• Quand Tatiana rencontre Eugène, elle a 14 ans, il en a 17. Il est sûr de lui, charmant et plein d’ennui, elle est timide, idéaliste et romantique. L’inévitable se produit, elle tombe amoureuse et lui, semblerait-il, aussi.  Alors elle lui écrit une lettre ; il la rejette pour de mauvaises raisons peut-être. Dix ans plus tard, ils se retrouvent par hasard. Tatiana a changé, Eugène également. Vont-ils aller à l’encontre de leurs sentiment ?

     

    Mon avis :

     

    La première surprise passée, récit en vers libres à la typographie originale, on entre peu à peu dans l’histoire. Eugène et Tatiana se retrouvent par hasard, dans un train de banlieue. Lui se rend à l’enterrement de son oncle, elle, à la BNF, lire et rédiger sa thèse sur Caillebotte. D’abord refroidi par le badge « Bébé à bord » qu’elle arbore, Eugène se surprend à la désirer et à la trouver belle. Ils échangent alors leur numéro de portable.

     

    Cela commence d’une manière tout à fait naturelle, comme un roman contemporain. Mais très vite, on comprend qu’il s’agit là d’une réécriture d’Eugène Onéguine, le célèbre roman en vers de Pouchkine. D’ailleurs tous les personnages portent les mêmes noms.

    Par un travail précis d’interprétation et de réécriture, Clémentine Beauvais nous entraîne à faire l’aller-retour entre le récit du 19e siècle et ce roman d’amour d’aujourd’hui. Cette réécriture lui donne la liberté de changer l’ordre des scènes et d’ainsi mettre l’accent sur l’amour contrarié de ces jeunes gens. Clémentine Beauvais a aussi pris quelques libertés avec l’histoire pour la rendre plus crédible aujourd’hui. Une belle idée.

     

    J’ignore si l’ensemble des lecteurs aura la possibilité de déchiffrer les codes, de percevoir les allusions à Baudelaire ou Corneille ou de goûter aux classiques du genre que sont la scène de rencontre, l’écriture de la lettre d’amour et les autres que je ne vous dévoilerai pas pour ne pas gâcher la découverte. Mais c’est assez amusant à dénicher.

     

    Pour rendre cette adaptation agréable et à la portée de tous, j’imagine le formidable travail de relecture et de préparation qu’il y a eu en amont. Etant donné la forme singulière du récit, on risquait de perdre la tension narrative de la pièce de Pouchkine. Un réel travail sur la langue et la construction a donc dû avoir lieu.

    D’un romantisme moderne mâtiné de féminisme, ce roman audacieux vaut vraiment la peine d’être découvert.

     

     

     

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  • Le Consentement, Vanessa SPRINGORASéduite à l’âge de quatorze ans par un célèbre écrivain quinquagénaire, Vanessa Springora dépeint, trois décennies plus tard, l’emprise que cet homme a exercée sur elle et la trace durable de cette relation tout au long de sa vie de femme. Au-delà de son istoire intime, elle questionne dans ce récit magnifique les dérives d’une époque et la complaisance d’un milieu littéraire aveuglé par le talent et la notoriété.

     

    Mon avis :

     

    Il est difficile de parler de ce livre de manière objective tant son sujet me révolte. Mais il est remarquablement écrit et vaut la peine d'être lu.

    L'intelligence de Vanessa Springora est d'avoir pris GM à son propre jeu en l'enfermant dans un livre. Lui qui a bâti sa carrière sur le récit de ses actes délictueux, mettant en scène les très jeunes partenaires sexuels qu'il avait, sans jamais avoir le moindre remord, la moindre conscience qu'il ajoutait le mal au mal.

     

    Dans ce récit à la construction impeccable, les titres des chapitres sont révélateurs : L'enfant, La proie, L'emprise, La déprise, L'empreinte, Ecrire.

    L'auteure présente d'abord sa situation familiale, les conflits qu'elle supporte depuis ses cinq ans, l'inattention de ses parents envers elle, puis l'absence du père et l'inconséquence de sa mère. La rencontre avec GM, figure paternelle et homme attentif, ne pouvait que déboucher sur une méprise de la jeune fille qu'elle était, voyant dans ses marques d'affection l'amour pur et vrai qui lui manquait tant. Jamais, elle ne niera son rôle dans leur relation. Jamais elle ne fera passer pour viol ou agression ce qu'elle vivait avec consentement, persuadée d'aimer et d'être aimée follement. Et c'est là que le livre est bouleversant. Comme toute jeune fille, elle donne par amour, avec pureté et absolu alors qu'il prend en prédateur, calculateur froid et manipulateur. Nous, lecteurs aguerris, on le sait. Elle l'ignore.

     

    Ce récit se lit d'une traite, la gorge serrée. Si vous cherchez des scènes hot, passez votre chemin. Ce récit ne parle que d'amour et de désir. Si vous cherchez de la calomnie, passez aussi votre chemin. Les faits racontés le sont avec mesure et mots pesés. La simple narration de leur histoire suffit à montrer le chasseur, le pervers narcissique qui toujours se victimise et jamais ne joue de son statut d'adulte pour protéger et éloigner l'enfant. L'auteure ne jette pas de noms en pâture à la vindicte populaire. Des initiales, un seul nom, un prénom, c'est tout. 

     

    La plume est précise, puissante, réfléchie, les mots choisis. Il ne s'agit pas de lyncher mais de se dire, de se confier comme on le ferait en thérapie. Avec vérité. Un livre indispensable pour comprendre et que tous ceux de ma génération devrait lire. - Je suis de celle de l'auteure. - Une parole de victime enfin libérée. Un retour sur un assourdissant silence, incompréhensible en 2020. Une voix forte et claire qui met tous les adultes d'hier et aujourd'hui face à leurs responsabilités.

     

    A lire, à faire lire, indispensable. 

     

       

     

    Un article pertinent, une analyse complète qui montre bien que, non, ce n'est pas seulement le fait d'une époque.
    https://les-enfants-en-morceaux.webnode.fr/l/soutiens-de-matzneff-l-heure-des-comptes-a-sonne/?fbclid=IwAR0DL010bjnapIldKNDyv5Qia7HBdCePkwZy_8j2c9UgspvP2j5K769fQ2s

     

     

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  • Quand Dieu boxait en amateur, Guy BIOLEYDans une France rurale aujourd'hui oubliée, deux gamins passionnés par les lettres nouent, dans le secret des livres, une amitié solide.
    Le premier, orphelin de père, travaille comme forgeron depuis ses quatorze ans et vit avec une mère que la littérature effraie et qui, pour cette raison, le met tôt à la boxe. Le second se tourne vers les écritures plus saintes et devient abbé. Mais jamais les deux anciens gamins ne se quittent. Aussi, lorsque l'abbé propose à son ami d'enfance d'interpréter le rôle de Jésus dans son adaptation de la passion de Notre seigneur Jésus-Christ, celui-ci accepte pour sacrer, sur la scène du théâtre paroissial, leur fraternité.

     

    Mon avis :

     

    Je découvre Guy Bioley par ce roman et je suis séduite.

     

    Guy Boley peint avec justesse et pudeur les sentiments d'un fils pour son père. Il évoque son père et un monde ouvrier aujourd’hui disparu. Vivant à Besançon, le narrateur a grandi dans une famille enracinée depuis plusieurs générations, dans le quartier d’ouvriers et de cheminots du dépôt, entre une mère au foyer et un père forgeron. Ce dernier, René, orphelin de père, a grandi, lui, avec une mère exigeante besognant pour élever son fils. Inquiète de le voir plongé dans les livres ou le dictionnaire, dont il recopie des mots qu’il aime, elle l’inscrit à la boxe pour l’endurcir et l’envoie travailler. Il grandira dans ce milieu prolétaire, forgeron le jour, boxeur les fins de semaine et acteur de second rôle pour arrondir ses fins de mois. Ensuite, avec son épouse, il montera des opérettes de quartier pour divertir ses voisins ouvriers.

    Son fils unique, Guy, nous raconte ce père alors qu’il vient de mourir. De l’admiration sans borne qu’il lui vouait, enfant, à l’opposition amère de l’adolescence, il n’omet rien. Au fil des pages, on comprend ses regrets et la mauvaise conscience qui l’habite de s’être éloigné de ce père qu’il voyait comme une épave qu’il ne voulait pas être.

    Il nous raconte aussi, l’ami d’enfance de son père, Pierre -devenu prêtre dans leur paroisse d’origine - leur amitié indéfectible, leur complicité silencieuse, leurs oppositions et l’amour du théâtre qui poussa Pierre a donné le rôle de sa vie à René qu’il endossa des années durant. Un beau voyage en nostalgie.

     

    Ecrit dans une langue magnifique, ourlée de métaphores, ce roman nous offre, par sa puissance d’évocation, des pages d’anthologie (le récit du combat sur le ring, les répétitions de la Passion). Ce récit prend littéralement aux tripes, par ce qu’il raconte mais aussi par son style lyrique et vif à la fois, le vocabulaire choisi et l’émotion qui affleure à chaque phrase.

     

    Ici bat le cœur du monde ouvrier, de l’amitié, de la solidarité et de l’amour au-delà de la misère et de la nostalgie. Un coup de cœur pour moi.

     

     

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  • Lettres d'amour de 0 et 10, S. MORGENSTERN & Thomas BAASErnest a dix ans : dix ans qu’il s’ennuie seul, élevé par sa grand-mère Précieuse et la gouvernante Germaine.

    Les heures sans saveur s’écoulent ainsi jusqu’au jour où Victoire de Montardent fait une entrée fracassante dans sa classe, soufflant un vent d’amour et de folie sur ce quotidien morose.

     

    Mon avis :

     

    Je connais ce récit de Susie Morgenstern, lu il y a plus de vingt ans. C’est avec un réel plaisir que je l’ai reçu pour Noël sous la forme d’une délicieuse bande dessinée réalisée par Thomas Baas, illustrateur et affichiste de formation. C’est un vrai condensé de bonheur et de tendresse.

     

    Ernest a dix ans et vit avec deux dames âgées. Elles lui sont complètement dévouées mais n’ont aucune fantaisie et il mène, sans le savoir, une vie bien austère. Chez lui, il n’y a pas de télévision, pas de téléphone, on ne reçoit personne et on n’est jamais invité nulle part. Il a une vie réglée, millimétrée et ennuyeuse. Mais Ernest n’en prend conscience que le jour où une nouvelle élève arrive dans sa classe. Victoire va débouler comme un ouragan dans sa vie. Bavarde, curieuse, légèrement sans-gêne, elle déborde d’énergie et le trouve si beau qu’elle décide de se marier avec lui. Victoire est l’avant dernière d’une famille de quatorze enfants et la seule fille. Elle fait découvrir à Ernest ce qu’est une famille nombreuse. Elle, elle aime le calme de l’appartement d’Ernest où elle peut faire ses devoirs et recevoir son aide. Elle l’entraine aussi à déroger aux règles que Précieuse a imposé à son petit-fils et le gamin réservé et solitaire va sortir de son cocon et s’épanouir peu à peu jusqu’à prendre la décision de découvrir la vérité sur sa famille.

     

    Comme dans tous les romans de Susie Morgenstern, l’histoire est tendre, drôle et remplie d’émotions. Les caractères opposés des enfants en font un duo attachant qu’on aime d’emblée. Les personnages secondaires sont bien campés et contribuent à rendre le scénario dynamique et profond. Susie Morgenstern y aborde des thèmes qui lui sont chers comme la famille, l’amitié, la solidarité et l’identité. Elle y adjoint également une enquête sur les origines familiales d’Ernest qui ponctue l’intrigue d’un peu de suspense.

     

    Thomas Baas, lui, nous offre ici sa première BD. J’ai aimé l’ambiance qu’il crée et ses personnages un peu rétro. J’ai aussi apprécié la légèreté de son trait, la simplicité des dessins et les expressions des visages de même que le choix des couleurs et leur traitement. Le rythme est maitrisé et alterne les scènes entre les deux enfants et le questionnement d’Ernest sur sa famille et ses origines.

    C’est une très chouette adaptation du roman, classique de la littérature jeunesse. Je vous le recommande quel que soit votre âge.

     

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  • Dans les forêts de Sibérie, Virgile DUREUIL & Sylvain TESSONPeut-on se détacher complètement du monde des hommes ? Quitter la ville et son quotidien pour aller vivre au bout du monde, tel est le défi que s’est donné Sylvain Tesson. De février à juillet 2010, l’écrivain voyageur a choisi de vivre la fin de l’hiver puis le printemps sibérien. Habitant seul une cabane au bord du Lac Baïkal, il s’est plié au silence en choisissant de vivre lentement, environné de livres, de vodka et de souvenirs. Sans déranger la nature mais en s’interrogeant avec elle dans une introspection au long cours, Tesson a marché, exploré, pêché, il a fait du patin à glace sur le lac et accepté l’hospitalité de ses rares voisins.  

     

    Mon avis :

     

    Le roman de Tesson paru en 2011 est magnifiquement adapté ici en bande dessinée par Virgile Dureuil. Par un dessin subtil et généreux, coloré, il illustre ce récit de vie au bord du Lac Baïkal, cette vie d’ermite et d'introspection loin des soubresauts du monde et qui s’interroge sur la possibilité de se détacher complètement du monde « civilisé ».

     

    D’un côté il y a le récit que je découvre grâce à cet album. Un récit poétique, original et froid comme la banquise. - Pas sûre que je l’aurais aimé sans le soutien des illustrations de Virgile Dureuil - Parti pour six mois au milieu de nulle part, avec ce qu’il faut de provisions lyophilisées, de pâtes et d’alcool, Sylvain Tesson se retire pour réfléchir, lire, ressentir et se reposer. Là-bas, il n’y a pas grand-chose à faire : un voisin à 5h de marche, l’autre à une journée, une cabane au pied de la montagne couverte de taïga jusqu’à 1000 mètres et devant, le lac à perte de vue, gelé lorsque l’auteur arrive en février. Il meuble ses journées en coupant du bois, pêchant, buvant du thé ou de la vodka ; il lit, marche beaucoup et médite face à la nature.

    Ce récit atypique, au cœur d’un univers sauvage et extrême, transmet beaucoup d’émotions, de confidences sur la condition humaine, la vie débridée que l’on mène, le monde de la littérature et les échanges artificiels. Il nous offre une ode à la nature, aux relations franches et sauvages des Russes de Sibérie, une vie de contemplation.

     

    De l’autre côté, il y a l’adaptation, premier ouvrage de Virgile Dureuil, venu de la publicité. Ce n’est pas une mince affaire d’adapter un best-seller mais ce coup d’essai est un coup de maître. C’est un petit bijou de douceur et de poésie dans une palette de tons qui magnifient la nature sibérienne, son immensité et la sérénité des lieux. Des eaux aux forêts en passant par les animaux, le dessin est naturel, sobre et simple. Il rend hommage au texte sans l’alourdir et parvient même quelques fois à rendre les états d’âme de Sylvain Tesson. L’histoire est plutôt lente, constituée d’anecdotes, de moments choisis racontant la routine du quotidien mais aussi d’intrépides randonnées de plusieurs jours en solitaire pour aller retrouver des humains et briser la solitude. Les dessins créent une ambiance  et devant ces paysages de la taïga russe, on se prend à penser que la vie d’ermite serait peut-être le bonheur.

     

     

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  • Ce que tu as fait de moi, Karine GIEBELPersonne n’est assez fort pour la vivre.
    Personne n’est préparé à l’affronter, même si chacun la désire plus que tout.
    La passion, la vraie…
    Extrême.
    Sans limites.
    Sans règles.

    Cette nuit, c’est le patron des Stups, le commandant Richard Ménainville, qui doit confesser son addiction et répondre de ses actes dans une salle d’interrogatoire. Que s’est-il réellement passé entre lui et son lieutenant Laëtitia Graminsky ? Comment un coup de foudre a-t-il pu déclencher une telle tragédie ? Interrogée au même moment dans la salle voisine, Laëtitia se livre. Elle dira tout de ce qu’elle a vécu avec cet homme. Leurs versions des faits seront-elles identiques ?
    La passion selon Karine Giebel… conduit forcément à l’irréparable.

     

    Mon avis :

     

    Je n’ai jamais lu Karine Giebel. Je l’ai souvent croisée en salon. Je l’ai écoutée, trouvée sympathique mais je n’avais jamais lu un de ces romans. Un ami m’a prêté son dernier en me disant « Lis-le qu’on en parle ». Je m’attendais à du noir. J’ai découvert pire.

     

    Je n’ai pas pu aller au bout de cette histoire nauséabonde, sordide, immonde. Richard, marié, "tombe amoureux" de Laetitia, mariée, elle aussi. Qu'à cela ne tienne, il la veut, il l'aura. Et cette "folle passion" commence par une relation non consentie que son collègue et lui lui imposent de manière brutale après l'avoir fait boire. "Amoureux". "Passion". Sérieusement ???
    Je ne comprends pas ce que l’auteure a voulu montrer. Jamais je n’ai lu une phrase permettant de se dire qu’elle se distanciait des faits ou qu’elle les dénonçait. Au contraire son message semble légitimer les actes Menainville par la supériorité de l’homme. Par « amour » (non par désir ce n’est pas la même chose) il va posséder, soumettre, briser celle qu’il dit aimer.

    Jusqu’à ce que la nausée m’empêche d’aller au-delà, je n’ai lu que coups, brutalités, violences, viol, perversion, humiliation. Et l’auteur de prétendre « c’est de l’Amour » WTF ???? Parce que « la passion… la vraie, ça ne s’explique pas » que « Sans elle, ou sans l’espoir de la connaitre un jour, que serions-nous ? Des coquilles vides et froides » C’est sérieux ? Karine Giebel, vous y croyez vraiment ? Vous cautionnez tout ça sous prétexte de passion qui rend déraisonnable ? beurk

    Je n’ai pas pu aller au bout. J’ai détesté ce discours glauque qui ne dénonce rien mais excuse au nom de la passion, la seule chose qui vaille la peine. Excusez-moi, je vais vomir. beurk

    Mais le pire, c'est que je n'ai croisé qu'une seule lectrice dénonçant ce discours ambigu, cette apologie de la violence. UNE ! Alors que j'ai lu des dizaines de chroniques dithyrambiques. On peut trouver le style addictif, l'écriture soignée (quoique ce n'est pas mon cas) et se distancier des propos, regretter le sujet et son traitement. Mais non, rien sauf chez "Il est bien ce livre". 
    Le monde m'affole de plus en plus.

     

     

     

      

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  • L'appartement du dessous, Florence HERRLEMANDans le petit immeuble parisien du Marais où elle vit depuis des lustres, Hectorine voit d'un jour à l'autre l'appartement du dessous investi par une nouvelle voisine, Sarah. Pour lui souhaiter la bienvenue, la vieille dame dépose une lettre sur le pas de sa porte. Cette missive sera suivie de beaucoup d'autres, retraçant une traversée du XXe siècle incroyable, entre le Cabourg de La Recherche, le Berlin du IIIe Reich et le Paris d'après-guerre.
    Mais pourquoi toutes ces lettres ? « Un jour, vous saurez », promet la centenaire à Sarah qui se prend au jeu, intriguée par cette voisine invisible dont les confidences laissent percer l'aiguillon d'un douloureux secret...

     

    Mon avis :

     

    Le pitch est original : une vieille dame de 104 ans pousse sa jeune voisine de 29 ans à correspondre avec elle par lettre alors qu’elles vivent dans le même immeuble. Il est aussi moyennement crédible : l’âge des protagonistes, la vivacité d’esprit d’Hectorine et son dynamisme… Et pourtant, dès le départ on y croit.

     

    En quelques pages, Florence Herrlemann parvient à nous immerger dans cette relation peu ordinaire. Au fil des mots, le charme opère et on ressent les émotions de ces héroïnes auxquelles on s'attache. Comme Sarah, on s’agace, on s’irrite, on ne comprend pas, on s’impatiente… On trouve qu’Hectorine tourne autour du pot, fait exagérément durer le plaisir et finalement, on ressent ce plaisir et l’excitation qui l’accompagne.

     

    J’ai rarement éprouvé autant d’émotions diverses à la lecture d’un roman. J’ai même versé une larme après avoir ri de la relation de la soirée chez les Viaux.

     

    L’auteure a une plume agréable et élégante, d’une grande sensibilité. « Comment était la mer ? Portait-elle sa robe d'automne, étincelant d'éclats vert et gris ? Vous a-t-elle raconté ce qu'elle charriait au plus profond de ses abimes ? Qu'a-t-elle déposé sur le sable ?  A vos pieds ? Vous a-t-elle fait don de ses murmures enchantés qu'elle brasse la nuit au clair de lune ?»

    Sa structure narrative, le choix de la forme épistolaire, la différence d’âge de ses héroïnes, leur personnalité, le contexte… tout concoure au plaisir de lecture.

     

    Correspondant depuis de longues années avec des amies lointaines, j’ai particulièrement goûté ces échanges au charme désuet, rédigés en mots choisis et au style opposé, forcément.

    C’est un roman tendre, poétique et profondément humain que je vous recommande chaleureusement.

     

     

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