• Deux papas, deux enfants, Oxen LAMBERTÊtre papa, gay et avoir été marié avec une femme : l'aventure d'une vie. 

    Oxen a eu deux vies, celle d'un hétérosexuel marié et père de deux filles et celle aujourd'hui d'un papa gay qui élève ses enfants avec son compagnon.

    Érudit, engagé dans le social, Oxen avec son livre et son témoignage explique, démonte les fantasmes, ouvre des perspectives de réflexion à la fois sociétale et parentale sur ces familles qui, somme toute, sont celles de parents regroupés autour de leurs enfants avec présence et amour. 

     

    Mon avis :

     

    Oxen Lambert est le pseudo d’un enseignant, père de trois filles, qui raconte sa vie et son expérience dans ce récit. Après plusieurs années de mariage et trois enfants, il se rend compte que quelque chose ne va pas dans sa vie. Il n’est pas heureux car il ne se sent pas à sa place. Annoncer à son épouse qu’il la quitte et qu’il ressent des attirances homosexuelles ne sera pas facile. Ni pour l’un ni pour l’autre. Mais avec intelligence, patience, compréhension, ils parviendront à éviter les drames et à protéger les enfants. Pour ces dernières, la séparation puis la garde alternée sera une étape plus ou moins réussie. Puis viendra Christophe, le copain de papa (qu’il ne connaissait pas lors de son divorce). Il partagera des moments de plus en plus longs avec la famille, deviendra proche des filles, logera parfois à la maison… Et tout naturellement, sans vraiment nommer les choses, une famille se reformera où chacun trouvera sa place…

    Il n’en ira pas de même avec « les autres ». Les parents qui, comme Oxen, attendent leurs enfants à la sortie de l’école et ont entendu la rumeur. Ces voisins bien intentionnés qui la colportent. Les courageux anonymes qui iront jusqu’au conseil communal pour dénoncer les faits et les paroles blessantes qui reviendront aux oreilles d’Oxen. Sans parler des manifestations contre le Mariage pour tous qui se déroulent à la même époque.

    Avec humour, Oxen Lambert raconte la genèse d’une aventure familiale comme tant d’autres. Les mêmes joies, les mêmes peines, l’amour, la séparation, la reconstruction… et puis ce genre qu’on assume enfin. Il nous parle des réactions de la famille, de l’entourage et des anonymes. Il prend de la distance et choisit, en bon optimiste, de ne pas laisser les censeurs prendre le dessus. A travers son expérience, il ouvre aussi de nombreuses pistes de réflexion sur l’homoparentalité

    J’ai aimé ce récit vrai, sincère et la simplicité avec laquelle Oxen Lambert nomme les choses et les décrit. Oui, sa famille ressemble furieusement à toutes les familles. La seule différence c’est qu’elle compte deux papas.

     

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  • L'homme qui haïssait les femmes, Elise FONTENAILLEMontréal, décembre 1989. Un matin comme les autres à Polytechnique. Soudain, en plein cours, un jeune homme fait irruption dans une salle, et tout bascule. Il sort de son sac un fusil, abat toutes les filles de la classe, et va poursuivre son carnage dans les couloirs de l'école. Il ne vise que les femmes. Au total, il en tuera quatorze, avant de retourner l'arme contre lui.

    Pourquoi cette folie meurtrière, chez un garçon apparemment sans histoires ? Par haine des féministes. Elles lui ont — écrivait-il avant de se tuer — gâché la vie...

     

    Mon avis :

     

    Je découvre ici un roman adulte d’Elise Fontenaille, paru en 2011 chez Grasset. A partir d’un fait divers qui traumatisa le Québec, elle dresse le portrait d’un enfant écorché vif. Romancer des faits divers est sa marque de fabrique. Elle adore ausculter la société, mettre en exergue ses compromissions ses travers et ses erreurs tout en imaginant les pensées qui ont pu traverser l’esprit des protagonistes.

    Le drame dont il est question ici a eu lieu à Montréal il y a trente ans cette année. Ce fut la première tuerie de masse dans une école en Amérique du Nord et elle provoqua un traumatisme profond dans tout le pays. Je n’en ai personnellement aucun souvenir. Il faut dire qu’à ce moment, en Europe, le mur de Berlin était tombé trois semaines plus tôt et cet événement a occulté tout autre pendant un moment.

    Le tout a duré trente minutes. Trente minutes durant lesquelles, Gabriel a tué 14 jeunes femmes et en a blessé 13 autres. Il n’a visé que les femmes, épargnant les hommes. Cette tragédie prend racine dans des faits sociétaux. C’est en tout cas ce que la lettre trouvée sur le corps du tueur explique. Il cherche à se venger des femmes et de leurs revendications féministes d’indépendance et de reconnaissance.

     

    Elise Fontenaille donne tour à tour la parole aux policiers arrivés sur les lieux, au tueur, à sa famille, à quelques rescapés et à leurs proches. Ces divers points de vue tentent de comprendre pourquoi et comment ce drame a eu lieu. Pourquoi et comment on n’a pas pu l’éviter.

    A travers les interventions de chacun, l’auteure met en lumière la société québécoise des années 60, une société en pleine mutation après ce qu’on appelle « La Grande Noirceur », cette période qui couvre l’après-guerre jusqu’en 1959. (Alors que la société québécoise connaît des changements économiques et sociaux profonds, l’apparition d’idées neuves et une volonté d’émancipation, elle s’oppose aux élites traditionnelles groupées autour de Maurice Duplessis, premier ministre québécois, et au pouvoir du clergé.) A la mort de Duplessis s’amorce un changement radical des mentalités : rejet en masse de l’Eglise, du paternalisme et naissance des mouvements féministes. Ce qui ne se fera pas sans heurts.

     

    Elise Fontenaille, journaliste, vivait à Vancouver à l’époque du drame. Elle est retournée au Québec 20 ans plus tard pour mener l’enquête et a pu constater qu’il était toujours bien présent dans les souvenirs de chacun. Dans un style journalistique, concis et sans émotion ou jugement, elle cherche à comprendre le tueur. Pas à l’excuser mais à le comprendre.

    Malgré le style peu littéraire, j’ai trouvé ce récit bouleversant. Au-delà de la tuerie, il nous parle de lâcheté, d’amertume, de violence, de féminisme, de masculinisme, de culpabilité. Il vaut la peine d’être lu, d’autant qu’il est très court.

     

     

     

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  • Cachemire rouge, Christiana MOREAUToscane, Alessandra est fière de la qualité des pulls et étoffes qu’elle vend dans sa boutique de Florence. Une fois par an, elle va s’approvisionner en Asie. Jusqu’à ce coup de foudre pour le cachemire rouge filé par une jeune fille : Bolormaa.

    Dans les steppes de Mongolie, celle-ci mène une existence nomade avec sa famille, en communion avec la nature. Mais, lorsqu’un hiver glacial décime leur troupeau de chèvres, elle doit quitter ses montagnes pour travailler à l’usine en Chine.

    C’est là qu’elle rencontre XiaoLi. Bientôt, dans l’espoir de se construire un avenir meilleur, les deux amies font le choix du départ. De l’Asie à l’Europe, du Transsibérien jusqu’en Italie, elles braveront tous les dangers pour prendre leur destinée en main et tenter de réaliser leur rêve.

     

    Mon avis :

     

    Je découvre Christiana Moreau avec ce roman. La couverture m’attirait depuis un bon moment et la rencontre avec l’auteure a fini de me convaincre.

     

    Ce récit nous conte les destins mêlés de trois femmes : Bolormaa la Mongole, XiaoLi la Chinoise et Alessandra l’Italienne. Leurs chemins vont se croiser grâce au cachemire, cette matière précieuse, rare et chère. Une chèvre cachemire ne produit en effet que 150 grammes de laine par an. Il faut six chèvres pour réaliser un pull et donc les troupeaux sont précieux puisque la laine est la principale ressource des éleveurs Mongoles. Mais la vie est rude en montagne, les conditions climatiques déciment les troupeaux et la Chine a les moyens de racheter les survivantes, forçant ainsi les fiers nomades à se sédentariser.

    Du travail ancestral, Bolormaa va passer à la production à la chaine, dans une mégalopole, Ordos, où règnent la débrouille, la solitude et la mégalomanie des industriels chinois.

     

    L’auteure nous décrit longuement la vie en Mongolie, les paysages, les traditions, les phénomènes climatiques qui perturbent le quotidien des nomades… C’est la partie que j’ai préférée. Parallèlement, nous découvrons aussi la vie d’Alessandra, qui tient une boutique de vêtements en Toscane et va croiser la route de Bolormaa à qui elle achète le seul pull qu’elle ait confectionné de ses propres mains.

    Et puis vient la lumineuse XiaoLi, qui va prendre Bolormaa sous son aile et deviendra sa meilleure amie, sa sœur.

     

    Ce récit tout en délicatesse nous fait découvrir des contrées asiatiques lointaines, des conditions de vie difficiles, les enjeux géopolitiques et économiques qui bouleversent cette partie du monde et ont des répercutions jusqu’en Europe. Christiana Moreau évoque aussi l’immigration clandestine et le statut des femmes ; que ce soit actuellement en Mongolie ou sous l’ère de Gengis Khan ou encore en Chine et en Russie grâce à une babouchka rencontrée dans le train qui mène les jeunes filles vers l’Europe.

    J’ai beaucoup aimé l’écriture de l’auteure, son talent de conteuse et ses belles descriptions, l’humanité des personnages qu’elle nous présente avec leurs qualités et leurs défauts et le côté social et géopolitique du récit.

    Petit bémol, j’aurais souhaité que la fin soit plus développée quitte à ajouter une centaine de pages au récit. Elle m’a semblée un peu précipitée dès que les jeunes filles atteignent l’Italie. Cela n’a cependant pas gâché mon plaisir de lecture.

    Une belle réussite que ce deuxième roman d’une auteure belge. Je ne peux que vous encourager à le découvrir.

     

     

     

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  • Les bâtisseurs du vent, Aly DEMINNESans cœur étaient les nantis du village reculé où se déroule l'histoire ici contée. Et sans âme se sont-ils tous, à la fin, retrouvés. Entre la première et la dernière page de ce livre, quatre saisons vont défiler. L'église va, une nuit d'été, être démolie par la foudre. Le bourgmestre, l'apothicaire, le curé Emmanuel et son terrible secret, sans oublier tous les autres qui ont vu mais se sont tus, tous ceux qui prospéraient dans les riantes ruelles et les jolies maisons vont condamner le petit peuple entassé dans les bas-fonds du bourg à l'impossible : reconstruire en quelques mois et de leurs mains l'église foudroyée. Andreï Voronov, notre héros, et son chat Miouchki, Fabrizio et Jamal, Zuang et les frères irlandais vont alors tenter de relever cet incroyable défi qui fera d'eux et pour toujours : les bâtisseurs du vent. 

     

    Mon avis :

     

    Narré et rédigé comme un conte, ce premier roman est un petit bijou. Tout en simplicité, il nous parle d’humanité, de nous, de nos aïeux car l’histoire racontée est universelle et intemporelle.

     

    Jetés sur les routes par les circonstances, Andreï et son père quittent la Pologne et arrivent fin des années 50 dans un petit bourg que l’on devine en Belgique. Ils s’installent au Vhan, une rue en pente, en dehors du village où vivent d’autres miséreux comme eux. Le père d’Andreï est maçon et initie son fils à l’art des bâtisseurs. Quand il décède, Andreï reste dans la maison de son enfance, près de chez son ami Fabrizio et au milieu de ceux qu’il a toujours connus. Au fil du temps, le quartier s’est étoffé mais tous ses habitants sont toujours aussi pauvres. Leur seule richesse est l’incroyable solidarité qui les lie au-delà de leurs origines, convictions ou situation familiale.

     

    Un soir de tempête, la foudre détruit l’église du village. Les notables se rassemblent autour du bourgmestre pour décider des détails de la reconstruction. Pingres, vils, pernicieux, ils refusent le devis de l’architecte qu’ils trouvent exagéré. Le maire avise alors Andreï et lui ordonne de reconstruire s’il ne veut pas être expulsé ainsi que tous ses voisins. Il ne sera bien sûr pas payé, c’est déjà un acte de charité que de l’accepter au village. Acculé, ce dernier négocie cependant l’acte de propriété des logements du Vhan en échange des travaux. Mais...

     

    D’espoir en désespoir, de peines en joie, ce récit nous entraîne au cœur d’un bourg comme tant d’autres où se côtoient mesquinerie, malfaisance, méchanceté mais aussi solidarité, amitié et humanité.

     

    Cette fable sociale au style tout en finesse ravira petits et grands. L’auteure, une jeune Belge dont c’est le premier roman, nous offre un récit d’une grande justesse, sur les relations humaines et les luttes d’influence. Sans porter de jugement, elle met en présence des personnages consistants et vrais qui réagiront aux aléas de la vie avec les valeurs qui sont les leurs. D'une grande acuité, cette fresque villageoise intemporelle nous confronte à nos propres idées et attitudes.

    Un vrai coup de cœur.

      

     

    Merci aux éditions Flammarion pour cet envoi.

     

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  • La promesse faite à ma sœur, Joseph NDWANIYEJean est Rwandais et vit depuis de nombreuses années en Belgique, où il suit un chemin sinueux d'étudiant-travailleur étranger. Il s'y est marié et est devenu père de deux enfants. Il a toujours rêvé de rentrer un jour au pays et d'être accueilli en enfant prodigue par toute sa famille. Il ne réalisera pas son rêve, hélas, d'abord faute d'argent, puis à cause du génocide qui s'est déroulé sous les yeux du monde entier et dans l'indifférence. Des centaines de milliers de ses compatriotes sont assassinés. Pourquoi sa sœur Antoinette fait-elle partie des victimes ? Où se trouve son frère jumeau porté disparu ?

    Il décide enfin d'aller sur place éclairer ses doutes auprès de sa vieille mère, la seule rescapée de la famille.

     

    Mon avis :

     

    Infirmier aux Cliniques St Luc à Bruxelles, Joseph Ndwaniye vit en Belgique depuis 30 ans. Son roman, réédité chez Espace Nord à l’occasion du 25e anniversaire du génocide au Rwanda, est paru en 2007.

     

    La première partie du récit se fonde sur les souvenirs d’enfance de l’auteur, dans un village quitté en 1986 pour suivre ses études en Belgique. Jean, le narrateur, vit paisiblement dans une famille heureuse et unie sur la colline de Kibingo. Avec l’arrivée de missionnaires protestants allemands, le village s’est doté d’un temple, d’une école primaire et d’un service de soin de santé. Avec son jumeau Thomas et les enfants du médecin allemand, il vit une enfance joyeuse et insouciante, va à l’école et travaille chez sa grand’mère, une femme de tête, paysanne intraitable sur la valeur du travail.

    La seconde partie est fictionnelle : Jean, lui aussi établi en Belgique, retourne au pays 17 ans après son départ, pour retrouver sa mère. Le conflit entre Tutsis et Hutus a eu lieu dix ans plus tôt. Son frère a disparu, sa sœur et sa famille ont été massacrés, son père est décédé quelques années après le génocide ; seule reste sa maman.

    Dès l’arrivée de Jean au Rwanda, un fort sentiment de culpabilité l’habite. Le regard des autres, leurs questions parfois, le mettent face à ses remords : pourquoi ai-je survécu ? Pourquoi n’étais-je pas là pour les sauver ? Jean se sent responsable et aura la vision de ses défunts auprès desquels il cherchera des réponses et des apaisements. Il est aussi bouleversé de ne pas reconnaitre son pays qui s’est modernisé et a abandonné nombre de coutumes ancestrales.

     

    Ce roman ne raconte pas le génocide en tant que tel car Jean n’en a pas été un témoin direct. Il l’évoque bien sûr et l’ombre des massacres est omniprésente. Ils sont là sur les visages croisés, sur les corps meurtris, sur les mots pesés avant d’être prononcés. Ce roman donne plutôt du génocide une vision post-traumatique. Il parle aussi de l’exil et du retour sur la terre natale qui confronte les souvenirs et les rêves à la réalité.

     

    J’ai bien aimé cette autofiction même si je m’attendais à un récit plus précis sur les événements. Cependant, il révèle d’intéressantes facettes de la situation d’après génocide qui démontrent toute la complexité du drame. C’est un roman touchant à lire et à faire lire aux adolescents.

     

    La promesse faite à ma sœur, Joseph NDWANIYE 

     

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  • Today we live, Emmanuelle PIROTTEDécembre 1944. C’est la contre-offensive allemande dans les Ardennes belges. Pris de panique, un curé confie Renée, une petite fille juive de sept ans, à deux soldats américains. Ce sont en réalité des SS infiltrés, chargés de désorganiser les troupes alliées. Ils décident d’exécuter la fillette. Mais au moment de tirer, Mathias, troublé par le regard de l’enfant, tue l’autre soldat. Commence dès lors une cavale, où ils verront le pire, et parfois le meilleur, d’une humanité soumise à l’instinct de survie.

     

    Mon avis :

     

    Premier roman d’Emmanuelle Pirotte, cet ouvrage était dans la sélection 2018 du Prix Eurégio (il propose aux lycéens de Belgique, Allemagne et Pays-Bas une sélection de six romans parus en français, allemand et néerlandais, pour lesquels ils voteront) Mon fils l’a lu et l’a apprécié. C’est donc sur ses conseils que je l’ai sélectionné pour le mois belge. Depuis, j’ai appris qu’une adaptation cinématographique était en cours et que le « Mois belge » le sélectionnait pour une lecture commune. Tout cela n’était-il pas gage de qualité ?

     

    La force de l’auteure est de ne pas tourner autour du pot. Dès les premières lignes, nous sommes plongés au cœur de l’action et le rythme ne faiblira pas jusqu’à la fin.

    Alternant le récit du quotidien et des flashbacks où l’on découvre la vie menée par Mathias avant sa rencontre avec Renée, Emmanuelle Pirotte nous présente, d’une écriture fluide et sans fioriture inutile, différents tableaux : l’errance, la survie, la peur, la vie dans une cave, les délations, l’enfance, les combats violents, les horreurs de la guerre, la vie sauvage dans une forêt canadienne… A travers ces tableaux, elle nous laisse entrevoir une facette des personnages dont le portrait tout en entier ne nous apparaît qu’au fil des pages. Loin d’être lisses, ils portent en eux des contradictions, des ambiguïtés qui ne les rendent ni tout à fait bons ni tout à fait mauvais.

    La guerre est longue, cruelle et tous souhaitent retrouver leur vie d’avant. Chacun doute, a peur, espère. Des personnalités se révèlent, d’autres changent, évoluent car la guerre a laissé des traces et marqué chacun. Rien ne sera plus comme avant, chacun le sait.

    Dans ce décor glaçant et glacé, Renée dénote par sa force lumineuse. Cette enfant ballottée par les événements a échappé à la mort par sa seule force mentale et la profondeur du regard qu’elle a porté sur celui qui la tenait en joue. Elle force le respect par sa détermination et son calme aux pires moments. En croisant Mathias, elle va bouleverser son existence et ses certitudes. Plongé en pleine aporie, il en devient vulnérable et en même temps plus humain.

     

    On sort de ce roman avec un sentiment trouble tant l’auteure a réussi à nous ébranler. Le regard porté sur les faits et les gens est brouillé. Et on ne peut s’empêcher de se demander comment nous aurions réagi à leur place.

     

    Un roman fort et puissant qui a en plus le mérite de se baser sur des faits historiquement exacts (l'opération Greif et la Bataille des Ardennes). A lire et à donner lire aux adolescents.

     

     Today we live, Emmanuelle PIROTTE

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  • La vieille dame et moi, Jacqueline HARPMANIl est si ennuyeux d’être soi-même et cela nous fait vivre en si mauvaise compagnie que nous nous acharnons à devenir une autre personne, plus fréquentable et que nous ne détesterions pas.

     

    Mon avis :

     

    Attendant la venue de ses enfants, une auteure rédige à l’ombre sur sa terrasse. Arrive une dame importune qui entrave son travail et dialogue avec elle. Commence alors un échange musclé, véritable réquisitoire contre la romancière.

    On comprend assez vite qu’il s’agit de son double, un double décalé qui va révéler la narratrice dans ses plus intimes secrets. Cette dame a dix ans de plus qu’elle, elle est au bord de la mort et comme elle le dit « déjà attachée à tout un appareillage, des appareaux, pour ne pas mourir tout de suite ». Entre les deux femmes va s’installer un dialogue impertinent où la visiteuse tente de déstabiliser la romancière. Celle-ci, toujours trop polie, tout en retenue, autant dans sa vie que dans son écriture, tente de se défendre.

     

    Dès le début de ce très court roman, j’ai pensé aux « Catilinaires » d’Amélie Nothomb. La narratrice y fait d’ailleurs référence (p.26) établissant un rapprochement entre sa situation et celle décrite par Nothomb.

    Jacqueline Harpman nous propose ici une sorte de récit psychologique où elle réfléchit sur la prétention de l’écrivain, la futilité de l’écriture et l’immodestie qui consiste à croire que ses pensées et ses idées peuvent avoir de l’intérêt pour autrui. Ce roman testament, paru en 2001, permet aussi à la romancière d’interroger son rapport à la langue, au style, à la phrase qu’elle voulait parfaite.

     

    Humour et auto-dérision sont bien présents ici dans ce beau texte dont la morale pourrait être : le plus important est-il d’accomplir de grandes choses dans la vie ou d’être satisfait de celle-ci ?

    Cette première lecture que je fais de Jacqueline Harpman me donne envie d’en découvrir davantage.

     

    La vieille dame et moi, Jacqueline HARPMAN

     

     

     

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