• Ces enfants-là, Virginie JORTAY

    Ces enfants-là, Virginie JORTAYCe récit-mémoire est celui d’une enfance : un non-lieu. Dans « ces années-là », les adultes étaient libérés. De contrit à sans tabou, le sexe était au cœur de tout. Joyeux, bardés de musiques et d’électroménager, les parents laissaient leurs petits avec des paquets de surgelés pour partir à l’étranger. Et cette insouciance qui faisait ambiance… Les hommes en verve avec, dans leur sillage, les épouses, leurs regards posés, leurs gestes prétendus soignants, l’indicible : les corps d’enfants photographiés, chosifiés et – au passage - abîmés. Cela se passe dans un clos : une sorte de ghetto qu’il faut fuir, fuir – et oublier.

    Quarante ans plus tard, la narratrice revient vers le lieu délaissé ; et retrouve, quasi en l’état, les émotions qui l’avaient habitée. Elle cingle ses personnages, assemble les épisodes. Vient enfin une image, et sortent les non-dits. Dire, aujourd’hui, sans pudeur, ce que leur liberté a coûté à… ces enfants-là.

     

    Mon avis :

     

    La narratrice nous raconte ses années d’enfance et d’adolescence dans une famille des années 60-70, vivant la libération sexuelle de manière décomplexée. Entourée de familles tout aussi émancipées, elle va grandir dans une ambiance trouble et malsaine qu’elle perçoit sans pouvoir le formaliser par des mots. Elle se rend compte que sa famille ne ressemble pas à celles de ses copines d’école mais les gens qu’elle voit, que ses parents fréquentent, ont l’air heureux, épanouis, insouciants. Où est la norme ? Où est la normalité ? Chez elle où tous les rapports entre les personnes sont sexualisés, les jugements physiques quotidiens, les fêtes régulières et les absences de ses parents récurrentes ou chez son amie Gaëlle où tout est calme, feutré, bienveillant, où chaque soir la famille se rassemble pour un repas partagé durant lequel on se parle, on rit, on s’intéresse les uns aux autres ?

    Peu à peu la narratrice grandit, s’interroge, se rend compte qu’elle ne veut pas être assimilée à cette vie-là et va, lentement, s’émanciper de sa famille au prix de sacrifices, souffrances et violences. Il faudra un événement précis pour que tous ses souvenirs remontent à la surface et qu’elle choisisse l’écriture pour expliquer le mécanisme de vie qui fut celui où elle a grandi et permettre à d’autres ayant vécu des choses similaires de, peut-être, par ses mots à elle, trouver les leurs pour se raconter à leur tour.

     

    Ayant l’âge et la nationalité de l’auteure, je me suis retrouvée dans le cadre spatio-temporel de son récit : les émissions télé qu’on regardait en famille (Visa pour le monde, Le jardin extraordinaire…) les bonbons Quality Street que ma grand-mère adorait ou encore le 33 Tours fétiche de sa Mamy « Elvira Madigan » que j’avais aussi. Par contre, j’ai eu une famille ressemblant davantage à celle de Gaëlle.

    La lecture de ce roman m’a bouleversée. En mots simples, percutants et sincères, Virginie Jortay décrit un univers à mille lieues de celui où j’ai grandi. Mais j’y reconnais l’ambiance, l’insouciance et la liberté née de Mai 68. C’était l’époque des films et photos de David Hamilton que chaque fillette punaisait innocemment sur les murs de sa chambre sans soupçonner alors ce qui se cachait derrière cette œuvre.

    Ici la narratrice a peu à peu trouvé la force de réagir et de refuser ce modèle de vie dans lequel elle se sentait instrumentalisée. Elle dénonce cette structure de vie qui la dérangeait et à laquelle elle s’est opposée mais combien d’enfants n’ont pas eu cette force ?

    Un récit brutal, sans faux semblant, qui dit crument mais avec sincérité le vécu d’une jeune fille. Une écriture ciselée et précise, une plume féroce pour une histoire bouleversante et édifiante à lire absolument. Un premier roman qui fera parler de lui.

     

    Merci aux éditions Les Impressions Nouvelles pour cet envoi.

     

     

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  • Commentaires

    1
    pascal
    Mardi 17 Août 2021 à 13:58

    Ce roman m'attire mais je crains mes émotions. Même si j'imagine qu'on ne décrit rien que l'on suggère, comme dans Le consentement. 
    Je le note en tout cas. Merci.

    2
    Mardi 17 Août 2021 à 20:57

    Tu me tentes avec ton billet ! 

    Je trouve dommage d'utiliser ce genre de couverture. Ça ne m'attire pas du tout au premier abord...

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