des transports. Par leur isolement, ces communautés ont été les dernières à être « colonisées ». De nomades, ils sont devenus sédentaires par la force. Leur mode de vie a donc radicalement changé.

    En 50 ans à peine, ils sont passés des igloos aux jeux vidéo et ce fut douloureux. Les traditions se perdent, les repères aussi et les traumatismes sont nombreux. Les hommes qui vivaient de chasse et de pêche qui nourrissaient leur famille, ont le sentiment d’être inutiles. En tout cas, inadaptés. Heureusement, il existe aussi des familles qui vivent bien et sont heureuses mais la promiscuité avec le village et l’isolement du reste du monde font que la détresse de certains rejaillit immanquablement sur la communauté.

    Le système éducatif est également inadapté. Imposé par le ministère, il est identique à celui du reste du Québec. On a juste fait un copier-coller. Les Inuits, par traditions, apprennent par observations, imitations, répétitions et les enfants se voient contraints à rester assis à des pupitres avec des livres. Comme il existe peu d’ouvrages en inuktitut (ce fut longtemps une langue orale), dès la 3e primaire, l’enseignement est donné en anglais. De nombreux enfants sont donc perdus et n’arrivent pas au diplôme de fin de primaire. C’est catastrophique.

    Certains Soirée québécoise en compagnie de Juliana LEVEILLE-TRUDEL et Simon Philippe TURCOTplus chanceux, ayant eu plus de facilités, iront ensuite étudier dans le sud. Mais cela a un coût. Toutes les familles ne peuvent se le permettre.

    Si les Inuits vont dans le sud pour étudier, se faire soigner ou travailler, les gens du sud montent aussi dans le nord. On y voit des médecins, des enseignants, des travailleurs de la construction… le salaire étant plus élevé en raison de primes d’éloignement perçues. Mais les conditions de vie sont rudes et beaucoup n’y restent pas plus de quelques années.

    Parfois certains couples mixtes se forment et s’ancrent sur la durée. Mais globalement, peu restent dans le nord. La plupart choisissent de s’installer au sud pour l’éducation des enfants. »

    Un échange avec les lecteurs a précédé une séance de dédicace et chacun a pu ensuite bavarder en particulier avec l’auteure et son éditeur. Pour clôturer cette belle soirée, un nous avons eu l’occasion de déguster du cidre de glace, spécialité québécoise douce et sucrée. Un délice.

    Ce fut un magnifique moment de partages et de découvertes.

     

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 1er Novembre 2018 à 04:38

    Chicoutimi, c'est mon coin!!

    Ça semble très très intéressant cette conférence.  J'adore écouter parles les auteurs. 

      • Jeudi 1er Novembre 2018 à 11:11

        Ça l'était et l'après encore plus car on a jasé de tout et de rien assez longtemps.

    2
    Jeudi 1er Novembre 2018 à 10:50
    Anne (desmotsetdesn)

    Je n'étais pas libre pour la rencontre chez TuliTu, je te remercie donc pour ce compte-rendu !

      • Jeudi 1er Novembre 2018 à 11:11

        Avec plaisir.

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    3
    Samedi 3 Novembre 2018 à 00:05
    isallysun

    Superbe rencontre! 

      • Samedi 3 Novembre 2018 à 21:09

        Ouiiii

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