-
Par argali le 18 Décembre 2019 à 00:00
Décembre 1916. Capturés par la police du Reich, les Lulus se retrouvent au camp de détention de Holzminden où ils partagent le quotidien de nombreux prisonniers civils de différentes nationalités. Pour échapper à l’ennui et au manque de liberté, ils vont échafauder un plan d’évasion digne des plus grands livres d’aventures !
Mon avis :
Luigi devenu artisan-commerçant poursuit ici ses confidences au journaliste venu l’interroger pour rassembler des témoignages de Français déportés en Allemagne. Installé dans les hortillonnages (ce qui nous donne de très beaux dessins de ce petit paradis), il raconte la suite des aventures des Lulus dans un camp d’internement, tout en naviguant sur les canaux. Le sentiment de liberté que donne la barque glissant sur l'eau contraste à merveille avec la vie des prisonniers civils servant d’otages et de monnaie d’échange.
Nous retrouvons aussi l’esprit aventurier des gamins prêts à tout pour retrouver la liberté. L’intrigue est bien menée, haletante et la lecture est un plaisir. Elle alterne émotion, informations historiques et humour comme chaque fois.
Ce tome termine joliment l’épisode Luigi. Les auteurs ont réussi à garder intact l’attrait pour l’histoire de ces gamins tout en se renouvelant, malgré les 6 tomes de la saga originale et cet épisode parallèle.
Mention particulière pour la mise en couleur de David François et les palettes de tons qui différencient les moments de souvenir et l’interview de Luigi en 1937.
Si, par hasard, vous ne connaissez pas cette BD, foncez, vous ne le regretterez pas.
votre commentaire -
Par argali le 15 Décembre 2019 à 00:00
Les armes se sont tues mais le combat des Lulus pour leur propre survie continue. Hospitalisé à Troyes, Lucien se souvient de son arrivée à l’orphelinat de Valencourt et de sa rencontre avec ceux qui allaient devenir ses meilleurs amis. A cette époque la Grande Guerre n’avait pas encore ravagé l’Europe et les moments de joie et d’insouciance étaient fréquents.
Mon avis :
C’est avec plaisir que j’ai retrouvé les enfants de cette épopée. Lucien, amputé d’une jambe, réapprend à marcher avec Adélaïde, une jeune infirmière de Troyes. Lors de leur séance de marche, il lui raconte son arrivée à l’orphelinat en 1910, sa rencontre avec Luigi, son premier ami puis avec Ludwig et Lucas. Dès les premiers jours, il lui a fallu serrer les dents et résister aux attaques d’Octave et sa bande qui jouaient les chefs.
Avec ce retour en arrière, on en apprend un plus sur chacun des enfants et les raisons de leur présence à l’orphelinat. On découvre aussi comme s’est formé leur petit groupe et ce qui leur a donné la passion des cabanes. Sentant sa convalescence prendre fin, Lucien est un peu inquiet, ne sachant où aller ni comment retrouver les autres. D’autant qu’un autre danger menace : la grippe espagnole fait des ravage en Europe.
Quelle belle idée de poursuivre cette saga en donnant la parole à Lucien. C’est un battant, le grand de la bande qui a pris sous son aile les autres Lulus. Ce flash-back sur la genèse de l’amitié indéfectible de ces garçons est à la fois drôle et émouvant. Une fois encore la tension dramatique est présente et rendue avec soin et l’ambiance créée par le scénariste et le dessinateur est fidèle à celle des albums précédents. C’est le trait d’union parfait entre la guerre et le portrait des enfants. Cet album tout en tendresse, réalisme et affection nous attache encore un peu plus aux personnages de Hautière et Hardoc.
Un régal.
votre commentaire -
Par argali le 1 Décembre 2019 à 00:00
À trente-neuf ans et des poussières, Noah, éternel adolescent, a de plus en plus le sentiment d'un vide essentiel qui le fait passer à côté de sa vie telle qu'il l'avait rêvée enfant. Alors un soir, il décide de poser son mal-être pour trouver la clef du bonheur. D'expérience en découverte, Noah traque le bonheur dans chaque aspect de sa vie, guidé par cette seule question : y a-t-il une recette, une formule pour y parvenir ? Une rencontre va changer la donne au-delà de toutes ses espérances...
Mon avis :
J’avais beaucoup aimé la poésie et la profondeur de « La petite marchande de rêves » et de « La fée des glaces ». J’avais hâte de retrouver Maxence Fermine avec ce roman pour adultes dans lequel il s’interroge sur notre quête du bonheur et le sens de la liberté. Je remercie d’ailleurs les éditions Michel Lafon pour cet envoi qui m’a permis la découverte.
A l’approche de la quarantaine, Noah fait le point sur sa vie, titillé par une remarque de sa collègue et amie Elsa. Le constat est clair, malgré son métier, sa maison, ses amis… il n’est pas heureux. Il va donc tenter de s’écouter davantage et réaliser de nouvelles expériences.
A travers Noah, son questionnement et ses tentatives d’accomplissement, l’auteur nous propose une réflexion sur le bonheur. Sport, rencontres, recentrage sur soi, expérience sensorielle… Noah fera des essais, suivra les conseils de son entourage, pensant avoir la solution qui lui faut. Mais le bonheur se trouve-t-il dans une activité divertissante ? Dans une manière de vivre épanouissante ou dans des relations d’échanges ? Devons-nous tous emprunter le même chemin vers le bonheur ?
L’idée est intéressante et j’attendais beaucoup de ce roman. Mais les tentatives de Noah prêtes à sourire tant elles sont naïves. Et bien qu’on ait envie de savoir ce qui va lui arriver, ce conte de développement personnel ne décolle jamais vraiment. J’avais tant aimé le style de Maxence Firmine et son écriture envoûtante dans « La petite marchande de rêve » que je m’attendais à autre chose. Je n’ai pas été séduite par le style et le début est une longue suite de propositions pour se sentir mieux, une liste énumérant les expériences à vivre. C'est consensuel, dans l'air du temps et sans réelle surprise. L'histoire ne devient intéressante que lorsqu’il rencontre Tao et que l’on est dans le récit d’une rencontre, d‘un dialogue entre deux vies dysfonctionnant et non dans une recherche égoïste d’un mieux-être. Et même si j’avais vu arriver la fin, j’ai apprécié cette partie.
Je suis déçue de n’avoir pas été enthousiaste mais je suis contente de l’avoir lu. Je me demande cependant si ce roman n’est pas une commande, une publicité déguisée car certaines références sont interpellantes et le style de ce récit est très différent des précédents de l'auteur.
Mais je m’en voudrais de briser votre envie de le lire ; faites-vous votre propre avis. Le plaisir de lecture, comme le bonheur, est tellement personnel.
3 commentaires -
Par argali le 27 Novembre 2019 à 00:00
Manue aime se faire croire que son existence, « digne d’un scénario hollywoodien », est catastrophique. Fabio, jeune Italien immigrant, ne se sent chez lui nulle part, car « lorsqu’on a choisi de quitter sa maison, elle nous devient à jamais interdite ». Leurs chemins se croisent alors que Manue recherche son poisson rouge mystérieusement disparu. Le récit de leur relation s’entremêle avec celui de Sergio, soldat de la Seconde Guerre mondiale, homme mort cent fois. Tous trois s’embarqueront dans une épopée improbable où les méduses détiennent la réponse aux questions existentielles, où les messages sont livrés par pigeon voyageur et où il est parfois nécessaire d’entrer par effraction dans sa propre demeure.
Mon avis :
Ce roman choral met en présence trois personnages excentriques. Manue, jeune graphiste sans boulot, désœuvrée, traine son mal-être dans une vie vide. Un jour où elle cherche son poisson rouge disparu, elle rencontre Fabio, très proche de son grand-père Sergio qui a combattu durant la Seconde Guerre mondiale et survécu aux goulags. La seconde partie du roman nous transporte d’ailleurs à cette époque. Enfin, la dernière nous emmène en Italie où Sergio vient de mourir. Fabio se rend à son enterrement et reçoit de sa grand-mère une mystérieuse boite qu’il ne veut ouvrir qu’en présence de Manue.
Inspirée par le grand-père de son compagnon, Mélissa Verreault a imaginé le personnage de Sergio qui donne tout son sens au roman. Après tout ce qu’il a vécu, il a surmonté ses souvenirs d’atrocités, s’est marié et a eu une vie bien remplie. En découvrant cette vie, Manue se rend compte que si Sergio a pu survivre à toutes les horreurs qu’il a connues, elle peut aussi surmonter ses peines de cœur, la perte de sa sœur, le départ de son père…
Sur un ton badin voire burlesque, l’auteure nous raconte des histoires familiales parfois légères, souvent pesantes sur l’angoisse de vivre. Il arrive qu’on trouve le récit décousu mais il reste profond et traversé de sensations fortes. Et pour désamorcer l’aspect dramatique du récit, Mélissa Verreault emploie un ton pétillant et fantaisiste soutenu par une écriture juste et cela fonctionne à merveille.
J’ai trouvé ce roman, qui parle de la vie, de son sens et l’interroge, profondément humain. A la fois drôle, bouleversant, hors normes, ce roman fait du bien et remet les choses à leur juste place.
A découvrir absolument, si ce n’est déjà fait.
votre commentaire -
Par argali le 20 Novembre 2019 à 00:00
Samuel ne sait rien de la femme qu’il va épouser. Depuis des années, son père n’a ménagé aucun effort pour rendre son fils attirant, pour l’engraisser comme une volaille en vue du grand jour. La famille se réjouit, Madame est riche et les problèmes financiers se régleront bientôt. Samuel doit simplement se donner du temps pour l’aimer.
Sur l’île où habite Samuel, l’homme obéit à sa femme. Gare à celui qui tente de s’émanciper, car des vigiles armés surveillent les rues. Marié, il devra satisfaire les désirs de Madame et se taire. Que peut un homme facilement remplaçable dans un monde où les femmes dominent toutes les sphères de la société ?
Mon avis :
Je sors de ce roman avec un sentiment de malaise. J’ai aimé la plume de Larry Tremblay et pourtant le récit m’a ébranlée. Samuel est encore un ado innocent et naïf qui a dû abandonner l’école, quand il apprend qu’il va se marier. Toute sa famille se réjouit de ce mariage car sa future épouse est riche. Samuel, lui, rêve d’une princesse, jeune, douce, tendre… Il est bien loin d’imaginer ce qui l’attend.
Dans ce roman, Larry Tremblay dénonce les préjugés de notre société en nous mettant face à nos acceptations muettes et nos aveuglements volontaires. A travers un miroir déformant, il nous fait spectateur de la domination des sexes. Et cela grince, percute, dérange. On se dit que la situation décrite n’est pas normale, est glauque et inadmissible. Et on réfléchit à ce qui se passe dans le monde ; ce qui s’est toujours passé. Pourquoi l’a-t-on accepté ? Pourquoi s’y est-on habitué ?
Cette fable romanesque intemporelle qui inverse les rôles se déroule dans un pays imaginaire afin d’éviter les habituels clichés. Et cela fonctionne. Cette région, cela pourrait être ici. Ou là. L’accent est simplement mis sur la domination d’un sexe sur l’autre et sur le pouvoir tout simplement. Celui qu’on a parfois sur les autres, celui qu’on aime avoir dans certaines circonstances, celui qui asservit certains et rend puissants d’autres.
Samuel passe, au fil des années, par diverses phases : désespoir, révolte, déni, acceptation, remise en cause, soumission... Avec finesse, Larry Tremblay brosse l’évolution de la psychologie de son héros et les insidieuses répercussions que sa situation anxiogène aura sur son mental.
D’un bout à l’autre, je me suis sentie inconfortable dans cette lecture qui nous rend voyeur et complice à la fois. L’atmosphère y est lourde et même si l’auteur, par le choix de la fable, tente à nous mettre à distance, on ne peut s’empêcher de se sentir concerné.
Avec une efficacité redoutable et sa plume, fine et aiguisée, il immerge le lecteur dans ce huis clos étouffant où aucun des mécanismes de la domination d’un sexe sur l’autre ne sera occulté.
Ce roman critique éveille les consciences à un moment où, dans l’actualité, les dominés semblent enfin se révolter contre les dominants. Mais l’égalité des sexes sera-t-elle jamais totalement acquise ?
4 commentaires -
Par argali le 6 Novembre 2019 à 00:00
Pendant que s’étire la Deuxième Guerre mondiale, Jérôme Beauvais s’est réfugié en forêt et il attend. Après sa désertion des Forces canadiennes, sa mère l’a envoyé dans cet endroit où il vit reclus auprès de son taciturne grand-père, qui l’occupe avec les rénovations de sa vieille maison. Bientôt, Jérôme s’intéresse à l’histoire des lieux, ponctuée de crimes et de morts suspectes.
À mesure que son isolement grandit, Jérôme s’abîme dans les secrets de la demeure. Un suicide, un incendie et des murmures de sorcellerie hantent ses pensées, prenant peu à peu le pas sur la réalité de la guerre et sur ses propres fantômes.Mon avis :
Déserteur, Jérôme s’est réfugié en forêt auprès de son grand-père bourru. Ensemble, ils retapent une vieille maison, abandonnée suite à une succession de drames. Un suicide et un incendie s’y sont produits autrefois. D’ennui, Jérôme commence à enquêter sur ces faits dramatiques à partir de vieilleries laissées dans le grenier.
J’ai apprécié la psychologie des personnages, travaillée, approfondie lors de longues scènes entre le grand-père et son petit-fils et le parallèle établit entre la reconstruction du lieu et celle des liens familiaux. Le thème de la solitude et de l’isolement est bien rendu dans une intrigue qui se construit peu à peu. La Seconde Guerre mondiale sert plus de prétexte que de moteur mais l’histoire est agréable à suivre et tient la route. Pour une première BD, Thomas Desaulniers-Brousseau s’en sort avec les honneurs.
On m’avait vanté le traitement graphique de cette histoire et c’est pourquoi je l’ai empruntée. Personnellement, je n’ai pas été séduite : trop de vignettes où les personnages se découpent sur fond uni, plat, traits accentués des visages et silhouettes et surtout soit des couleurs sombres soit criardes, rouges, agressives parfois jetées sur les dessins avec des traits marqués… Le découpage est classique et souvent travaillé sur une double page. Je ne suis pas assez experte pour juger le travail de Simon Leclerc, je n’ai simplement pas aimé.
Au final, je reste donc sur une impression mitigée : séduite par l’histoire, déçue par la forme. Mais n’hésitez pas à vous faire votre propre opinion. Ces deux jeunes auteurs sont à suivre.
8 commentaires -
Par argali le 3 Novembre 2019 à 00:00
Dans le cimetière américain d'une petite ville de Normandie, bien des années après le débarquement allié, une famille venue d'Amérique se rend pour la première fois sur la tombe de deux des siens morts à vingt ans avant même d'avoir foulé le sable d'Omaha Beach.
Ici, les morts ne reposent pas en paix.
À l'heure où les soldats américains et canadiens répondent encore à l'appel de la guerre et meurent au loin, les plages de Normandie continuent à nous hanter.
Mon avis :
Cet oratorio (avec solistes, chœur et ensemble) rend hommage aux soldats nord-américains tombés sous les balles lors du Débarquement et est une critique féroce de la guerre, des hommages, des faux semblants et de la vie où la fin inéluctable est la mort.
Ce texte, à la fois dramatique et ironique, est centré sur un carré de gazon vert, du cimetière américain de Colleville-sur-Mer en Normandie, écrasé par le soleil d’août. Une famille endeuillée depuis 60 ans, suite à la perte de jumeaux de 20 ans à peine, vient se recueillir sur leurs tombes pour la première fois. Il y a là leur sœur, sa fille et son gendre et deux de ses petites-filles, adolescentes. Dans ce lieu de recueillement, où tout est net, beau, ensoleillé, le calme n’est rompu que par le bruit de la mer et les cris stridents de quelques corneilles. Eunice, la grand-mère, semble bouleversée et détachée à la fois. Phyllis, la fille, ne cesse de bavasser comme pour exorciser le malheur et la mort. La tension est palpable entre elles, elle se révélera peu à peu.
Les deux femmes reviendront de nuit, seules, à la rencontre de leurs morts, Paul et Victor, et se retrouveront avec stupeur face à face avec leurs fantômes et ceux de leurs frères d’arme, jouant au football et batifolant entre les tombes. Un dialogue virulent et brutal se nouera entre morts et vivantes, entre passé et présent.
Tragi-comique, surréaliste, ce texte met en présence des êtres en souffrance mais incapables de comprendre celle de l’autre, aux antipodes de la leur. Et la rencontre ne peut qu’être étrange et brutale, rageuse et violente.
Catherine Mavrikakis que je découvre avec ce court texte - de 124 pages à peine- met en scène plusieurs thèmes comme les relations mère-fille conflictuelles, l’obsessions morbide, le devoir de mémoire et une certaine esthétisation de la mort.
J’ai trouvé cette pièce à la fois forte et pesante. Certains passages sont beaux et puissants et méritent qu’on s’y attarde. D’autres sont longs et redondants. D’autres encore créent un certain malaise. D’ailleurs je me demande si cette pièce est destinée à être jouée (et si elle l’a été) où simplement à être lue.
L'auteure semble avoir un univers bien à elle ; elle a, en tout cas, une plume forte et belle. Je découvrirais certainement d'autres de ses écrits.
4 commentaires
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique