• Les Successions, Mikaël HIRSCHPascal Klein est un brillant marchand d'art, bien que conscient que certaines des œuvres qu’il expose sont parfois plus proches de l’escroquerie intellectuelle que de la véritable création artistique. Mais sa réussite matérielle ne suffit plus au héros qui s’interroge à la fois sur l’origine de la vocation picturale de son père et sur sa propre frustration de ne pouvoir peindre comme lui... Or, les réponses à ses questions se trouvent sans doute dans la toile de Marc Chagall qui ornait la chambre paternelle lorsqu’il était enfant, avant de disparaître au cours de la Seconde Guerre mondiale. Pascal part donc à la recherche de ce tableau, comme à la découverte de ses propres racines, et l'enquête sur la spoliation des biens juifs devient pour lui quête existentielle.

     

    Mon avis :

     

    Les successions, ce sont des objets dont on hérite, qui passent de mains en mains ; ce sont des histoires, des sentiments, des influences… qui nous façonnent sans qu’on en ait toujours conscience.

    Bien avant de se mettre sur les traces d’un tableau de famille dont il ne sait rien, Pascal Klein le pressent déjà :

    « Dans les entrelacs brunis, les taches de Sienne, toutes ces sanguines délavées par le soleil, Pascal voyait un résumé sidérant de ce qui faisait pour lui la valeur d’une toile de maître, c’est-à-dire la transmission, ce voyage dans le temps. »

     

    L’histoire se met en place lentement, très lentement. L’auteur prend le temps de nous présenter Pascal, sa passion, ses joies, ses fêlures… et de nous exposer quelques réflexions sur le monde, la société, l’art ou encore la famille. Puis le récit s’emballe. Sans trop s’en rendre compte, nous sommes happés dans une histoire parallèle, celle de Ferdinand de Sastres.

    Et l’on est fasciné par ce personnage flamboyant que l’on n’attendait pas. On s’interroge sur le lien avec Pascal et l’on dévore sans s’en rendre compte, emporté par l’écriture magnifique de Mikaël Hirsch. Et l’on assiste émerveillé à cet entrelacement de deux vies, à cette construction sublime de l’histoire et de l’Histoire.

    Les éléments disparates s’égrainent pour former une toile finement tissée narrant un récit palpitant, une saga familiale teintée d’une histoire de l’art.

    « De Montparnasse au Japon, en passant par la Hongrie et l’Allemagne, du nazisme au libéralisme triomphant, sans oublier la guerre froide, le tableau lui apparaissait maintenant comme un résumé saisissant du XXe siècle. Condensé d’histoire et de géographie. »

     

    L’écriture sensible et d’une grande beauté nous emmène à travers des temps et des lieux très différents pour finalement poser la question de notre propre héritage et de sa valeur.

    Ce roman parle aussi de communication, de non communication, des difficultés à dialoguer, des conventions, des incompréhensions culturelles, générationnelles, temporelles… Il est riche, foisonnant, passionnant.

    C’est un roman superbe à côté duquel je serais peut-être passée si les Agents Littéraires n’avaient eu l’excellente idée de me le proposer. Merci beaucoup aux éditions L'Editeur et à Vincent Beghin qui commence à connaitre mes goûts presque mieux que moi.

      

      

    Les Successions, Mikaël HIRSCH

      

    Les Successions, Mikaël HIRSCH

     

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  • Alter Ego : Park, LAPIERE - RENDERSPark, un Coréen de 25 ans, se prélasse sous les tropiques dans une luxueuse résidence en compagnie d'autres personnes d'origines très diverses. Dorlotés par une équipe de serviteurs et soignants, ils semblent passer des vacances paradisiaques. Mais d'étranges hallucinations viennent perturber sa béatitude, comme les souvenirs d'une autre existence. Serait-ce parce qu'il a négligé de boire le délicieux cocktail fruité qu'on sert en abondance aux résidents ? D'ailleurs, que font-ils tous dans cette résidence ? S’ils sont en vacances pourquoi ces grilles et ces miradors ?

     

    Mon avis :

     

    Dès le début, on comprend que quelque chose ne va pas. Park semble souffrir de troubles de la mémoire. Est-il là pour soigner une amnésie ? Ou au contraire, cherche-t-on à lui faire oublier ses souvenirs ?

    Le récit semble moins fouillé que les précédents : on comprend rapidement ce que Park fait dans cette résidence. L'histoire est plus linéaire et sans surprise, annonçant cependant le tome consacré à Noah. Par contre, j’ai aimé le peu de dialogues et commentaires qui laissent la part belle aux dessins et nous amènent à comprendre le combat intérieur que mène Park.

    Les dessins sont superbes et l’ambiance de tension et de doute est merveilleusement rendue.

     

    Ce thriller d’anticipation tient ses promesses. Il reste captivant de tome en tome  - même si les thèmes ne sont pas particulièrement originaux (manipulations génétiques, puissance des lobbies pharmaceutiques, oppression des minorités, lutte inégale entre riches et pauvres, lutte d’influence…)

    Les personnages sont assez bien typés et leurs traits de caractères divergent ce qui évite une certaine lassitude ou redite. L’histoire tient la route et on ne se perd pas dans des rebondissements incessants ou des histoires parallèles cherchant à nous embrouiller.

    J’attends impatiemment les deux tomes suivants et le 7e qui se veut la synthèse des premiers.

     

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  • Alter Ego : Darius, LAPIERE - RENDERSDarius est un électricien corpulent, affable et sans histoire. Il pourrait vivre bien tranquille dans son petit appartement de Los Angeles, mais il s'acharne à sauver Bram, son voisin de palier, un jeune crétin abject et accroc à la came, qui se met toujours dans les pires situations. Pourquoi Darius fait-il cela ? Pour combler un besoin de paternité suite à un drame personnel ? Pour les beaux yeux d'Heather, la gentille copine de Bram ? Ou parce qu'il est en mission secrète ?

     

    Mon avis :

     

    Grâce à cet album, nous découvrons ce que ce brave homme vient faire dans cette galère. Nous l’avions rencontré dans le tome consacré à Camille et nous comprenons enfin son rôle dans l’histoire. Tout se met en place en douceur pour permettre aux lecteurs de comprendre les liens qui unissent tous ces personnages.

    Efa a rejoint le duo Lapière – Renders et ses dessins très réalistes collent au milieu urbain dans lequel évolue Darius. Petit bémol par contre pour les couleurs que je n’ai pas particulièrement appréciées. Trop criardes à mon goût.

     

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  • Uglies, Scott WESTERFELDTally aura bientôt 16 ans. Comme toutes les filles de son âge, elle s'apprête à subir l'opération chirurgicale de passage pour quitter le monde des Uglies et intégrer la caste des Pretties. Dans ce futur paradis promis par les autorités, Tally n'aura plus qu'une préoccupation, s'amuser... Mais la veille de son anniversaire, Tally se fait une nouvelle amie qui l'entraîne dans le monde des rebelles. Là-bas, elle découvre que la beauté parfaite et le bonheur absolu cachent plus qu'un secret d'Etat : une manipulation. Que va-t-elle choisir ? Devenir rebelle et rester laide à vie, ou succomber à la perfection ?

     

    Mon avis :

     

    Riche en rebondissements, ce premier volet d’une saga qui compte actuellement cinq tomes est aussi foisonnant de thèmes donnant à réfléchir. Intelligemment construit, il nous emmène dans un monde codifié où la recherche de la beauté physique annihile toute autre quête, toute autre aspiration. Persuadés dès leur plus jeune âge qu’ils sont moches par nature, les enfants sont éduqués dans le culte de la beauté obligatoire, sésame tant attendu pour rejoindre le monde des rêves artificiels et des bonheurs utopiques et de là celui des adultes bien dans leur corps.

    Le diktat de l’esthétique, l’importance du regard de l’autre, la quête d’une identité… sont les thèmes d’ouverture qui nous entraînent rapidement vers d’autres, comme les risques du protectionnisme et du repli sur soi, la perte de la mémoire sociétale, la liberté de choix et de jugement ou encore l’écologie.

      

    Passionnant, bien écrit, rendant avec justesse les états d’âme et les hésitations des adolescents héros du récit, ce roman d’anticipation dystopique nous décrit une société hyper hiérarchisée, cloisonnée ou mensonges et manipulations ont fait des hommes des moutons dociles et inoffensifs.

    Les Rouillés que nous sommes feront sans doute des parallèles avec « Le meilleur des mondes » d’Huxley mais le propos reste original et la jeunesse des héros un gage d’intérêt pour les adolescents.

      

    Surprenant de lucidité sur le monde actuel et ce qu’il pourrait devenir, ce roman ado est d’une grande justesse et les jeunes ne s’y sont pas trompés. Ce sont eux qui m’ont incitée à le lire et je ne le regrette pas. J’ai beaucoup aimé. De nombreux sujets de discussion peuvent être initiés par cette lecture et les jeunes ont beaucoup à en dire.

      

    Un très bon roman de science-fiction à lire absolument !

      

      

     Uglies, Scott WESTERFELD 

     

     

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  • Le voyage de l'éléphant, José SARAMAGOEn 1551, le roi du Portugal Jean III offre à l'archiduc Maximilien d'Autriche, neveu de Charles Quint, un éléphant d'Asie, Salomon, qui vit depuis deux ans à Belém avec son cornac Subhro. De Lisbonne à la capitale autrichienne, en passant par les plateaux de la Castille, la Méditerranée, Gênes et la route des Alpes, Salomon, objet d'absurdes stratégies, traverse l'Europe au gré des caprices royaux, des querelles militaires et des intérêts ecclésiastiques, soulevant sur son passage l'enthousiasme de villageois émerveillés.

     

    Mon avis :

     

    Ce court récit avait tout pour me plaire. Une histoire originale basée sur des faits historiques, une écriture poétique et alerte, un sujet prétexte à dénoncer l’hypocrisie des relations humaines, hyper hiérarchisées… Cette fable fait de l’éléphant Salomon offert à l’archiduc d’Autriche par le roi du Portugal Joao III, le témoin des travers des grands de ce monde, des bassesses de certains et des manipulations en cascade. L’histoire se passe au 16e siècle mais pourrait très bien avoir lieu de nos jours avec peu d’aménagement.

      

    Alors pourquoi ne suis-je pas plus emballée ? Parce que la typographie de l'ouvrage est abominable !  Quelle est la volonté de l'auteur ? Je l’ignore. Mais il m’a été difficile de lire jusqu’au bout deux cents pages de texte continu, sans paragraphe au sein des chapitres, où la ponctuation fantaisiste place des virgules entre les phrases et où la mise en page ne distingue pas dialogue et récit. Sans parler des majuscules inexistantes quel que soit le nom propre utilisé.

    Certains trouveront peut-être cette raison futile, qu’ils essaient ! L’œil est gêné, la lecture malaisée et le plaisir de lire se dilue dans des efforts constants pour comprendre le sens des phrases courant parfois sur une dizaine de lignes.

    Si une belle écriture ne fait pas un bon livre, une excellente histoire est également desservie par une forme imparfaite.

     

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  • Challenge romans jeunesse

      

    Mélo, Audrey et Hélène sont à l’initiative d’un challenge qui me parle. Il s’agit de lire sur une année, entre six et vingt-quatre romans jeunesse.

    Comment ne pas adhérer ?

    Impossible, n’est-ce pas. Cela me permettra de rencontrer de nouveaux passionnés de ce genre littéraire et de découvrir, je l’espère, de nouveaux titres.

    Le challenge a débuté. Il court jusqu’au 20 septembre 2012 et pour s’inscrire, il faut se rendre sur le blog d’une des trois initiatrices. J’espère que nous y serons nombreux.

     

    En ce qui me concerne, je m’inscris dans la catégorie Peter Pan dans l’âme.

    Je trouve que cela me convient très bien !

      

    Vous en êtes ?

      

      

     

     

    Et ce challenge me donne l'occasion de remettre un lien vers un article que j'ai écrit il y a un an, à propos de la littérature de jeunesse. Si cela vous intéresse...

    http://argali.eklablog.fr/la-litterature-de-jeunesse-a1901800 

      

      

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    Le mystère Frontenac, François MAURIACPour Blanche Frontenac, restée veuve avec cinq enfants, le bonheur personnel n'existe pas. La seule chose essentielle est d'agir en vue du bien commun et dans l'intérêt de la famille. Quand le moment sera venu, Jean-Louis, le brillant aîné, obéira aux mêmes liens puissants du sang. Malgré des aspirations différentes, il reprendra l'affaire familiale, deviendra le maître de la fortune afin de protéger les cadets et de maintenir à jamais le mystère Frontenac.

     

    Mon avis :

     

    Ce roman, en grande partie autobiographique, nous relate le dilemme dans lequel est plongé Yves Frontenac, adolescent orphelin de père. Elevé dans la tradition, l’amour, l’honneur, la foi, Yves est profondément attaché à sa famille et à sa région natale mais il rêve d’être écrivain. Pour cela, il lui faut quitter la province et monter à Paris. Tenaillé entre devoir et rêve d’indépendance, entre passé et avenir, il monte à Paris afin de réaliser son rêve. Mais il n’est pas plus heureux là-bas, loin de la terre qui l’a vu naître et des siens qu’il ne l’était à Bordeaux.

    Son frère, lui, abandonnera ses rêves pour reprendre l’affaire familiale.

      

    On sent dans cette famille un lien serré, un amour vrai qui unit ses membres. On est loin de la froideur et de la méchanceté de la famille du « Nœud de vipères »

    Mauriac nous dépeint ici un homme tiraillé entre le bien et le mal, entre le devoir et l’accomplissement de soi. Et même si l'époque est radicalement différente de la nôtre, on ne peut s'empêcher de s'y retrouver un peu. Qui de nous n’a pas été confronté à un choix cornélien ? Qui de nous n’a pas dû un jour trancher dans le vif ?

      

    Lu à la fin de l’adolescence, ce roman m’a laissé un  bon souvenir au point que je l’ai relu récemment. J’ai retrouvé avec plaisir le style de Mauriac, la finesse de ses descriptions ; il n’a pas son pareil pour nous décrire ses personnages à petits traits vifs et précis ou rendre des saveurs délicates, des atmosphères...

    Passé un peu à la trappe ses dernières années, oublié des jeunes lecteurs, Mauriac est pourtant un peintre des âmes et des êtres qu’il faut avoir lu au moins une fois. Sans doute, la cellule familiale du début du 20e siècle est-elle passablement désuète aujourd’hui et le carcan qu’elle imposait devenu insupportable mais certaines valeurs qu’elle proposait (pas toutes !!) auraient leur place dans notre société si on voulait bien les remettre au goût du jour.

     

     

     

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