• Le nid de pierres, Tristan MALAVOYLaure et Thomas se sont retrouvés, reconnus. Après les embrasements et les désillusions de la vingtaine, ils décident de quitter la ville et achètent une maison dans le village qui les a vus grandir. Ce retour aux sources marque le début d’une vie nouvelle, faite de promesses. Le temps n’est-il pas venu de songer à mettre un enfant au monde, qu’ils sauront protéger du mal, de toutes ces forces qui nous guettent au-delà de la mort ?
    Mais les morts, les disparus, ne les oublions-nous pas trop vite ? N’oublions-nous pas qu’un gouffre peut s’ouvrir au détour du sentier le plus familier ?

    Mon avis :

    Les auteurs québécois sont visiblement attachés aux légendes et croyances des Premières Nations. (Qui s’en plaindrait ?) Une fois encore, ce roman mêle ces dernières à une histoire tout à fait contemporaine. Et le pari est réussi. Cela donne un récit qui oscille entre le fantastique et le surréalisme, tout à fait plaisant.

    Le nid de pierres est un cercle de pierres autour duquel tournaient les Abénakis en chantant et priant quand ils voulaient entrer en contact avec leurs ancêtres défunts. Dans ce roman, le nid, c’est aussi celui que construisent patiemment Thomas et Laure, revenus dans leur village natal après une quinzaine d’années passées à Montréal.

    Même si ce roman est bien une fiction, Tristan Malavoy précise que le village de Saint-Denis-de-Brompton, en Estrie, où se déroule l’histoire, est celui de son enfance et que certains personnages ressemblent en partie à des personnes qu’il y a connues. Et puis, il y a aussi ce fameux « ventre de bœuf » auquel il a été confronté, enfant. Mais il a vieilli et pris du recul sur ses souvenirs ainsi que sur l’énigme de ce trou de boue.

    Thomas, lui, reste fasciné par ce mystère qui l’empêche peu à peu d’aller de l’avant. Et quand une disparition inexplicable a lieu au village, semblable à celle qu’il a connue enfant, c’en est trop. Thomas perd pied et se referme. Le surnaturel de la situation le retient prisonnier et son amour pour Laure ou l’annonce d’une naissance dont il avait rêvé, ne parviennent pas à le tirer vers le haut, à lui faire reprendre pied dans la réalité terre à terre du 21e siècle. Ne risque-t-il pas de mettre son couple en danger avec une telle attitude ?

    Les liens brisés (Thomas a perdu ses parents huit ans plus tôt et ne voit plus son frère), les souvenirs d’enfance et les croyances ancestrales sont les thèmes au cœur de ce roman. Le climat étrange qui traverse le récit de part en part déstabilise le lecteur et l’oblige à prendre position sur l’attitude de Thomas. Egoïsme ? Folie ? Réalité ?

    Pour écrire ce premier roman, Tristan Malavoy s’est plongé dans la culture des Abénakis. Il a lu et relu les légendes auxquelles ce peuple, qui habitait jadis les lieux, croit. Une belle manière de mettre en avant cette partie méconnue du patrimoine québécois.

    J’ai beaucoup aimé ce roman original mêlant souvenirs et présent, histoire des Abénakis et époque contemporaine. Tristan Malavoy parvient à installer une atmosphère particulière d’un bout à l’autre du roman, sans forcer le trait. A pas feutrés, il laisse le surnaturel prendre sa place et bousculer le lecteur. Avec une dextérité magistrale pour un premier roman, il maintient jusqu’à la dernière page un suspens intriguant tout empreint de poésie. C’est une réussite.
    Espérons que l’auteur mettra très vite ses qualités de conteur au service d’un nouveau roman.


    Le nid de pierres, Tristan MALAVOY7e

     

     

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  • Deux jours de vertige, Eveline MAILHOTDeux jours de vertige est le récit d’une tempête. Il faut d’abord franchir les murs de cette élégante maison de campagne où se réunit une bande d’amis le temps d’un week-end ; puis repérer la belle et flottante Sara, juste au moment où elle apprend que l’amant qui l’a précipitée dans un état d’errance en la quittant sera de la partie. C’est là, au cœur des émois de Sara, que se joue l’essentiel de ce roman qui s’attache moins à raconter des événements qu’à se livrer à une minutieuse description des états de l’être dans sa perméabilité et ses imperceptibles fluctuations au gré des rencontres, de la lumière du jour, du temps qu’il fait.

    Mon avis :

    Sept jeunes adultes se retrouvent un week-end à la campagne pour fêter l’anniversaire de Félicie. Ils se connaissent depuis l’enfance ou la fac. Alexandre et Félicie sont en couple, d’autres ont eu des aventures mais ce sont surtout une bande de potes qui partagent des bons moments, refont le monde ou jouent à la pétanque. Sara, la narratrice, a 29 ans et peine à finir sa thèse. Elle y travaille depuis quatre ans mais veut abandonner. En pleine incertitude, elle se cherche autant professionnellement que sentimentalement. Alors qu’elle voyait dans ce week-end une bouffée d’air frais salvatrice et joyeuse, elle va le vivre de l’extérieur, observant, épiant, relatant tout.
    Et c’est tout ?
    Oui !
    Pourtant, on est accroché à ce court roman où Sara détaille tout ce qu’elle voit, entend, ressent. Elle retrouve Hugo -qu’elle a aimé il y a dix ans- parti à l’étranger sans donner de nouvelles et cela la trouble. Tourmentée, elle cherche une contenance et s’attache aux moindres petits détails : un mot et l’intonation de celui qui le prononce, une attitude, un geste, un regard, une absence de réaction, un rire, un soupir... Nous apprenons tout des révélations que ces amis se font, des petits drames, des secrets, des sentiments croisés...
    Dans ce récit, il y a un peu du « Déclin de l’empire américain » et de « Le chalet », et un zest de « Mes amis, mes amours, mes emmerdes » (la légèreté en moins).

    Si vous aimez les récits lents, réflexifs, qui parlent de la délicatesse des relations humaines, d’amitié et de séduction vous aimerez ce premier roman atypique qui regarde évoluer en vase clos, sept jeunes adultes à un tournant de leur vie.

    L’écriture d’Eveline Mailhot est simple, directe, au service d’une incroyable acuité des sens. Elle accroche rapidement le lecteur et on n’a de cesse de découvrir les choix que fera Sara et de savoir si cette amitié survivra à cette fin de semaine.


    Deux jours de vertige, Eveline MAILHOT6e

     

     

     

     

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  • Paul dans le Nord, Michel RABAGLIATIÉté 76. Paul a 16 ans et ne rêve que d’une chose : une motocyclette Kawasaki KE100 pour fuir son quotidien et ses parents envahissants… Voyages en auto-stop, soirées arrosées entre copains et expériences nouvelles seront au rendez-vous. Le tout, sur fond de jeux olympiques et de sérieux coup de foudre.

    Mon avis :

    Dans ce tome-ci, en une dizaine de chapitres, Michel Rabagliati nous raconte une année de l’adolescence de Paul. Il n’est pas bien dans sa peau suite à un déménagement qui lui a été imposé et au départ de sœur, partie vivre avec son copain dans son propre appartement.
    Paul a 16 ans et passe ses jours d’été à trainer comme une âme en peine, à se prendre la tête avec son père qui termine leur chalet de vacances et aimerait un p’tit coup de main. Il lui court sur les nerfs. Bref, c’est l’âge bête. Heureusement, il y a son oncle Raynald avec lequel il bosse dans des jardins afin de s’acheter la moto de ses rêves.
    A la rentrée, il va à la polyvalente où très vite, il noue une amitié avec Ti-Marc et crée sa gang de gars. C’est le temps des sorties simples au hockey, au fast food, en camping... L’occasion de découvrir de nouveaux personnages plus naturels les uns que les autres.
    Un jour, Ti-Marc lui propose une sortie de fin de semaine au chalet d’une copine, à St Sauveur. Il faudra faire du pouce pour économiser le bus. Ils partent tout fiers. C’est la première fois pour Paul qui n’en mène pas large. Et les conducteurs qui s’arrêtent sont tous un peu épais. Ils finiront à pied, dans la nuit, jusqu’à ce qu’une tempête de neige se déclare. Michel Rabagliati nous offre là une dizaine de pages superbes de trouvailles. Les flocons de plus en plus gros, de plus en plus serrés ; les gris qui montent à l’assaut des cases avant les traits blancs de neige qui balaient tout... Et le silence qui s’installe. On entend presque souffler le vent dans les arbres. Suivront deux pages hautes en couleurs où Paul revivra en rêve toutes les péripéties de ce voyage et ses peurs successives. Superbe.

    Et puis revient l’été et sur fond de Jeux Olympiques de Montréal, Paul connait son premier amour et les mille émotions qui l’accompagnent transformant le quotidien en montagnes russes.

    On ne peut que se reconnaitre dans cet épisode qui dépeint les affres de l’adolescence : rébellion, sauts d’humeur, mélancolie... Tout ce qui annonce l’entrée dans l’âge adulte.

    Graphiquement, Michel Rabagliati a, comme toujours, le souci des détails. Les planches sont riches de plusieurs lectures tant il prend plaisir à réaliser plusieurs scènes en une case en y ajoutant des effets visuels très réussis.

    Un vrai plaisir de lecture, à la fois pour le retour en adolescence et dans le Nord et le graphisme toujours aussi évocateur.

     

    Paul dans le Nord, Michel RABAGLIATI4e

     

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  • Je suis là, Christine EDDIEAngèle voyage sans bagages. Elle croit au destin et ne tourne pas le dos aux miracles. Personne ne lui veut du mal. Pas depuis qu’un tir groupé d’infortunes l’a prise pour cible. Pas depuis que la vie lui a offert le plus grand des bonheurs pour, peu après, le lui arracher et la jeter sur une île déserte.
    Presque quatre ans plus tard, l’île d’Angèle s’est repeuplée. À Shédiac, où elle vit entourée de voisins parfois turbulents et d’une tribu de meneuses de claques, elle compte les heures et apprivoise le mode d’emploi de sa nouvelle existence.
    C’est une histoire vraie, mais ce n’est pas tout à fait la vérité. Plutôt un récit à moitié inventé, un refrain consolateur où ailes rime avec embellie et force, avec mémoire. La preuve que l’imagination a toujours le dernier mot.

    Mon avis :

    Par petites touches, par bribes et souvenirs, Angèle nous raconte sa vie. Fille puis épouse et mère, elle adore la vie, le sport, le mouvement, la littérature. Elle rit, marche en montagne, rencontre des amis, participe aux fêtes du voisinage, danse... Elle a une voisine improbable, Alice Bourgeois, un ami Népenthès, une amie, Doris... Autour d’Angèle gravite toute une série de personnages hauts en couleurs et attachants : ses voisins d’immeuble à Shédiac.

    Ce n’est qu’au fil des pages que l’histoire se met en place et que l’on comprend la situation. Le récit n’est pas chronologique, il se construit au fur et à mesure qu’Angèle se livre, se souvient. Elle ancre chaque moment important à l’Histoire : sa naissance le jour de l’anniversaire d’Anne Hébert, la découverte de sa myopie lors du passage de la Comète de Halley, dix jours après l’explosion de la navette Challenger ; sa rencontre avec son futur époux à 25 ans lors du réveillon du troisième millénaire...

    Je n’ai pas envie de trop en dire car j’ai savouré le fait de ne pas savoir ce qui m’attendait dans ce roman. J’ai vraiment aimé partir à la découverte d’Angèle, de son univers, de son histoire et assembler petit à petit les pièces du puzzle de sa vie.

    Angèle existe. C’est la fille de l’amie de Christine Eddie. Elle lui prête ici une voix. C’est à la fois une histoire vraie et un récit fictionnel touchant, tendre et drôle. Il est dénué de pathos car Angèle est volontaire et battante, capable d’autodérision et d’ironie. On sent d’un bout à l’autre la tendresse et l’admiration de l’auteure pour son personnage, ce qui se traduit par un roman respectueux, beau et fort comme la vie.

    Ajoutez-y une écriture soignée, de petites perles poétiques glissées ci et là, et des dialogues d’une grande justesse ponctués de mots en acadien et vous avez un petit bijou d’émotion et d’espérance. Une ode à la vie qui fait du bien. Je vous invite vivement à le découvrir.

    Je suis là, Christine EDDIE2e

     

     

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  • Chanson douce, Le^la SLIMANILorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d'un cabinet d'avocats, le couple se met à la recherche d'une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l'affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu'au drame.

    Mon avis :

    Si on vous dit « nounou », quelle image vous vient en tête ?

    Moi c’est Mary Poppins ou Nanny McPhee, poigne de fer et gant de velours. Dans certaines familles, la présence d’une nounou est synonyme de magie et de fête. Si Louise a la poigne et l’originalité de ces légendes, elle dissimule aussi des manières pas très orthodoxes. Jeu ? Maltraitance ? Manipulation ?

    Comme le précise le dictionnaire des prénoms, « Louise est une femme secrète, discrète et réservée qui manque de confiance en elle ». Besogneuse, volontaire et efficace, elle va au bout des tâches qu’elle s’est assignées. Se dévouer et faire plaisir est un besoin chez elle. Son côté rigide, fait de principes auxquels elle ne déroge pas, côtoie un grand esprit de compassion et une tendresse qu’elle refoule en public. Elle a tout pour plaire et elle plait.

    Au point de se rendre très vite indispensable. Et bien qu’elle s’en défende, rougisse, se trouble, Louise, cette petite femme insignifiante, aime sentir qu’on a besoin d’elle, qu’on apprécie son travail. Elle qui cherche à tout prix à passer inaperçue ne cesse de se mettre en évidence par un travail impeccable et les talents qu’elle déploie au-delà de son rôle de nounou. Paradoxe qu’on tentera de comprendre au fil de la lecture.
    Autre paradoxe, la volonté de Myriam de faire carrière et d’être indépendante tout en ayant une famille idéale. Est-il raisonnable d’avoir des enfants qu’on ne peut voir que le week-end ? Des enfants qui disent leur premier mot à une autre, marchent pour la première fois loin de vous et vivent mille aventures dont les parents sont exclus ? Peut-on vraiment tout avoir ?
    Leila Slimani ne prend pas parti. Elle nous offre des portraits psychologiques précis et présente les faits, dépeint une situation par petites touches impressionnistes : un étalement de rose pastel ici, un coup de pinceau gris là-bas, une touche vigoureuse au couteau pour ciseler certaines zones d’ombres... Des petits mots malheureux aux insertions acerbes, la fausse impression d’égalité se fissure... Leila Slimani nous parle de lutte des classes, de choc de culture, de hiérarchisation de la société... Les apparences cachent plus ou moins bien les préjugés.

    Dès le départ, on sait que cela finit mal. Mais il faudra refaire toute l’histoire pour comprendre comment, jour après jour, pas après pas, on en est arrivé là. Comment des notes discordantes ont peu à peu gâché une partition idéalement jouée. Leila Slimani maitrise son sujet et s’exprime dans un style minutieux servi par une écriture incisive qui colle à l’histoire. J’ai aimé cette lecture et pourtant j’ai refermé le livre avec un goût d’insatisfaction. Il m’a manqué un-je-ne-sais-quoi pour être vraiment emballée.

    Merci aux éditions Gallimard et à PriceMinister pour cet envoi.

     

    Chanson douce, Leïla SLIMANI12e 

     Chanson douce, Leïla SLIMANI

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  • DADA, René MagritteUn peigne géant couché sur un lit, une tranche de jambon qui nous regarde, un cavalier qui galope sur le toit d’une voiture, un paysage dans lequel il fait jour et nuit en même temps...
    Bienvenue dans l’univers fascinant de René Magritte (1898-1967)

    Mon avis :

    J’ai toujours aimé Magritte. Adolescente, ses tableaux reproduits en cartes postales me servaient de marque-page et des posters tapissaient ma chambre. Je vais voir le plus possible d’expositions qui lui sont dédiées. C’est donc tout naturellement que j’ai postulé, lors de Masse Critique, pour un numéro de la revue d’art DADA qui lui est consacré.

    Ce numéro est le 212e et pourtant, je ne connaissais pas cette revue. C’est la première collection pour découvrir et faire découvrir l’art sous toutes ses formes. Neuf numéros thématiques sortent chaque année. Elle s’adresse aux enfants auxquels elle propose des ateliers et des jeux (ici un loto surréaliste à réaliser soi-même et une proposition de tableau qui mêlerait technologie nouvelle et surréalisme) et un dossier thématique permettant d’appréhender l’univers de l’artiste. Mais les adultes y trouvent aussi leur plaisir.

    Dans ce numéro, nous partons d’abord à la découverte de Magritte, homme et peintre, et de son cheminement artistique. Un second article présente ensuite le mouvement surréaliste dont il faisait partie aux côtés d’André Breton entre autres. Alors qu’à l’époque (les années 20) beaucoup explorent leur inconscient pour peindre, Magritte cherche plutôt à voir ce qui se cache autour de lui, passionné par le mystère et le rêve. Avec lui, les apparences sont souvent trompeuses. Il aime piéger le regard, jouer avec les mots, emmener le spectateur au-delà des objets peints sur la toile. Ce qui l’intéresse c’est ce que cela éveillera chez l’autre. Il veut surprendre et faire réfléchir.

    C’est exactement ce que fait cette revue : surprendre et faire réfléchir. J’ai vraiment adoré me plonger dans cet univers pictural et j’ai hâte de découvrir d’autres artistes. A la fin du magazine, l’actualité artistique est passée en revue grâce à un tour du monde des musées et une sélection d’ouvrages et d’activités proposées en France. Collant à l’actualité (une exposition Magritte se tient en ce moment au Centre Pompidou), DADA a sort ce mois-ci un numéro dédié à Hergé (qui s’expose au Grand Palais) et s’intéressera en novembre au Street Art.

    Une revue à découvrir, en vente dans les musées, et en Belgique chez Tropismes et à la Fnac, entre autres.

     

     

     

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  • Police, Hugo BORISIls sont gardiens de la paix. Des flics en tenue, ceux que l’on croise tous les jours et dont on ne parle jamais, hommes et femmes invisibles sous l’uniforme.
    Un soir d’été caniculaire, Virginie, Erik et Aristide font équipe pour une mission inhabituelle : reconduire un étranger à la frontière. Mais Virginie, en pleine tempête personnelle, comprend que ce retour au pays est synonyme de mort. Au côté de leur passager tétanisé, toutes les certitudes explosent. Jusqu’à la confrontation finale, sur les pistes de Roissy-Charles-de-Gaulle, où ces quatre vies s’apprêtent à basculer.

    Mon avis :

    Quand se rend-on compte que nos certitudes s’effritent ? Que notre vie ne sera jamais plus la même ?
    Virginie, Erik et Aristide, policiers à Paris dans la même brigade, vont être chargés d’une mission imprévue. La canicule, leurs difficultés personnelles, la fatigue... les mettent à fleur de peau. Particulièrement sensible, Virginie va laisser ses sentiments influencer sa vision des choses, outrepassant sa mission. Son attitude fera tâche d’huile auprès de ses collègues, dans un huis clos tendu où les émotions et pensées de chacun s’expriment tour à tour.

    Sans être indifférent, peut-on se sentir responsable du sort d’un étranger ? Cet homme résigné, apeuré, fragile, cet humain à peine croisé, qu’a-t-il de plus qu’un autre pour les bousculer ainsi ?
    Il est juste bouleversant cet Asomidin Tohirov, ce Tadjik muet dont la présence emplit l’habitacle et pèse sur le récit d’un bout à l’autre. Intensément.

    La tâche des policiers c’est d’obéir et d’agir en respectant les règles. La consigne, seulement la consigne. On ne leur demande pas de penser, encore moins d’avoir des états d’âme. S’ils craquent c’est toute la hiérarchie qui se fissure. Peuvent-ils faiblir ?

    Ce roman criant d’actualité met en exergue l’aspect humain d’une telle mission. Aspect sur lequel les médias insistent rarement, parlant chiffres plutôt que personnes. Or de part et d’autre, nous avons des hommes et des femmes avant tout, très souvent mis à rude épreuve. L’atmosphère oppressante de cette soirée d’été, particulièrement bien décrite, nous rend proche d’eux.
    Le style d’Hugo Boris est fluide, calme, posé, comme son huis-clos, mais les mots sont forts, précis, acérés. La justesse de son propos est saisissante. Il aborde un sujet grave sans juger. Il pose des questions, lance des pistes de réflexion mais n’accable personne. En parallèle, il dépeint les relations complexes des policiers : amitié, séduction, machisme, respect de la hiérarchie et tentation d’humanisme à l’encontre des règles. Tout sonne vrai.

    Petit bémol, la fin un peu abrupte. Mis à part cela, ce roman est captivant jusqu’au bout et met parfaitement en lumière la rude fonction des policiers en uniforme.

    Un très bon moment de lecture.

     

    Police, Hugo BORIS11e

     

     

     

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