•  Qui de nous deux ? Gilles ARCHAMBAULTVingt ans après le très touchant Un après-midi de septembre, où Gilles Archambault évoquait la disparition de sa mère, le romancier renoue avec le genre autobiographique pour nous tracer cette fois-ci une bouleversante chronique de la mort de sa compagne, celle qui a partagé sa vie pendant plus de cinquante ans.

    Mon avis :

    Je ne connais pas Gilles Archambault. J’en ai entendu parler, je sais ce qu’il a écrit mais je n’ai jamais eu l’occasion de le lire. Ce livre m’a été offert. Était-ce la bonne façon de le découvrir ?

    Je suis difficilement entrée dans ce récit autobiographique. Certes l’écriture est belle, la narration tendre et pudique, mais je suis restée en marge de cette histoire personnelle qui ne semblait pas m’être destinée.

    Refermant le livre, je n’ai pas appris grand-chose de sa femme. Je sais qu’il l’a aimée, j’en comprends les raisons, le reste se veut leur jardin secret. Alors pourquoi ce livre ? L’auteur dit lui-même qu’il n’écrit pas pour voir clair dans sa conscience, qu’il n’est pas psychologue et ne cherche pas évacuer ainsi sa douleur. S’adressant à sa femme, au-delà de la mort, l’auteur arpente son passé en écrivant des souvenirs, des regrets, des aveux dont elle pourrait prendre connaissance. De leur rencontre à son inhumation, 53 ans plus tard, il revisite –de manière dispersée, fragmentaire- le passé, « un passé qui a toujours hanté le présent » précise cet incurable nostalgique. On a l’impression qu’il écrit ce livre pour se racheter de ses manquements, de ses petites trahisons.

    Le livre achevé, j’ai découvert une plume, à la fois précise, belle et sobre. Un amoureux esseulé. Un érudit qui truffe son récit de citations et de références littéraires. Mais je n’ai pas éprouvé les émotions que j’espérais à la lecture de ce récit autobiographique, que les lectures de critiques m’avaient laissé espérer. Je suis restée en marge. Dommage.

      

     

     

     

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  • Un ennemi du peuple, Henrik IBSENLe docteur Stockmann découvre que les eaux de la station thermale de son village sont contaminées. Il se met donc en devoir de prévenir le public. Mais pour remédier au mal, des travaux dispendieux seraient nécessaires. Aussi la municipalité, dont le maire n’est autre que le propre frère du docteur, tente de faire taire Stockmann. Ce dernier, qui s’attendait naïvement à ce que les gens du village lui témoignent gratitude et reconnaissance, voit plutôt les villageois se liguer contre lui. Il perd peu à peu sa clientèle, sa maison est assiégée ; il est devenu un « un ennemi du peuple ».

    Mon avis :

    Cette pièce raconte le combat d’un homme, d’un médecin, Stockmann. Il est décidé à dévoiler la vérité, lui qui travaille pour les Thermes, si importants dans la croissance et la prospérité de la ville. C’est en fait la tannerie de la localité qui pollue par le rejet de ses eaux usées, au point de mettre en danger la santé des curistes. Sûr d’être entendu, il fait part de sa découverte. Mais la vérité n’est pas toujours bonne à dire. Si deux journalistes voient là un scoop juteux, le maire de la ville refuse de voir lui échapper son mandat politique et la manne financière des Thermes pour la ville. Et, comme si cela ne suffisait pas, le beau-père de Stockmann, un homme rusé, possède les tanneries.

    Sa découverte et sa divulgation vont servir de révélateur en posant la question de la vérité : peut-on encore être vrai et sincère dans une société régie par l’argent et l’économie ? Stockmann, lui, pense qu’il y a des vérités qui méritent qu’on se batte pour elles. Mais de sauveur, il va devenir l’homme à abattre.

    Il est étonnant de voir comment une pièce de 1883 peut être d’une insolente modernité. Dans une société où l’information est reine et où l’on sait quasiment en temps réel ce qui se passe au bout du monde, que faisons-nous pour changer ce qui doit l’être ? Pour réagir à ce qui nous met en danger ?

    Cette pièce véhicule des vérités essentielles et internationales. Tout qui la lit (ou la voit) n’importe où dans le monde, ne peut que reconnaitre une situation vécue dans son pays, son environnement. De plus, ce combat d’un homme seul face à la société, qui subit des pressions, perd ses appuis ou son statut social est toujours au cœur de notre actualité. Au sein de la démocratie, cette tragédie absolue pose la question du choix entre divers intérêts, lorsque ceux-ci sont contradictoires.

    Dénonçant les échecs d’une société embourgeoisée et le combat d’un homme seul contre tous, Ibsen nous offre des personnages à la psychologie fouillée, riches et passionnants. Toutefois, il ne prend pas clairement position et laisse planer un doute sur la condition humaine.

    Apothicaire, Henrik Ibsen (1828-1906) quitte le laboratoire où il s’ennuie et se met à écrire des drames (« Catilina », « Le Tertre du guerrier »). Après Copenhague et Oslo, il part en Europe où il trouve matière à de nouvelles pièces. Il développe de nouveaux grands thèmes comme celui de la défense de l’individualisme et écrit des drames contemporains où il décrit les tares de la société bourgeoise. Il est aussi l’auteur de « Peer Gynt » en 1866.

    Lecture publiée pour "Mai, le mois des classiques"

     

     

     

     

     Un ennemi du peuple, Henrik IBSENUn ennemi du peuple, Henrik IBSEN

     

     

     

     

     

     

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  • La guerre des saints, Michela MURGIAChaque année, Maurizio passe les vacances d’été chez ses grands-parents à Crabas, un village sarde. En compagnie de Giulio et de Franco Spanu, il y goûte l’amitié et la vie de la communauté qui, en ces lieux, se conjugue à la première personne du pluriel. Ensemble ils multiplient les aventures rocambolesques dans les rues ou sur les rives de l’étang, la fronde au poing, ne se calmant qu'à la nuit tombée pour écouter les histoires de fantômes et de créatures fantastiques que distillent les vieillards, assis devant leurs portes. Mais un jour, une annonce en apparence anodine - la fondation d’une nouvelle paroisse - fait voler en éclats la sérénité des habitants, les divisant en deux factions ennemies et les plongeant dans un terrible conflit qui culminera le jour de Pâques, lors de la traditionnelle procession de la Rencontre. Enfants de chœurs, les trois amis en deviendront malgré eux les acteurs.

    Mon avis :

    Comme dans son premier roman « Accabadora », Michela Murgia nous offre ici une chronique de la vie villageoise. L’histoire se passe toujours en Sardaigne, vers 1985, mais elle est plus légère que la précédente.

    Dès le prologue, petit bijou de poésie et de tendresse, nous sommes plongés au cœur du sujet. A travers trois gamins d’une douzaine d’années, nous découvrons leurs jeux, la vie du village, ses habitudes, ses croyances et ses traditions. Maurizio, qui y revient chaque été, en vacances chez ses grands-parents, y partage l’amitié de Franco et Giulio. Il s’émerveille de tout ce qui lui est offert de vivre dans ce village tranquille de pécheurs et d’agriculteurs. Il y conjugue sa vie en « nous » que ce soit le nous de l’enfance et du jeu ou le nous du village unit contre le monde extérieur. Jusqu’à ce qu’un grain de sable vienne faire vaciller cette belle unité.

    Inspirée des souvenirs de l’auteur, cette histoire trop courte à mon goût, est une délicatesse à savourer lentement. Tout en tendresse et mots choisis, Michela Murgia nous dépeint une Sardaigne intemporelle, cadre de vie et d’apprentissage de trois garnements au grand cœur. Une Sardaigne où les légendes se racontent le soir à la veillée, où l’amitié a plus de force que les liens du sang, où résident des pactes secrets nés de vraies complicités, un pouvoir normatif issus des premières certitudes communes…

    Un bel hymne à l’amitié, drôle et profond. Merci à Anne pour ce beau cadeau.

    Je voudrais rendre hommage aussi à la traductrice, Nathalie Bauer, qui a si bien rendu les images et les mots de l’auteur.

    Cette lecture étant une lecture commune avec Anne, vous trouverez son avis ici.

     

     

     

     La guerre des saints, Michela MURGIALa guerre des saints, Michela MURGIA

     

     

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  •  L'écume des jours, Boris VIANUn titre léger et lumineux qui annonce une histoire d’amour drôle ou grinçante, tendre ou grave, fascinante et inoubliable, composée par un écrivain de vingt-six ans. C’est un conte de l’époque du jazz et de la science-fiction, à la fois comique et poignant, heureux et tragique, féerique et déchirant. Dans cette œuvre d’une modernité insolente, livre culte depuis plus de cinquante ans, Duke Ellington croise le dessin animé, Sartre devient une marionnette burlesque, la mort prend la forme d’un nénuphar, le cauchemar va jusqu’au bout du désespoir.

    Mais seules deux choses demeurent éternelles et triomphantes : le bonheur ineffable de l’amour absolu et la musique des Noirs américains…

    Mon avis :

    L’Écume des jours est un roman de Boris Vian, écrivain français mais aussi poète, parolier, chanteur, scénariste, critique et musicien de jazz. Ce roman fut publié est 1947, période d’après-guerre. Malgré le soutien de Sartre et de Queneau, il ne connaîtra pas un grand succès à sa sortie. Il faudra attendre la fin des années 60 pour qu’il connaisse un succès posthume.

    Bien qu’il fût dans ma bibliothèque depuis des années, je n’avais jamais lu « L’écume des jours ». Ayant très envie de voir le film qui vient de sortir, je me suis dit qu’il fallait d’abord lire le roman pour mieux goûter la mise en scène et l’adaptation.

    Cette œuvre retrace la rencontre amoureuse entre Colin et Chloé puis la mort de cette dernière qui va être emportée par la maladie détruisant ainsi Colin.

    Je ne savais trop à quoi m’attendre en débutant ma lecture. J’ai été étonnée de découvrir un récit poétique, un conte moderne au vocabulaire soutenu mâtiné de mots-valises et de néologismes. J’ai été agréablement surprise par cette richesse de langage et cette originalité.

    Je suis entrée très vite dans cet imaginaire surréaliste, cet univers poétique et drôle, léger et grave tout à la fois. J’ai aimé les descriptions précises de l’univers de Colin, son intérieur, ses vêtements… et les nombreuses personnifications qui donnent vie aux objets de cet univers fantasque. J’ai apprécié les nombreuses références littéraires et musicales qui parsèment l’histoire de bout en bout. Je me suis attachée aux personnages, à leur univers particulier et à leur douce folie.

    C’est un émouvant roman d’amour, baigné de jazz et de blues ; un monde heureux et superficiel, innocent et sensuel où s’insinue bientôt la maladie, la dégradation, la violence, la malédiction. Les personnages sont jeunes, beaux, très différents mais complémentaires : la dynamique Alise, la douce Chloé ; Colin l’amoureux et Chick l’obsédé de Partre ; Isis médiatrice du destin, amoureuse éconduite et Nicolas l’artiste adolescent et volage. Ils sont attachants, fragiles et forts à la fois.

    Mais derrière le roman d’amour, apparait une critique de la société superficielle. Par l’absurde, Vian lance divers traits acerbes sur le pouvoir de l’argent, l'organisation du travail et l’abrutissement qu’il produit, la religion, la police et la société de consommation… (Remarquez que le jazz qui accompagne chaque moment de la vie de Colin, disparait à la vente du pianocktail. Moment où Colin est contraint de travailler. Il quitte son monde de confort insouciant et rejoint la société déshumanisée qu’il décriait.)

    Et puis, il y a la dimension tragique de l’histoire ; la fatalité qui s’abat brutalement sur des êtres jeunes et beaux et cette fin où ne subsiste nul espoir, où tout est broyé par une machine infernale et cruelle.

    Je ne m’attendais pas à un tel roman. Vraiment, je regrette d’avoir tant tardé à le lire.

    Le billet sur le film est ici.

     

     

     

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  • Iris Blanche, Michèle HARDENNEIris quarante-deux ans, n’y croit plus. Marc, son compagnon, lui avoue qu’il est homosexuel et qu’Alain, son amant depuis plus de vingt ans, et lui, sont victimes d’un odieux chantage, et risquent de voir diffuser sur internet, des photos d’eux prises dans un motel, où ils se sont retrouvés ensemble. 

    Iris est inspectrice de police, et travaille pour la cellule de disparition des enfants mineurs, tandis que Marc est inspecteur à la criminelle. En finissant un rapport d’enquête concernant un jeune adolescent, elle constate que les données recueillies, sont incomplètes. Elle en informe de suite, la Directrice judiciaire Josée Darcy, sa supérieure hiérarchique. Le procureur Lionel Cassandre, est en charge du dossier. 

    Un poste d’Inspecteur à la brigade des mœurs se libère, et Iris l’accepte. Dorénavant, elle va devoir collaborer avec Lionel, sur cette affaire. 

    Mon avis :

    J’ai découvert ce roman d’une jeune auteur belge, autoéditée, lors d’un salon du livre de ma région. L’enthousiasme de l’auteure lorsqu’elle m’a présenté ses personnages et le sujet de ce policier m’ont poussée à l’acheter. Ayant eu l’occasion de découvrir de petits bijoux de l’autoédition, avec feu les agents littéraires, je me suis lancée sans hésitation.

    J’aime qu’on me raconte une histoire, qu’on m’embarque dans un univers, et en cela, l’auteure a atteint son but. L’écriture de Michèle Hardenne est agréable, le style fluide, sans artifice inutile, se lit bien et les pages se tournent sans effort. Les personnages sont attachants (mention spéciale pour Henri) et dès le départ, on a envie de savoir ce qui va leur arriver. Mais…

    Je regrette qu’assez vite, ce roman présenté comme un policier se transforme en romance. Il est construit, en fait, en trois parties. La première plante le décor, le commissariat, les collègues, les relations des uns et des autres, le couple Marc-Iris, et l’enquête sur laquelle travaille cette dernière. Arrive ensuite l’élément perturbateur : Marc dévoile à Iris son homosexualité, le chantage dont il fait l’objet et lui annonce qu’il l’aime mais qu’il la quitte. S’ouvre alors la deuxième partie où Iris, en vacances dans le sud de la France, essaie de se remettre de cette désillusion. Elle rencontrera une série impressionnante de personnes, toutes plus attachantes les unes que les autres, qui chercheront à l’aider et à lui faire oublier ses blessures. Enfin, dans la troisième partie, Iris retournée au travail, reprendra le dossier qu’elle traitait avant son congé et mènera l’enquête à son terme.

    Personnellement, je regrette que la majeure partie de l’histoire se focalise sur Iris, ses amours, ses déceptions, ses doutes, ses espoirs… Ce n’est pas ce que j’attends d’un policier, même si j’apprécie que les inspecteurs ne soient pas déshumanisés et obsédés par leur boulot. Mais vraiment, j’aurais préféré plus d’enquête, de suspens et moins de romance.

    Ensuite, je trouve Iris trop lisse, trop gentille, trop belle… trop. Sa réaction lorsqu’après dix ans de vie commune, Marc lui annonce son homosexualité qu’il lui a toujours cachée, n’est pas du tout plausible. Pour avoir vécu cette situation autour de moi, je peux affirmer que c’est un choc, voire un traumatisme. Et que si, plus tard, cela peut se passer très bien, il faut longtemps pour que la femme trompée se remette d’une telle révélation et se reconstruise. C’est humain, tout simplement. De même, les nombreuses rencontres qu’elle fera seront toutes agréables, joyeuses, respectueuses, chaleureuses… C’est trop beau pour être vrai. L’héroïne n’a aucun défaut. J’ai eu du mal à y croire.

    Enfin, et je sais hélas que c’est le lot de beaucoup d’ouvrages autoédités, j’ai été gênée après la moitié du livre, par de nombreuses fautes d’orthographe et de concordance des temps. A force de se relire, on ne voit plus les erreurs, on connait presque le texte par cœur. C’est là une des grandes difficultés pour les auteurs qui publient hors des maisons d’édition. Je le comprends mais cela a vraiment perturbé ma lecture.

    Je pense cependant que l’auteur a du talent et mériterait d’être entourée, guidée dans les phases d’écriture. C’est là qu’on sent toute l’importance de la relecture et de l’encadrement que seules les maisons d’édition peuvent proposer. Mais il n’est pas simple de débuter dans le métier.

     

     

     

     

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  • Le roman de Zelda, Thérèse Anne FOWLERElle a 17 ans, c’est une belle du Sud, petite dernière d’une famille bourgeoise de Montgomery, exubérante et fantasque. Quand elle le rencontre lors d’un bal, il a 21 ans, porte l’uniforme et veut vivre de sa plume. Bravant les conventions, elle part l’épouser à New York, quelques jours après la sortie de son premier roman, L’Envers du paradis. Le livre est un immense succès, et les deux amoureux deviennent instantanément célèbres, propulsés dans un tourbillon de fêtes effrénées entre Long Island, Paris et la Riviera française. Elle, c’est Zelda ; lui, c’est Scott : ils viennent d’entrer dans la légende.

    Mais l’insouciance de la vie mondaine, les dépenses folles et les flots de champagne détruisent l’harmonie du couple. Tandis que Scott sombre dans l’alcoolisme, la délaisse et l’accuse de tous les maux, Zelda lutte corps et âme pour exister. Écriture, peinture, danse, elle cherchera éperdument son identité jusqu’à en perdre la raison, et disparaîtra de façon tragique dans l’incendie de son dernier asile. Toute sa vie, elle sera restée dans l’ombre de l’homme qu’elle a aimé à la folie. Ce roman lui rend enfin sa voix.

    Mon avis :

    Quand les Editions Michel Lafon m’ont proposé ce livre, je n’ai pas hésité une seconde, tant cette période de l’histoire de la littérature me fascine. Cette « génération perdue » comme l’appelait Gertrude Stein, formée d’écrivains devenus emblématiques de l’Amérique de l’entre-deux-guerres (Dos Passos, TS Eliot, Hemingway, Ezra Pound…), attire par son insouciance, ses fêtes tapageuses et la personnalité de ses membres. Installés en Europe où le dollar fort leur permet de vivre à l’aise, ils mènent une vie de bohème où l’alcool coule à flot. Ils véhiculent le sentiment d’une perte de sens, d’un déclin des valeurs sociales, religieuses, morales et politiques et proposent une rupture nette avec le passé, tant au niveau de leur mode de vie que de leurs écrits et des thèmes abordés.

    Considéré comme le chef de file de la Génération Perdue, F. Scott Fitzgerald en était sans doute aussi le plus glamour. Avec sa jeune épouse Zelda, ils formaient un couple mythique. Jeunes, riches, beaux, pleins de vie, ils auraient pu tout réussir.

    Cet ouvrage est une fiction, même s’il se base sur des lettres de Zelda et de son entourage, sur les écrits et carnets de Scott et d’autres documents personnels. Partant du point de vue de Zelda, il essaie de rendre au plus juste la vie du couple, l’époque dans laquelle il vit, la société dans laquelle il évolue et les idées qui s’affrontent alors, tant en Amérique qu’en Europe. Epoque charnière dans l’émancipation de la femme, l’évolution des arts, la situation économique et politique du monde, ces vingt années ont été d’une grande richesse. Thérèse Anne Fowler nous les décrit par le menu.

    Dès le départ, l’auteure nous dépeint une Zelda au comportement audacieux, énergique, sans tabou, aimant choquer la société trop puritaine de son Alabama natal. Rien d’étonnant qu’elle se laisse séduire par le fantasque et séduisant Francis Scott Fitzgerald, alors militaire en attente de partir sur le front, mais qui veut devenir écrivain, le plus grand écrivain de tous les temps. Elle sera son épouse et son égérie.

    Couple mondain, élégant, chic et noceur, Zelda et Scott deviendront rapidement les icônes de leur génération. Scott s’emploie d’ailleurs très bien à mettre en scène sa jeune et jolie épouse qui ne recule devant aucun défi, aucun esclandre. Le couple s’amuse, fait parler de lui, est invité dans tous les cocktails, réceptions et diners mondains et dépense sans compter. Ils sont à la mode et cela leur plaît. Ils s’aiment passionnément et pensent que cela va durer toujours.

    Le succès, quoique relatif, de Scott, relègue vite Zelda au second plan ce qui n’est pas du tout dans sa nature. Faire-valoir de son époux, niée dans ses aspirations et ses idées par un mari alcoolique, autoritaire, prétentieux et immature, Zelda s’ennuie et s’étiole. Et ce ne seront plus entre eux que jalousie, ressentiment et acrimonie. Malgré diverses tentatives pour exister par elle-même et gagner sa liberté, Zelda se rendra compte qu’il n’y a pas de place pour deux artistes dans son couple. Chaque fois qu’elle aura l’occasion de briller par elle-même, Scott se chargera de la remettre à sa place d’épouse et de muse, jusqu’à ce qu’elle sombre lentement dans la dépression, voire la schizophrénie.

    Divertissant et intéressant, mêlant romance et histoire, ce roman rend hommage à une jeune femme libre, en avance sur son temps. Sensible aux idées progressistes de l’émancipation de la femme, elle est décrite comme la victime d’un mari autoritaire et d’une société machiste (voire entre autres, les propos des médecins qui la soignent) et en devient par là même une sorte d’icône féministe.

    Malgré quelques longueurs et une fin trop vite expédiée à mon goût, ce livre vaut la peine d’être lu pour découvrir ce couple mythique et l’époque dans laquelle il a vécu. A deux semaines de la sortie du remake de « Gatsby le Magnifique », il vous donnera aussi l’occasion de mieux appréhender le contexte de l’œuvre. 

     

     

     Le roman de Zelda, Thérèse Anne FOWLER

     

     

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  • Les raisins de la colère, John STEINBECK«Le soleil se leva derrière eux, et alors... brusquement, ils découvrirent à leurs pieds l'immense vallée. Al freina violemment et s'arrêta en plein milieu de la route.- Nom de Dieu ! Regardez ! s'écria-t-il. Les vignobles, les vergers, la grande vallée plate, verte et resplendissante, les longues files d'arbres fruitiers et les fermes. Et Pa dit : - Dieu tout-puissant !... J'aurais jamais cru que ça pouvait exister, un pays aussi beau.»

    Mon avis :

    Il y a deux ans, j’avais fait de mai, le mois des classiques. A l’invitation de Paikanne qui m’a proposé cette lecture commune pour le 1er mai, je me suis dit que je renouvèlerais bien l’expérience. Je m’engage donc à lire un classique par semaine pendant ce mois de mai.

    Tom Joad sort de prison. En route pour chez lui, il rencontre Jim Casy, un ancien prédicateur, avec qui il partage des souvenirs d'enfance. Ils font la route ensemble. Alors qu'ils arrivent à la ferme familiale, ils s'aperçoivent que celle-ci a été désertée. Déconcertés et un peu perdus, Tom et Jim décident d'aller chez l'Oncle John où ils retrouvent les autres membres de la famille Joad. Ces derniers sont en train de charger un camion avec ce qui leur reste de biens pour partir vers la Californie. Bien que ce projet enfreigne les termes de sa liberté conditionnelle, Tom décide de partir avec sa famille. L'ancien pasteur J. Casy se joint également à la famille. 

    Steinbeck retrace ici le parcours d'une famille lors de la Grande Dépression de 1929, avec un réalisme poignant. En raison des prix extrêmement bas, aucun bénéfice ne peut être engrangé sur les récoltes. Agriculteurs expulsés de chez eux par la mécanisation et l'industrialisation, ils voient les banquiers propriétaires chasser par milliers des familles de fermiers comme eux et les terres reprisent par de gros exploitants. C’est la fin de cette utopie selon laquelle chaque citoyen américain aurait un bout de terre qu'il pourrait cultiver pour se nourrir lui et sa famille. La Route 66 se couvre alors de pauvres éclopés qui s'en vont vers l'Ouest. C'est dans un voyage semé d'embuches qu'ils tentent de rejoindre la Californie, terre perçue comme la terre promise. Au fil des pages, on se laisse facilement pénétré par cet univers. Une vraie descente aux enfers.

    A travers ce voyage vers l'Ouest, c'est avant tout la perte de l'humanité d'une société à la dérive, que narre l'écrivain en y jetant un regard lucide et pertinent. La famille va se disloquer, connaître la faim, la soif, l’injustice, la peur, la mort, la colère. Steinbeck ne laisse aucun espoir, aucun avenir à ses personnages. C’est dur, violent, vrai.

    Celle qui m’a le plus impressionnée, c’est Man Joad, la mère de famille, aimante et dévouée. Elle s’efforce tout au long du récit de garder sa famille soudée et unie. Malgré les terribles épreuves traversées, elle ne perd pas la foi et la confiance. C’est la « citadelle de la famille ». Un très beau personnage féminin, plein de force.

    Publié en 1939, ce roman est considéré par la presse comme un pamphlet communiste qui lui reproche ses prises de positions socialistes et sa vulgarité. Le livre sera interdit dans plusieurs villes californiennes mais connaitra quand même le succès. Adapté au cinéma par John Ford, il recevra le prix Pulitzer en 1940 et le film remportera plusieurs Oscar. Steinbeck, lui, recevra le prix Nobel de littérature en 1962 pour l’ensemble de son œuvre.

    Le titre du roman, Les raisins de la colère, Graps of wrath en anglais, est tiré de l'hymne patriotique américain The Battle Hymn of the Republic, chanté par les Unionistes (soldats du Nord des Etats-Unis). Ce chant est à la fois républicain et religieux. Il fait référence au vin de l'indignation divine décrit dans l'Apocalypse de Saint-Jean, avec lequel les anges de Dieu mouilleront la Terre alors dominée par la Bête. (chp 25 du roman)

    Ce roman fait partie des classiques de la littérature américaine et mondiale. Je suis contente de l'avoir lu.

    L'avis de Paikanne ici et celui de Nahe

     

     Les raisins de la colère, John STEINBECKSentimentLes raisins de la colère, John STEINBECK

     

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