• Monsieur à la migraine, Valérie COHENVous pensiez tout connaître sur le désir féminin ? Anna, Noémie, Lucia et Julie aussi, jusqu’à ce qu’elles rencontrent Patrice Denis, un sexothérapeute aux méthodes originales.
    Quatre personnalités attachantes, confrontées à la même difficulté de se sentir pleinement Femme.
    Leur point commun ? Patrice Denis, architecte du désir. Cet homme organise des soirées de partage sur le désir féminin auxquelles elles s’inscrivent. Cet adepte du développement personnel va les inviter à un voyage tumultueux dans les tréfonds de leur histoire. Entre rires, pleurs et actes symboliques, elles y livreront leurs secrets les plus intimes, leurs ombres et leurs désirs inavouables.

    Mon avis :

    Avec son dernier roman, Valérie Cohen s’attaque à un sujet longtemps resté tabou : le plaisir féminin. Loin des désolants « Mommy porn » à la mode en ce moment, elle l’aborde avec délicatesse à travers quatre personnages de femme, proches de ses lectrices.
    Anna, devenue grand-mère, prend conscience que son mariage l’étouffe depuis toujours et qu’elle n’a jamais vraiment connu de désir pour ce mari maladroit et sarcastique qu’elle sert plus qu’elle n’aime depuis trente ans.
    Julie rêve de bras d’homme forts et tendres, protecteurs, depuis que celui qu’elle pensait être l’homme de sa vie l’a abandonnée avec quatre enfants en bas âge.
    Lucia a traversé l’océan pour mettre de la distance entre l’homme qu’elle aimait d’une passion dévorante et sa nouvelle vie. "Il était de ces hommes qui vous attachent à eux et décident de la longueur de la laisse."
    Enfin, Noémie rêve de retrouver les émotions qui la bouleversaient tant au début de son remariage.

    Rien de glauque, de lourd ou d’impudique dans ce roman. Au contraire. Valérie Cohen nous parle avec tendresse de ses personnages. J’ai presque envie de dire de ses amies. Sans jugement, elle retrace le parcours de chacune et ce qui les a amenées à se retrouver aux quatre réunions de Patrice Denis, architecte du désir, comme il aime se faire appeler. Entre gêne, regrets, frustrations, envies, espoir, chacune se dévoile tour à tour de manière parfois piquante et des liens se nouent inévitablement entre ces quatre femmes.

    Beaucoup d’émotions traversent ce roman plein d’humour et pas seulement chez les personnages. On ne peut s’empêcher de se reconnaitre parfois dans certaines situations ou de reconnaitre des amies intimes.

    Valérie Cohen nous donne à réfléchir avec ce roman distrayant et bien documenté. Le plaisir est-il le ciment du couple ? Peut-on vivre harmonieusement en couple même si désir et plaisir s’absentent du lit conjugal ? Etre une femme épanouie dans la vie est-ce conditionné à une vie de couple épanouissante ? Autant de questions que l’on s’est inévitablement posées déjà une fois et qu’il serait peut-être bon d’aborder en couple, un jour.

    Valérie Cohen sera à la librairie L'Oiseau Lire de Visé le 29 octobre, accompagnée d'un sexologue, pour parler de son roman avec ses lectrices.

    Monsieur à la migraine, Valérie COHEN6e

     

     

     

     

     

     

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  • Le métier de vivant, François SAINTONGEDurant leur scolarité à Stanislas, deux cousins de la grande bourgeoisie, Max et Léo, et un fils de famille aristocratique, Lothaire, forment un trio soudé que la guerre de 1914 va séparer avant que la paix ne les réunisse.
    Pied-bot désinvolte et érotomane pratiquant, Lothaire échappe à la conscription. Léo, pilote breveté, et homme de devoir, accomplit le sien. Max demeure embusqué à la Maison de la Presse où il officie aux côtés de Cocteau et de Giraudoux avant de partir combattre en 1917 sur le front d’Orient. Démobilisé, Max accompagne avec son habituelle nonchalance la révolution surréaliste et se fait marchand d’art. Une histoire d’amour passionnelle et énigmatique l’attache par intermittence, durant plus de vingt ans, jusqu’au dénouement à Londres durant le Blitz, à Dionée Bennet. Cette jeune aventurière, devenue grand reporter, couvre tous les conflits des années vingt et trente. Elle est le parfait sosie de Max en femme : sont-ils frère et sœur, incestueux à leur insu ? Et pourquoi semble-t-elle ne pas s’étonner de leur confondante ressemblance ?

    Mon avis :

    Je découvre ici François Saintonge -n’ayant pas lu « Dolfi et Marylin » son précédent roman- mystérieux auteur connu, se cachant derrière ce pseudonyme. J’ignore qui il est mais son érudition est indéniable de même que ses connaissances historiques.

    Le récit commence en 1917 à Paris et se termine en 1941 à Londres. Max, le personnage central, est l’essence même du bourgeois dilettante, un fils unique surprotégé, un embusqué qui se complait à la Maison de la Presse alors que la guerre fait rage. Il n’a pas choisi de fuir son devoir mais ne s’y est pas opposé non plus. Vexé par une caricature anonyme qui lui a été envoyée où on le traite vulgairement de lâche, il se laissera convaincre par son oncle de faire son devoir et sera envoyé sur le front d’Orient d’où il reviendra borgne. Il n’en tirera aucune gloire, aucune satisfaction du devoir accompli, plutôt un soulagement d’être devenu comme tout le monde. Alors que son cousin Léo se lance dans une carrière politique au lendemain de la guerre, Max ouvrira sans grand enthousiasme, une galerie d’art baptisée « Les Survenants » qui, contre toute attente, marchera très bien. « Distraitement patriote, mollement démocrate, machinalement humaniste, tel est Max. »

    Outre le récit de l’amitié entre Max, Léo et Lothaire, leur ami handicapé, le roman fait la part belle à la relation épisodique que Max entretient avec Dionnée Bennett pendant plus de vingt ans, une jeune femme indépendante et libre, engagée, tout son contraire mais qui lui ressemble étrangement. On n’aura de cesse de connaitre le mystère de cette ressemblance quasi gémellaire.

    Ce roman d’amitié et d’amour se déroule des derniers soubresauts de la Grande Guerre jusqu’au dénouement à Londres durant le Blitz. A travers ce quatuor, ce roman nous permet de saisir l’esprit d’une époque. Loin des tranchées et des combats, la première partie nous immerge dans le quotidien des nantis, de ceux qui n’ont pas été mobilisés et vivent à Paris comme si la guerre n’existait pas. Loin du feu, Max mais aussi Cocteau, Giraudoux, Halévy, Morand... de brillants intellectuels auscultent l’opinion publique internationale en dépouillant la presse étrangère. Cocktails, diners mondains, premières et vernissages, ces plaisirs de l’arrière égalent pour eux l’agrément qu’on peut éprouver à risquer sa vie sans la perdre. D’ailleurs manger, boire, s’amuser, n’est-ce pas le métier des vivants ?

    François Saintonge nous conte ensuite la France d’entre deux guerres : les tiraillements politiques, les conflits internationaux de Salonique à Madrid en passant par Saigon, l’essor culturel littéraire et pictural (Oscar de Lubicz-Milosz, André Breton, Masson, Miro, Picabia...) la marche des Croix de Feu, le scandale du journal Le Temps... Une vingtaine d’années sont brossées à larges traits nous donnant à voir la vie des classes dirigeantes, à cent lieues des préoccupations de la classe ouvrière.

    Mêlant romanesque, aventure et histoire, ce récit se lit aisément. J’ai apprécié la langue soutenue et recherchée dans laquelle s’exprime l’auteur, un peu moins le rythme stylistique, un peu trop saccadé à mon goût. J’ai davantage apprécié le côté historique du récit -qui n’est pas, comme tant d’autres, un simple décor dans lequel les personnages pensent et agissent comme nous le ferions- que l’aspect romanesque. Ne vous lancez pas dans cette lecture pour y découvrir une grande histoire d’amour, vous seriez déçus. Elle fait partie du récit mais « Le métier de vivant » est plutôt une fresque historique critique et c’est en cela qu’il est intéressant.
    Je vous le recommande.

    Merci à NetGalley et aux éditions Grasset pour cet envoi numérique.

    Le métier de vivant, François SAINTONGE5e

     

     

     

     

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  • Le mec de la tombe d'à côté, Katarina MAZETTIDésirée se rend régulièrement sur la tombe de son mari, qui a eu le mauvais goût de mourir trop jeune. Bibliothécaire et citadine, elle vit dans un appartement tout blanc, très tendance, rempli de livres. Au cimetière, elle croise souvent le mec de la tombe d'à côté, dont l'apparence l'agace autant que le tape-à-l'œil de la stèle qu'il fleurit assidûment. Depuis le décès de sa mère, Benny vit seul à la ferme familiale avec ses vingt-quatre vaches laitières. Il s'en sort comme il peut, avec son bon sens paysan et une sacrée dose d'autodérision. Chaque fois qu'il la rencontre, il est exaspéré par sa voisine de cimetière, son bonnet de feutre et son petit carnet de poésie. Un jour pourtant, un sourire éclate simultanément sur leurs lèvres et ils en restent tous deux éblouis... C'est le début d'une passion dévorante. C'est avec un romantisme ébouriffant et un humour décapant que ce roman d'amour tendre et débridé pose la très sérieuse question du choc des cultures.

    Mon avis :

    En débutant ce roman qui a eu un énorme succès à sa sortie, en 2006, je ne savais trop à quoi m’attendre. On entre lentement dans l’histoire, passant des pensées de Désirée à celles de Benny. Volontairement caricaturaux (une bibliothécaire carriériste, cultivée et organisée, et un fermier prosaïque débordé par la gestion de ses terres) les personnages n’ont rien en commun si ce n’est leur solitude. Se fiant à l’apparence de l’autre, ils laissent libre cours à leurs préjugés en imaginant à quoi ressemble sa vie et le déteste cordialement. Jusqu’au jour où ils échangent un sourire qui va bouleverser l’ordre des choses.

    Je me suis rapidement attachée à ces deux personnages. J’ai apprécié l’alternance des chapitres qui leur donnent la parole à tour de rôle et permet au lecteur de découvrir le point de vue de l’un et de l’autre, leur questionnement, leurs émotions... Radicalement différents, dans leurs idées comme dans leurs réactions, ils sont entiers et ne trichent pas, conscients que leur histoire, si elle dure, ne sera pas simple. Maladroits, émotifs, sincères, ils cherchent un langage commun à une relation dont ils n’ont pas les codes.

    On dit que les contraires s’attirent. Ce roman pose la question de la différence sur le long terme et des concessions que l’on est prêt à faire, ou non, pour rejoindre l’autre dans son univers. La passion peut-elle déboucher sur une relation stable et durable quand l’on doit renoncer à ce qui fait notre vie ?

    Avec humour et légèreté, l’auteure traite d’un sujet sérieux. Le style est fluide et rythmé, les dialogues impertinents et subtils, les réflexions justes. Il y a beaucoup de tendresse dans ce roman et j’ai passé un bon moment, entre rire et émotion, à le lire.

    Une bonne surprise que ce roman frais et délassant.

     

     Le mec de la tombe d'à côté, Katarina MAZETTI

     

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  • Courir après les ombres, Sigolène VINSONDu détroit de Bab-el-Mandeb au golfe d'Aden, Paul Deville négocie les ressources africaines pour le compte d'une multinationale chinoise. De port en port, les ravages de la mondialisation lui sautent au visage et au cœur de la beauté du monde dont il ne peut empêcher la destruction. Les merveilles qui ne s'achètent pas ne risquent-elles pas de disparaître dans un système où toute valeur se chiffre ? Paul se met alors à chasser un autre trésor : les "écrits jamais écrits" d'Arthur Rimbaud ; il veut le croire, le marchand d'armes n'a pas tué le poète. Inlassablement, il cherche. Trouvera-t-il plus que le soleil aveuglant, la culpabilité d'être et la fièvre ?

    Mon avis :

    Depuis des années, la Chine se développe et constitue un réseau de bases navales dans les pays voisins afin de garantir la sécurité de ses voies d’approvisionnement en matières premières. Elle s’efforce de tisser un réseau d’alliances commerciales et maritimes autour de l’Inde, sa rivale, en créant « un collier de perles » en mer Rouge, comme le disent les Américains. En échange de l’installation des bases navales, la Chine établit des contrats commerciaux, goudronne des routes, construit des hôpitaux, renouvelle les infrastructures...

    Paul Deville travaille pour une compagnie chinoise, la Shangaï Petroleum, Chemical and Mineral Corporation. Trader en matières premières, il participe à l’élaboration de ces bases. Ce diplômé en économies est aussi un rêveur et un poète. A Djibouti, il recherche les écrits jamais écrits d’Arthur Rimbaud. Aidé de Harg, un ami qu’il paie pour cela, il fouille un bateau vapeur, Le Pingouin, qui aurait appartenu à John T. Rountree, le dernier amant de Rimbaud. Il sait que tout cela est faux, issu de son imagination, mais il persiste à croire que le marchand d’armes n’a jamais tué le poète.

    A Mascate, il a rencontre Mariam, une jeune pêcheuse somalienne. Elle l’attend de mois en mois, amoureuse, et espère partir avec lui. Mais la différence d’âge le tient à l’écart de cette gamine solitaire, intuitive qui l’émeut pourtant. Lui qui tente de se forger un destin et une identité, il admire cette jeune fille de quatorze ans qui sait qui elle est et ce qu’elle veut. Il lui offrira un collier de perles. Tout un symbole.

    Paul voudrait créer un nouvel ordre mondial, un nouveau système économique soucieux de l’écologie, de l’humain, dans toutes ses dimensions. Il y a longtemps travaillé après la remise de sa thèse. Il avait jugé que les ressources étaient à chercher du côté des biens immatériels et des forces créatrices, des livres et des poèmes jamais écrits. Mais malgré une certaine reconnaissance, il avait vite compris que face à la course au profit, il demeurerait impuissant. Aussi a-t-il décidé de participer au système actuel de l’intérieur pour en précipiter la chute.

    Cette fable moderne nous plonge dans un contexte poétique et romanesque malgré la noirceur du décor, les mensonges et les tromperies. Comme ce contrat signé afin d’exploiter le sel du lac Assal à Djibouti alors que c’est le lithium qu’il contient qui intéresse la compagnie. Du lithium acheté au prix du sel !

    Porté par une langue brute et poétique, ce roman met en scène un idéaliste. Conscient de sa propre finitude et de son humble condition, il ira au bout de son absolu pour contrer les ravages de la mondialisation.
    De sa plume vive, l’auteure secoue nos certitudes. L’Occident admire l’ascension économique et sociale de la Chine. Une ascension fulgurante mais à quel prix ?

    Heureusement, la poésie sauvera les hommes d’être des hommes.

    Un récit étonnant et fort, mon premier coup de cœur de la rentrée.

     

     

    Courir après les ombres, Sigolène VINSON4e

    Merci à NetGalley et aux éditions Plon pour cet envoi numérique.

     

     

     

     

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  • Soeurs de miséricorde, Colombe SCHNECK« Elle n’a pas le choix, elle doit partir. À Santa Cruz, tout est fermé, plus rien ne circule, l’argent, les gens, même les fruits pourrissent sur les arbres. Les femmes partent les unes après les autres, de plus en plus loin. Comment trouver du travail, un logement, quand on ne connaît personne ? Ni la langue, ni les rues, ni ce qu’on mange, ni les règles ? »
    Née en Bolivie dans une famille indigène, Azul a grandi dans un paradis où les fruits, les fleurs, les couleurs, les goûts prospéraient. Immigrée économique, laissant mari et enfants, langue et robes indiennes, rites et prières, elle va découvrir l’Europe et ses riches propriétaires. Comment montrer à ses patronnes ce que leurs yeux ne voient pas du monde ? Comment conserver la bonté reçue dans l’enfance ?

    Mon avis :

    Azul travaille à Paris comme femme de ménage chez madame Isabelle. Dans le RER, elle croise trois jeunes filles qui lui rappellent un épisode de son passé et repense à son enfance, sa vie. Tout ce qui l’a amenée ici à Paris.

    Nous sommes alors plongés au cœur de la Bolivie, dans une famille Quechuas, qui vit du troc des fruits du jardin. Azul a cinq ans au début de l’histoire et raconte son quotidien, ses jeux dans le fleuve Rio Chico, l’école des Sœurs au village où elle apprend l’espagnol, ses huit frères et sœurs et sa mère, veuve, qui travaille d’arrache-pied pour les nourrir et les éduquer. Elle est heureuse, insouciante. Elle rêve d’apprendre, toujours, de partir vivre à la ville pour poursuivre ses études. Elle sait que même en travaillant dur, en étant respectueuse, elle ne peut échapper à son monde. Mais elle s’accroche à son rêve. « L’éducation ouvre les cœurs et les bonnes volontés. » A douze ans, elle part pour Santa Cruz, rejoindre sa sœur ainée, Natalia qui a 16 ans et travaille comme femme de ménage. Grâce à elle, Azul et Julio, les deux plus jeunes pourront étudier. Azul deviendra secrétaire, Julio avocat. Mais la vie est dure, la crise éclate, les indigènes ne sont pas respectés.
    Azul a conscience d’être une Quechua, elle est fière de ses ancêtres qui ont fondé Cuzco au 13e siècle, la première ville inca. Elle est déterminée à les honorer, à se battre pour réussir, à ne jamais baisser les bras, malgré les adversités. Et Dieu sait s’il y en aura.

    C’est en rencontrant une Bolivienne à Paris que Colombe Schneck a eu l’idée d’écrire ce roman. Elle-même petite fille d’immigrés, elle s’interrogeait alors sur ses origines et ce qui avait finalement fait d’elle une Française. L’histoire d’Azul est celle d’une immigrée parmi d’autres, ce qu’elle vit, des milliers d’autres le vivent : l’éloignement, le déracinement, le choc entre deux cultures, deux mondes et surtout deux modes de vie. Chez elle, on pensait que la richesse n’est pas l’accumulation de biens mais de liens à l’autre. Ici, on vit le repli sur soi, l’égoïsme. Azul tente de s’adapter même si elle souffre. Et elle donne, généreusement, sans compter, gardant pour elle ses soucis pour ne pas alourdir le fardeau des autres. Toujours, elle fait bonne figure, reste optimiste, se montre forte. Chaque jour est un nouveau combat qu’elle doit gagner.

    Cette histoire d’une grande tendresse porte un regard plein de respect sur ces femmes qui quittent tout pour l’amour de leurs enfants, de leurs familles. Que de sacrifices elles s’imposent ! On ne peut qu’être touché par Azul et entrer en empathie avec elle. Mais elle nous livre aussi une belle leçon de vie et de courage.

    C’est pour cela que j’ai beaucoup aimé ce récit ainsi que pour les paysages colorés des hauts plateaux andins, la saveur des fruits du verger, les descriptions de la vie en Bolivie et le rappel des valeurs véritables que l’Europe semble avoir oubliées. J’ai moins goûté le style haché aux phrases courtes et l’écriture de l’auteure. Mais la force de l’histoire les fait passer au second plan.

    Une lecture nécessaire pour relativiser nos petits soucis quotidiens, remettre les valeurs humaines à l'avant plan et rendre aux immigrés la dignité qu’on leur refuse trop souvent. A lire.

    Soeurs de miséricorde, Colombe SCHNECK3e

    Merci aux éditions Stock et à NetGalley pour cet envoi numérique.

     

     

     

     

     

     

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  • Soeurs volées, Emmanuelle WALTERLa disparition d’une jeune femme est toujours un drame. Pour la victime d’abord mais aussi pour ses proches, sa famille, ses amis... tous ceux qui restent et attendent impatiemment des nouvelles, veulent comprendre. Cela est pire encore quand les autorités ne prennent pas cela au sérieux ou ne font rien. Que dire quand il ne s’agit pas d’une mais de 1181 victimes ? 1181 femmes autochtones du Canada disparues ou assassinées. 1181 femmes autochtones c’est, proportionnellement, 55 000 Françaises. Comment comprendre que cela n’émeut personne ? Le racisme, l’indifférence, l’apathie politique font en sorte que la disparition d’une femme autochtone touche moins la majorité que celle d’une femme blanche. Ces femmes sont doublement victimes ; de meurtre d’abord, d’indifférence surtout.

    Emmanuelle Walter, journaliste française installée au Québec depuis plusieurs années, a décidé de mener l’enquête. Comment comprendre qu’un pays réputé pour la qualité de ses mœurs démocratiques et de son dialogue social refuse de prendre à bras le corps un tel drame collectif ?
    Pour cela, elle a choisi d’enquêter sur la disparition de deux jeunes adolescentes, deux amies, Maisy Odjick et Shannon Alexander, portées disparues le 6 septembre 2008. Elle nous raconte ici ses rencontres avec les familles, la mère et la grand-mère de Maisy, le père et la grand-mère de Shannon, les frère et soeurs, la communauté Anishnabé, l’Association des Femmes Autochtones du Canada, Michèle Audette sa présidente, tous ceux qui luttent à leur côté... En 2004, l’AFAC a lancé la campagne « Sœur d’esprit » pour sensibiliser la société canadienne à ces violences faites aux femmes autochtones. Elle avait pour objectif d’éduquer le public aux causes de la violence que vivent ces femmes. Elle a aussi élaboré un projet de recherche et a été appuyée par Amnesty International qui a rédigé un rapport On a volé la vie de nos sœurs : discrimination et violence contre les femmes autochtones au Canada, en août 2004. Et en 2015, nous en sommes toujours au même point !

    Pendant longtemps, les autorités n’ont pas pris au sérieux ces disparitions, des fugues pour la plupart selon elles. Puis elles ont incriminé les victimes et leur mode de vie, les risques pris en faisant par exemple du stop... Des heures précieuses, des jours ont été perdus avant que, parfois, une enquête ne soit ouverte. Débouchant au mieux sur la découverte d’un cadavre, au pire n’aboutissant à rien.

    Cela fait trente ans que des voix s’élèvent pour dénoncer cela. Trente ans ! Des marches ont lieu chaque année le 14 février. Des appels toujours plus nombreux demandent l’ouverture d’une commission d’enquête nationale sur la mort et la disparition de ces presque 1200 femmes autochtones. Et rien ne bouge !

    Patiemment, Emmanuelle Walter consigne les étapes de son enquête, ses démarches, elle décrit les lieux de vie, les coutumes, le quotidien de la communauté. Il ne faut pas croire que la majorité des cas se déroulent dans les communautés autochtones, au contraire la plupart des agressions et des enlèvements ont lieu en pleine ville, Vancouver ou Montréal par exemple. Alors comment expliquer l’inertie de la police et des autorités ?

    Il y a les conséquences de plusieurs siècles de colonialisme, de racisme, de violence administrative et institutionnelle envers les peuples des Premières nations, les politiques gouvernementales visant à assimiler et exploiter ces peuples... Celle qui m’a le plus fait frémir est la Loi sur l’éducation des Indiens qui a permis que soient enlevés et donnés à l’adoption des milliers d’enfants pour les éloigner de leur famille jugée incompétente et forcé les autres (150 000) à être scolarisés dans des pensionnats sous le contrôle de l’Etat. Des endroits horribles où tous les sévices étaient permis. Sous couvert d’un but humanitaire (la scolarisation) cela visait en fait à « ôter l’Indien en eux », à soustraire les enfants aux « influences dégradantes de leur milieu ». Comment s’étonner qu’avec ce déracinement, cet arrachement des enfants à leur mère... les conséquences aient été désastreuses ? Dépressions, alcoolisme, désespoir, manque de considération pour soi-même et ses origines...

    Le travail d’Emmanuelle Walter est remarquable. Elle a vécu auprès des principaux intéressés, à lu des milliers de pages de rapports sur la situation (vingt sont listés à la fin de l’ouvrage) a participé à des rencontres, des marches, des manifestations... Elle s’est approchée au plus près de ces familles, de leur souffrance et de leur colère. Après avoir démontré la légèreté avec laquelle ces affaires sont traitées, elle insiste sur la nécessité d'une prise de conscience collective. Aujourd’hui, elle arpente l’Europe pour la promotion de son livre et dénonce partout cette situation inconcevable à notre époque. Elle, une Française, quand des millions de Canadiens restent indifférents.

    C’est avec une réelle émotion que j’ai parcouru cet ouvrage. Femme et mère, je comprends leur colère, leur tristesse, leur lutte pour vivre et non survivre. Amoureuse de ce pays que je cite si souvent en exemple, notamment en ce qui concerne la pédagogie et l’enseignement, je ne peux comprendre l’inertie du gouvernement et le manque de volonté politique d’arrêter ce féminicide. Il serait temps d’ouvrir les yeux sur la réalité et d’agir. Trente ans d’immobilisme, ça suffit !




    Table ronde sur les Premières Nations en présence de l'auteure racontée ici.

     

     

     

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  • Les voyages de Daniel Ascher, Déborah LEVY-BERTHERATQui est le véritable auteur de La Marque noire ? Est-ce H.R. Sanders, dont le nom figure sur cette série culte de romans d’aventures ? Daniel Ascher, le globe-trotter ? Ou l’énigmatique M. Roche ?
    Quand Hélène, la petite-nièce de Daniel, s’installe à Paris pour étudier l’archéologie, la rumeur court que le vingt-quatrième volume de La Marque noire sera le dernier. En fouillant dans le passé de l’écrivain, la jeune femme exhumera un troublant secret de famille qui remonte au temps de l’Occupation.
    En explorant avec finesse les blessures de la mémoire ce roman rend ici hommage aux sortilèges ambigus de la fiction.

    Mon avis :

    Conseillée par Nath, je me suis laissé convaincre d’acheter de ce court roman dont je n’avais jamais entendu parler et qui vient de sortir en poche chez Rivages. En une soirée, je l’avais lu tant il a su me happer dès les premières pages.

    Hélène, étudiante en archéologie, est logée dans la chambre de bonne de l’immeuble de son grand oncle Daniel. Hélène la réservée, la trop sage, n’a jamais été proche de cet oncle facétieux, joyeux, exubérant qui racontait des aventures invraisemblables aux enfants lors des repas de famille. Tous étaient suspendus à ses lèvres sauf elle.
    En vivant dans le même immeuble, elle va être amenée à rencontrer ses voisins, ses amis, à partager quelques moments intimes avec lui. Elle va alors découvrir une autre facette de cet étrange personnage. Plus authentique, plus touchante. Et ses rapports avec lui vont prendre une autre tournure. A la manière d’un détective, elle va remonter son passé, marcher dans ses pas et reconstituer son histoire.

    Bien que la trame soit déjà vue et l’intrigue classique, ce roman, mettant en scène des secrets de famille, est particulièrement touchant et juste. Ni larmoyant, ni exagérément sentimental, il nous plonge dans une période sombre de l’Histoire pour mieux nous expliquer le mystère que représente cet oncle Daniel. De courts chapitres au rythme soutenu nous plongent très vite au cœur de l’intrigue et nous tiennent en haleine jusqu’au terme de l’histoire. Bien que la multitude des événements rende le récit complexe, le fil conducteur est clair, simple je dirais, et permet de deviner certains faits sans éventer le dénouement assez inattendu.

    Mêlant habilement les histoires écrites par Daniel, sa vie et celle de son héros, l’auteure nous invite en quelque sorte à un jeu de piste au cours duquel les indices sont disséminés pour nous permettre de résoudre l’énigme en même temps qu’Hélène. Et cela fonctionne incroyablement bien. Elle nous offre aussi une réflexion intéressante sur l’écriture qui permet d’échapper au quotidien. Grâce à ses romans d’aventures, Daniel a trouvé le moyen de guérir ses blessures, de se recréer à travers son héros, Peter Asley Mill (proche de « schlémihl » qui signifie « malchanceux » en yiddish).

    Ajoutons à cela une plume élégante, ludique et classique à la fois et nous avons un récit aux multiples facettes qui séduira petits et grands. Je pense que j’en ferai le premier livre à lire pour mes élèves en cette nouvelle année.

    Merci Nath, ce premier roman de Déborah Lévy-Bertherat m’a beaucoup plu.

    Ici l'avis de Nath.

     

     

     

     

     

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